GAUTHIER, Roger, o.m.i., Prier les psaumes avec le Christ, Fides/Médiaspaul, SOCABI, 2003, 253 p.
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Oblat de Marie Immaculée, le père Gauthier a consacré sa vie à l'animation spirituelle et publié plusieurs livres. Convaincu de la richesse des psaumes, il tient à en faire une prière qui parle au coeur. Il choisit des mots proches de la vie quotidienne et délaisse le plus possible la mentalité de l'Ancien Testamen afin de tenir compte de la vision évangélique que nous avons aujourd'hui de Dieu et de nos rapports avec Lui. Il nous explique ici le sens de cette réécriture.
On dit que Thérèse de Lisieux n'était pas à l'aise pour prier avec certains psaumes qui parlaient de peur de Dieu ou de haine des ennemis. J’ai aussi rencontré souvent des gens qui m'ont dit ressentir le même malaise en lisant les psaumes, à la messe ou dans la Liturgie des Heures.
Pour ma part, j'ai longtemps essayé de contourner la difficulté. En mon cœur, je remplaçais les expressions «peur de Dieu» ou «haine des méchants» par «peur de ne pas aimer assez le Seigneur» et par «haine du mal» plutôt que des méchants. J’étudiais aussi diverses exégèses qui suggéraient le sens mystique de certaines expressions. Mais cette gymnastique intellectuelle grugeait la spontanéité de ma rencontre filiale avec le Dieu-Père annoncé par Jésus.
Je me suis donc risqué à réécrire les psaumes en délaissant le cadre de l’Ancien Testament pour favoriser une mentalité véritablement évangélique. Je voulais rejoindre vraiment la pensée de Jésus telle qu’elle apparaît dans l’Église du Nouveau Testament. D'où le titre: "Prier les psaumes avec la Communauté du Christ"
Étant donné que la prière est éducatrice de notre foi, les psaumes risquent de nous garder dans la foi d'Abraham plutôt que dans la foi de Jésus. Il est facile de constater, dans notre vie quotidienne, que beaucoup de nos réactions viennent instinctivement de l'Ancien Testament plutôt que de l'Évangile : notre Dieu reste souvent un Tout-Puissant qui exige l'obéissance plutôt qu’un Père qui offre son amour; il reste le Créateur qui produit tous les événements, même éprouvants, plutôt que l'Esprit qui donne sens à toutes les situations, heureuses ou malheureuses, produites par des humains; il est le Maître qui récompense ou punit selon le mérite plutôt que le Père miséricordieux toujours gratuit; il est le Protecteur d'une Communauté privilégiée plutôt que le Sauveur de toute l'humanité.
Il ne s'agit pas d'une nouvelle traduction des psaumes: il y en a de très belles et elles sont indispensables pour nous faire pénétrer dans le cœur de nos ancêtres et pour nous enraciner dans leur foi qui est à l'origine de la nôtre. Mais il faut toujours nous souvenir que la foi d'Abraham ne trouve son vrai sens qu’à la lumière de la foi de Jésus. D’ailleurs, les psalmistes ignoraient que leur parole portait un sens mystérieux à découvrir au temps des Évangiles. Nous amputons une partie importante de leur message quand nous refusons de saisir plus que n’exprime leur verbalisation consciente.
Mais ce qui restera valable pour tous les temps, ce sont les multiples expériences spirituelles évoquées devant le Seigneur dans la prière originelle des psaumes. Ces expériences naissaient au fil des événements quotidiens et provoquaient, chez les gens, toutes les sortes de sentiments: joies ou peines, épreuves ou bien-être, attentes ou déceptions, conflits ou réconciliations, agressivité ou douceur, enthousiasme ou dépression, audace ou peur, amour ou haine. En somme, tout ce que peut vivre le peuple de Dieu dans son esprit, dans son cœur et dans son corps et dont il cherche le sens pour l’intégrer au dessein du Tout-Puissant : voilà le matériau dont les psalmistes se servaient pour parler de son Peuple à Yahweh ou pour annoncer Yahweh à son Peuple
En priant les psaumes, la Communauté du Christ suit la même démarche, mais elle communique avec le Dieu révélé par Jésus plutôt qu'avec le Dieu révélé à Moïse. Comme les psalmistes, j’ai utilisé parfois la louange ou la supplication, parfois l’adoration ou la contrition : car cette pédagogie est aussi nourrissante pour la foi d’Abraham que pour celle de la Communauté évangélique.
Parce qu'il s'agit d'un changement de regard sur la vie, certaines expressions et symboles doivent être remplacés comme, par exemple, on ne peut plus présenter la haine des ennemis comme une vertu, ou encore nous référer à Sion comme au centre actuel de l'unité. Et pour garder la caractéristique la plus originale des psaumes, j’ai dû donner priorité à un texte qui favorise la prière du Peuple actuel de Dieu, quitte à sacrifier des perles anciennes très significatives pour les gens de l’Ancien Testament et même pour les mystiques du Nouveau Testament, mais qui ne s’enracinent pas dans la vie quotidienne d’aujourd’hui. Par exemple, la belle image du berger idéal, au psaume 23, parlait très fort dans une société largement paysanne; mais dans une société industrialisée, l’image du père idéal a beaucoup plus d’impact pour annoncer un Dieu qui veut assurer le bonheur de ses enfants par tous les moyens.
En réécrivant les psaumes, je ne cherchais pas à conserver le plus possible la verbalisation originale; mais je choisissais les mots ou les expressions qui porteraient davantage le cœur des priants actuels jusqu’au Père, tout en les gardant en contact vivant avec l’inspiration profonde de chaque psaume.
Voilà les principales modifications apportées au texte original des psaumes pour les rendre plus faciles à prier avec le cœur vivant de la Communauté actuelle du Christ. Mais j’ai tâché de ne perdre aucune des richesses spirituelles exprimées par les psalmistes dans leur émerveillement devant l'histoire de Dieu à travers les siècles.
Roger Gauthier, o.m.i.
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