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Ville-Marie, future Montréal, n'est fondée que depuis quinze ans lorsque Jacques Le Ber (1633-1706) s'y installe en 1657. Jeanne Le Ber y naît, rue Saint-Joseph, maintenant rue Saint-Sulpice, le 4 janvier 1662. Elle est la deuxième d'une famille de cinq enfants et l'unique fille de Jeanne Le Moyne (1630-1682) et de Jacques Le Ber, marchand et notable de Montréal.
Son parrain est le Gouverneur pour le Roy de l'île de Montréal et fondateur de Ville-Marie, Paul de Chomedey de Maisonneuve (1612-1676) et sa marraine Jeanne Mance, (1606-1673) co-fondatrice de la ville, directrice et fondatrice de l'Hôtel-Dieu.
Le négociant Jacques Le Ber est devenu un des plus riches marchands du pays. L'inventaire de ses biens, dressé entre le 1er décembre 1706 et le 5 janvier 1707, couvre cent vingt-deux pages. Les montants totaux énumérés dus à sa succession s'élèvent à la somme de 55 938 livres, et la valeur de ses biens en fourrures, sont estimés à 151 199 livres. Sa vaisselle d'argent est évaluée à 2 140 livres, en valeur monétaire. Il conservait dans sa chambre une somme évaluée à un peu plus de 8 900 livres. Une livre équivaut présentement entre 15 et 20 dollars.
Jacques Le Ber est anobli par Louis XIV en 1696. Fils et filles légitimes sont anoblis en même temps que père et mère. Jeanne Le Ber a donc été anoblie ipso facto.
Louis Le Ber de Saint-Paul, premier né de la famille, voit le jour à Ville-Marie le 24 août 1659. Devenu agent d'affaires pour son père à La Rochelle, il épouse Louise Grignon, en la même ville, en 1689. Il y meurt, sans descendance, l'année suivante de son mariage à l'âge de trente-et-un ans.
Jacques Le Ber de Senneville, troisième enfant de la famille, naît à Ville-Marie le 26 août 1663. Poursuivant une carrière militaire en France, il est promu capitaine d'une compagnie du détachement de la Marine. À l'âge de vingt-neuf ans, il épouse, en 1692, également en France, Marie Claude de la Cour de Maltot.
Son fils Joseph-Hippolyte Le Ber de Saint-Paul de Senneville, naît probablement en France, en 1697. Il se distingue et reçoit la prestigieuse croix de Saint-Louis en 1742.
Jean-Vincent Le Ber du Chêne, quatrième enfant de la famille, est baptisé à Montréal, le 8 novembre 1666. Il débute sa carrière sous les armes. Au cours d'une défense héroïque survenue près du fort Saint-Louis de Chambly, contre une cohorte d'Anglais et d'Iroquois, Jean-Vincent y reçoit une blessure, le 9 août 1691 et meurt le 11 août suivant, à l'âge de vingt-quatre ans.
Pierre Le Ber, cinquième et dernier enfant, naît à Ville-Marie le 11 août 1669. Peintre mystique, il brosse le célèbre portrait de Marguerite Bourgeoys en 1700. Il rejoint les Champs célestes le 1er octobre 1707, à l’âge de trente-huit ans.
Marguerite Bourgeoys
Pierre Le Ber
huile sur toile, 1700
L'original est conservé au Musée Marguerite Bourgeois
Les onze cousins germains de Jeanne Le Ber, fils de Charles Le Moyne de Longueuil sont tous devenus célèbres, entre autres Charles Le Moyne premier baron de Longueuil, (1656-1729), Pierre Le Moyne d'Iberville, (1661-1706), de Joseph Le Moyne de Sérigny, (1668-1734), Jean-Baptiste Le Moyne de Bienville, (1680-1767).
La descendance de deux cousins de Jeanne Le Ber se poursuit en ligne directe encore jusqu'à nos jours en la personne du marquis Éric Le Moyne de Sérigny, vivant à Paris et du comte Jacques Pierre Le Moyne de Martigny, citoyen canadien et français demeurant en France.
Les Ursulines de Québec Costumes des communautés religieuses Aquarelle, James Duncan, 1853 Album de Jacques Viger Archives Ville de Montréal |
De 1674 à 1677, la petite Jeanne poursuit ses études chez les Ursulines de Québec où elle apprend l'art de la broderie et de la peinture à l'aiguille.
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À son retour à Montréal, chez son père, elle vit déjà retirée du monde de 1678 à 1695. Ce dernier l'a pourvu d'une dot de 200 000 livres, ce qui en fait la plus riche héritière de la Nouvelle-France. Elle utilisera durant sa vie toute cette fortune, non pas pour ses besoins personnels, mais en la distribuant aux personnes dans le besoin et à des institutions.
En 1695, elle aménage dans un minuscule appartement qu'elle s'est fait construire à l'arrière de la chapelle des sœurs de la Congrégation de Notre-Dame, église dont elle a défrayé les frais de construction et de décoration. Là, comme avant, elle ne voit personne, sauf son directeur spirituel et son père, un médecin ou un notaire au besoin.
Jeanne, artiste sensible et douée, a produit de magnifiques broderies dont on peut encore admirer les quatre derniers témoignages conservés à la Basilique Notre-Dame de Montréal.
Son travail rapide et précis remplissait toutes ses heures entre ses moments de piété et d'adoration.
Chasuble:
broderie attribué à Jeanne LeBer :
fils de soie et de laine polychromes,
fils d'or fin et d'argent
Fin XVIIème siècle,
Fabrique Notre-Dame de Montréal
photo: Denis-Carl Robidoux
La charité de Jeanne, mise en application dès son pensionnat à Québec — et peut-être même avant — a été au cœur de ses activités durant toute sa vie. Toutes les attestations de ses contemporains sont unanimes et témoignent de la très grande générosité de Jeanne Le Ber, tant par son argent, par sa sollicitude, par ses productions manuelles que par ses prières.
Elle a horreur de l'oisiveté et est constamment active.
La jeune recluse a vaincu la ladrerie.
Jeanne se départit volontiers de ses biens pour les offrir aux démunis. Elle n’hésite pas à donner de son argent, pour des œuvres concrètes, dès que l'occasion se présente à elle.
C'est ainsi que Jeanne assume, en 1695, les coûts de la construction de son appartement à l'arrière de la chapelle des Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame, de ceux de la chapelle elle-même, de sa décoration, de son autel, de même que ceux des vases sacrés et liturgiques en argent massif. Elle y établit la fondation d'une messe quotidienne. Jeanne paye aux religieuses une pension annuelle pour sa cousine Anne Barroy, qui est sa camérière et pour elle-même. Jeanne crée un fonds pour l'éducation des jeunes filles. Elle défraie les coûts de la construction d'un pensionnat pour demoiselles. Et bien d'autres choses encore…
Chapelle Notre-Dame de la Victoire |
Dès sa première communion, Jeanne développe une très grande dévotion en l'Eucharistie. Elle se sent attirée par Jésus-Hostie comme l'aimant attire le fer. Elle utilise cette comparaison pour illustrer son amour de Jésus lors de la visite de son évêque, Mgr Jean-Baptiste de Saint-Vallier, (1653-1727), qui est accompagné de deux Anglais, dont un est ministre. Jeanne « se prosternant en regardant l’autel voilà lui dit-elle ma pierre d'aimant c’est notre Seigneur qui est véritablement et réellement dans le très Saint Sacrement. » (Cf.: Vachon de Belmont, Roy, RAPQ, 1929-1930, p. 160.)
Ainsi, le mystique devient comme un aimant, il attire à lui et polarise ce qui lui est analogue chez les autres. Le mystique tend à se confondre et à devenir « un » avec son Créateur. C'est bien-là toute la vie de Jeanne Le Ber.
La communion demeure pour Jeanne son apothéose personnelle. Cette mystique s'abîme en son action de grâce. Son âme se transporte alors littéralement dans les sphères célestes. Le plan physique s'efface, c'est la commune union, l'adoration divine. Elle entre en contact étroit avec son divin Maître.
De toutes évidences, Jeanne a découvert et saisi cette profonde vérité: les paroles que Jésus a prononcées sur Terre l'ont été non seulement ici-bas, mais aussi au-delà des constellations et encore plus loin que le fin fond de l'Univers. Parce qu'elles ont été prononcées par Dieu le Fils, elles ont été proclamées dans l'Absolu. À cause de la puissance de Celui qui les a formulées, elles sont, en plus d'être immortelles, toujours neuves et actuelles.(Cf.: Matthieu, 24, 35)
Jeanne développe une très grande dévotion à la Vierge Marie, à ses saints patrons Jean l'Évangéliste et Jean-Baptiste, envers l'Archange saint Michel et les saints Anges. Quelques anecdotes, sur ces sujets, ont été consignées par son contemporain et son biographe M. François Vachon de Belmont, pss.
Le regard de Jeanne, de préciser Vachon de Belmont, possédait cette qualité exceptionnelle:
peinture faite par Diane Bérubé en 2022 |
« elle avait de temps en temps véritablement de certains regards presque imperceptibles très vifs et très sublimes.»
(Vachon de Belmont, Roy, RAPQ, 1929-1930, p. 156.)
Aucun contemporain de Jeanne Le Ber n'a décrit ses traits physiques. Son biographe ne donne que cette précision
« la maigre peau qui couvrait ses os » (Vachon de Belmont, Roy, RAPQ, 1929-1930, p. 164.)
À aucune époque, les portraits dessinés, peints ou sculptés de Jeanne n'ont pas été basés sur les éléments physiques provenant de la description des os de son crâne. Ce ne sont que des représentations purement imaginaires.
Elle n'a jamais voulu devenir une religieuse afin de demeurer autonome dans sa façon de gérer sa fortune. Jeanne n'a donc jamais revêtu le voile comme les sœurs en portaient en communauté.
Elle se coiffait d'un simple bonnet sans décorations. Elle portait une modeste robe de grosse toile grise, un tablier de même, des bas troués et des souliers qu'elle se fabriquait avec des feuilles de maïs cousues sur une semelle de cuir.
Au terme d'une vie mystique des plus florissantes, à l'âge de cinquante-deux ans, Jeanne nous quitte physiquement le 3 octobre 1714 pour rejoindre Jésus, l'Amour de sa vie.
La plus riche et noble damoiselle, vivant en réclusion au XVIIème siècle en Nouvelle-France, est devenue, de son plein gré, la plus pauvre fille du pays ayant tout donné aux autres.
Ses restes reposent près de son amie sainte Marguerite Bourgeoys en la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours dans le Vieux-Montréal.
En 1991, l'archevêché de Montréal procède à l'ouverture de la tombe Le Ber. L'analyse des restes par les médecins légistes révèle que ce sont les os d'une seule personne de sexe féminin. Ils observent qu'une incisive se caractérise par une échancrure. Visible sur son portrait reconstitué, cette encoche s'est creusée par l'habitude de Jeanne de couper ses fils d'or et d'argent avec ses dents.
Le 28 octobre 2015, Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal, ouvre l’enquête canonique de la Cause de la Servante de Dieu Jeanne Le Ber en la chapelle Notre-Dame du Sacré-Cœur de la Basilique Notre-Dame.
La Cause de Béatification de Jeanne est en Cour de Rome.
Postulateur à Rome : Frère Luigi Guarneri, FSC.
L’archevêque de Montréal présidait le 17 mai 2023 l’ouverture d’un nouveau procès diocésain ainsi que la première session publique de l’enquête canonique concernant la cause de canonisation de la recluse Jeanne Le Ber (1662-1714). Mgr Lépine souhaite que cette Montréalaise soit bientôt reconnue comme vénérable dans l’Église catholique.
vice-postulateur: Georges Bellemare
La recluse mystique de Montréal.
Jeanne Le Ber 1662-1714
Membre à vie de la Société historique de Montréal depuis 1988 et son trésorier de 2009 à 2016, Georges Bellemare vient de faire paraître un livre sur cette célèbre mystique montréalaise de la Nouvelle-France. Édité par la Congrégation du Très-Saint-Sacrement, cet ouvrage hors commerce et limité à 500 exemplaires comporte 634 pages et 177 illustrations en quadrichromie. La préface est de Soeur Lorraine Caza de la Congrégation Notre-Dame et la postface du Père Loyola Gagné, s.s.s.
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La recluse mystique de Montréal Jeanne Le Ber est le résultat de « l'enquête la plus approfondie jamais réalisée sur la plus riche et noble damoiselle vivant recluse à la fin du XVIIe siècle en Nouvelle-France ». Une première biographie avait été rédigée par le sulpicien François Vachon de Belmont, son contemporain. D'autres ont écrit sur Jeanne Le Ber, dont Étienne Montgolfier, p.s.s., qui rapporte des témoignages de personnes ayant connu Jeanne, et plus tard, Étienne-Michel Faillon, p.s.s. Mais jamais personne s’était attelé au défi de publier une biographie si complète de la Recluse. Ce livre est une encyclopédie !
Le Président de la Société historique de Montréal, a tenu à féliciter Georges Bellemare pour ce livre qui a dû certainement demander des années de travail.
Si vous êtes intéressé par ce livre, hors commerce, veuillez contacter monsieur Bellemare au courriel suivant : j.g.bellemare.des.gres@gmail.com
Pour la région de Québec, on peut s’adresser au P. Gagné, s.s.s., au courriel suivant :
loyolagagne@gmail.com