par Roger Gauthier, o.m.i.
Jésus parut troublé par la déclaration de Jean le Baptiste qu’il recevait comme un message mystérieux de celui qu’il appellera bientôt son Père. Lentement, il s’éloigna de la foule avec l’air d’écouter Dieu lui parler encore. Il ne vit pas tout de suite les deux disciples du Baptiste qui marchaient discrètement derrière lui. Quand il les remarqua, enfin, il leur demanda : « Est-ce moi que vous suivez ?» Comme pris en délit d’indiscrétion, ils lui répondirent tout naïvement, avec grande révérence : « Maître, nous voudrions savoir où tu demeures ». C’était vers la fin de l’après-midi. Il répondit simplement. « Venez voir par vous-mêmes ». Ils y allèrent et finirent la journée avec lui. Voilà comment débuta son œuvre pour le salut du monde.
L’un des deux, André, avait un frère qu’il aimait beaucoup; il s’appelait Simon, pêcheur de son métier. Emballé par sa découverte, André s’empressa, le soir même, de lui en parler : « Je pense que nous avons trouvé le Messie. Tu sais : le choisi de Yahweh qu’Israël attend depuis des siècles, eh bien, je pense qu’il est tout proche d’ici. » Il n’eut pas de peine à décider son frère qui s’emballait facilement. Dès le lendemain matin, les deux frères s’en furent rencontrer Jésus. Dès qu’ils arrivèrent, Jésus eut un regard sur Simon qui s’est senti atteint dans tout son être. Il nous en a souvent parlé plus tard. Pour lui faire comprendre ce qu’il avait vu, Jésus modifia son nom, comme on faisait jadis pour annoncer le futur d’une personne: « Jusqu’ici on te nommait Simon, le fils de Jean; désormais tu seras appelé ‘Képhas’, ce qui veut dire ‘Roc’ (ou Pierre) ». Sur le moment, Simon n’en saisit pas le sens, mais plus tard, beaucoup plus tard, il a compris.
Les paroles du Baptiste, suivies si tôt de la visite de ses deux disciples et de Simon qui l’appelaient « Maître » furent pour Jésus des signes de l’Esprit. C’est pourquoi, sans tarder, il se mit à la recherche d’autres gens qui voudraient partager sa mission avec lui. Il chercha d’abord dans sa patrie, en Galilée. Le premier rencontré fut un nommé Philippe; c’était un homme de Bethsaïda, la ville d’André et de Simon-Pierre. Il l’interpella : « Viens avec moi ». Jésus était un homme qui inspirait confiance dès le premier contact. Sans hésiter, Philippe se mit à le suivre. Or ceux que Jésus interpelait en parlaient souvent à leurs meilleurs amis : ça c’était passé ainsi pour André avec son frère Pierre. À moi aussi qui ai écrit cet Évangile, il avait dit : « Suis-moi » et je suis allé chercher mon frère Jacques. Philippe eut le même réflexe et s’empressa d’informer son ami Nathanaël, lui annonçant Jésus comme la grande trouvaille de l’histoire : « Celui de qui il est question dans la Loi de Moïse et dans les prophètes, nous l’avons trouvé, c’est Jésus, le fils de Joseph, de Nazareth ». Mais Nathanaël ne s’emballait pas facilement. Il fit appel à sa connaissance des Écritures. Après réflexion, il répondit : « Non, ne compte pas voir sortir de Nazareth pareil prophète; ce n’est pas d’un petit village comme celui-là que viendra un Messie qui devra dominer le monde. » Philippe insista quand même en comptant qu’il serait séduit lui aussi : « Viens le voir et tu jugeras par toi-même : il est spécial. »
En voyant arriver Nathanaël, Jésus le fixa droit dans les yeux, comme il avait fait avec Simon et comme il fera souvent dans les rencontres marquantes de sa vie. Il dit à haute voix comme se parlant à lui-même : « Voici un véritable Israélite sans artifice, vrai de bord en bord; il ne joue pas sur les apparences. » Nathanaël en fut estomaqué : « Comment me connais-tu? Je ne me rappelle pas t’avoir déjà rencontré. » Mystérieusement, Jésus lui répondit : « Juste avant que Philippe te parle, je t’ai vu en méditation sous un figuier. » Nathanaël fut bouleversé et perdit tout scepticisme; il s’exclama avec émerveillement : « Maître, c’est vraiment toi que Dieu nous envoie pour prendre la tête d’Israël. » Jésus le regarda avec un sourire affectueux et lui dit : « Tu n’as encore rien vu! » Et se tournant vers les gens qui l’entouraient, il dit :
« Je vous assure qu’un jour, vous verrez des choses qui vous feront connaître davantage le lien
que je vis avec celui qui m’a envoyé parmi vous ».
< précédent |
suivant > |