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La foi en action > Sur les pas de saint Paul > sa conversion-3
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Il m'est apparu à moi, l'avorton

"Ce trésor nous le portons dans des vases d'argile"

Qui était cet homme à qui Jésus est apparu sur le chemin de Damas?

À plus d'un point de vue, Paul est presqu'à l'antipode de Jésus. Contrairement à Jésus, il n'a pas passé sa jeunesse dans un petit village inconnu de la Galilée, mais dans une des grandes villes les plus réputées de l'époque: Tarse en Cilicie (actuelle Turquie). Au temps de Paul, cette ville portuaire, située au carrefour de routes importantes, avait déjà une longue histoire et portait les traces de trois civilisations: hellénique, romaine et juive. Les Juifs de la diaspora (on nomme ainsi ceux qui vivent à l'extérieur de la Terre Sainte) y étaient nombreux tout en étant influencés par les autres cultures. Paul en a été marqué; s'appelant Schaoul (Saul) en hébreu et Paulos (Paul) en grec, il parlait couramment trois langues: le grec, l'hébreu et l'araméen. Paul n'est pas né comme Jésus dans une grotte dû à la pauvreté des parents; au contraire, son père était un marchand en vue et suffisamment à l'aise financièrement pour acquérir la citoyenneté romaine et lui permettre de suivre des études avancées à Jérusalem.

Sa formation

thorarabbinTrès attachés aux traditions juives, les parents de Paul l'élevèrent dans la stricte observance de toutes les prescriptions de la Thora, puis l'envoient à Jérusalem vers l'âge de 15 ans pour qu'il se mette à l'école de Gamaliel, le professeur biblique le plus éminent de l'époque. Au contact de ce grand maître, dont il partage la vie pendant plus de cinq ans, Paul acquiert une connaissance exceptionnelle de la Bible et de la loi. Il apprend à vénérer Dieu comme l'Unique, le Très-Haut, le Transcendant qu'il ne faut même pas oser nommer (Le nom Yawhé, en hébreux est fait uniquement de consonnes pour qu'on ne puisse pas le prononcer) mais qui s'est choisi un peuple dont lui, Paul, a le grand privilège de faire partie. Ce Tout-Puissant qui a sauvé son peuple de l'esclavage et à qui il a laissé ses commandements pour le guider, il entend le satisfaire pleinement, le servir et lui obéir en tous points.

"Moi, circoncis le huitième jour, de la race d'Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu fils d'Hébreux; pour la loi, pharisien; pour le zèle, persécuteur de l'Église; pour la justice qu'on trouve dans la loi, devenu irréprochable" (Ph.3, 4-6)

Vers l'an 34, celui qui avance avec précipitation sur le chemin de Damas est ce jeune rabbin, profondément religieux, pharisien de stricte observance, d'à peine 25 ans mais déjà membre du sanhédrin (le conseil de doctes juifs faisant office d'autorité suprême religieuse et de cour de justice politique).

Il est de petite taille, d'apparence chétive, mais d'une énergie et d'une force physique certaines. C'est un jeune au caractère absolu, déterminé et intransigeant. Il est obsédé par la haine de ceux qui se réclament du Nazôréen,« ne respirant que menaces et meurtres contre les disciples du Seigneur » (Actes 9, 1). L'idée qu'un menuisier de Galilée ose s'élever à la droite du Tout-Puissant lui est absolument insoutenable.

Pourquoi se décrit-il comme un "avorton"?

Selon le dictionnaire, un avorton est "un être chétif et mal fait, qui n'a pas atteint un développement normal". Si Paul utilise ce mot (1Co, 15,8 ) pour dire qu'il n'avait pas atteint le développement normal qui l'amènerait à accueillir Jésus, il a certes raison. Absolument rien ne le préparait à la révélation qu'il allait recevoir sur Dieu. Alors que les bergers de Bethléem pouvaient reconnaître la vraie nature de Dieu sous les traits d'un bébé dépendant de sa créature et qui n'avait à offrir que le bonheur de l'aimer, Paul en était absolument incapable. Il répugnait à l'idée de reconnaître le sauveur promis dans un homme crucifié au Golgotha. Il en était d'autant plus éloigné qu'il n'éprouvait aucun besoin d'un sauveur dans sa propre vie. Aux Philippiens il écrira: "J'avais des raisons d'avoir confiance en moi-même" (Ph.3,4). Ses origines, sa formation, l'observance des lois qu'il s'efforçait de pratiquer le laissaient avec le sentiment d'être juste, la satisfaction de soi et la confiance dans ses propres forces pour réussir à plaire à Dieu. C'était un mal très grave, un mal d'autant plus pernicieux qu'il ne se fait pas voir.

Plongé dans la noirceur

Immédiatement après la manifestation sur le chemin de Damas, Paul perdit complètement la vue. Pendant trois jours, il put entrer en lui-même et réfléchir à tout ce qui lui arrivait. Comment pouvait-il rejeter l'image qu'il s'était faite de Dieu? Comment pouvait-il se détacher de tout ce qui le valorisait: sa formation religieuse, son souci d'observer toutes les lois? Ce détachement a dû lui être très pénible car ça faisait partie de son être, comme une seconde nature.

Paul avait certes de grandes qualités - et Dieu s'en servira pour répandre la bonne nouvelle dans le monde païen - mais il lui manquait une disposition essentielle, indispensable, pour permettre au Christ de transparaître et d'agir à travers lui: la conscience de sa pauvreté et de son besoin de salut.

Ancré dans sa vérité de créature et de pécheur

Jésus l'amènera sur ce chemin de l'humilité, lui faisant prendre conscience de sa condition de créature et de pécheur. Il fallu du temps à Paul pour l'accepter. Paul supplia le Seigneur avec insistance de le guérir de sa vulnérabilité et de certaines limites. On ne sait de quelle faiblesse il s'agit, Paul ne le précise pas. Ce que l'on sait c'est que le Seigneur ne l'exaucera pas. Il le laissera avec ce mal pour en tirer un plus grand bien.

"De peur que la grandeur de ces révélations ne m'enorgueillit, il m'a été donné un aiguillon dans ma chair, un ange de satan, pour me souffleter. C'est pourquoi trois fois j'ai prié le Seigneur de l'éloigner de moi; et Il m'a dit: Ma grâce te suffit; car la force s'accomplit dans la faiblesse. Je me glorifierai donc volontiers de mes faiblesses, afin que la force du Christ habite en moi. (II Cor 12, 7-10)

Avec le temps, Paul apprendra à se connaître vraiment, à perdre sa suffisance, à ne plus compter sur lui-même et à tout attendre du Christ.

"Or toutes ces choses qui étaient pour moi des gains, je les ai considérées comme une perte à cause du Christ. ... je considère tout cela comme ordures ...afin de trouver la justice qui vient de Dieu et s'appuie sur la foi." (Ph.3, 7,9)

Bienheureux les pauvres

Paul en est arrivé non seulement à accepter mais à aimer sa pauvreté. Il fit l'expérience que c'est au moment où il réalisait son impuissance et faisait face à des difficultés insurmontables qu'il s'en remettait totalement au Christ et constatait ensuite la puissance de sa résurrection à l'oeuvre.

"C'est pourquoi je me complais dans mes faiblesses, dans les outrages, dans les nécessités, dans les persécutions, dans les angoisses pour le Christ; car lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort." (Ph.4, 6-7)

Permettre à la puissance de Dieu d'agir deviendra son seul souci. À la fin de sa vie, c'est avec sérénité qu'il se reconnait comme un "vase d'argile" et qu'il nous rappelle que nous le sommes tous.

"Le Dieu qui a dit: que la lumière brille au milieu des ténèbres, c'est lui-même qui a brillé dans nos coeurs pour faire resplendir la connaissance de sa gloire qui rayonne sur le visage du Christ. Mais ce trésor, nous le portons dans des vases d'argile, pour que cette incomparable puissance soit de Dieu et non de nous." (Ph.4, 6-7)


Prière

M'appuyant sur l'intercession de ton apôtre Paul, je t'en prie Seigneur,
conduis-moi sur le chemin de l'humilité. Donne-moi de me voir tel que tu me vois.
Toi qui as dit: "Bienheureux les pauvres en esprit", apprends-moi à reconnaître ma pauvreté. Apprends-moi à la découvrir avec humour, sans jamais douter de ta miséricorde.
À l'exemple de Paul et par son intercession, fais briller sur moi ton visage,
pour qu'en prenant conscience de ma faiblesse,
j'apprenne aussi à mettre toute ma confiance en toi,
et à m'abandonner totalement à toi. Amen.

Serge Séguin