Prière pour un nouveau Pape

Roger Gauthier, o.m.i.

Seigneur, tu nous as fait une surprise :
tu nous as donné un pape que je n’attendais pas...
Et bien d’autres en sont troublés, comme moi.
Je ne l’attendais pas car il ne pense pas comme moi...

Je ne me crois pas plus fin que le pape, ni même aussi brillant que lui.
Pourtant, n’est-il pas possible que je sache au moins un peu
certaines choses que je trouve importantes pour notre Église ?
Des choses dont lui-même n’a pas l’expérience pastorale ?

Après tout, il n’est pas obligé de tout savoir ;
il a ses limites comme j’ai les miennes.
Ce serait bien s’il pouvait écouter mes suggestions.
Après, il en fera ce qu’il voudra, mais qu’il les écoute.
C’est sans doute une illusion naïve de moi!

Bien sûr, pour remplir sa mission, il est obligé d’être fidèle à lui-même avant tout puisque l’Esprit a promis de l’éclairer, lui.
Mais ça se peut que l’Esprit m’éclaire, moi aussi, des fois ? Et qu’on mette ça ensemble pour notre Église ?

Seigneur, je veux faire confiance au pape,
mais je crois que certaines idées me viennent aussi de toi.
C’est pourquoi je reste inquiet
quand je pense à l’avenir de l’Église avec ce nouveau pape.

L’avenir ? Pas facile à prévoir
avec une humanité de pécheurs.
Tu nous as dit que l’avenir nous dépasse toujours :
« Ne vous inquiétez donc pas pour le lendemain…
à chaque jour suffit sa peine. » (Mt, 6, 34)

Et, avant de mourir, pour nous rassurer
tu nous as promis de prendre notre futur à ta charge :
« J’ai encore beaucoup de choses à vous dire,
mais actuellement, vous ne pouvez pas les supporter ;
lorsque viendra l’Esprit de vérité,
il vous fera accéder à la vérité tout entière. » (Jn 16, 12-13)

J’avais compris cette promesse comme l’assurance
que tu choisirais des gens parfaits
pour diriger ton Église tout le long de son histoire.
Je croyais que tu manipulerais les cardinaux,
sans qu’ils s’en aperçoivent,
pour qu’ils élisent le pape idéal,
le pape que je trouverais parfait.

Et voilà que tout à coup, je me sens ridicule !
Moi, si farouche sur ma liberté comme un don de toi,
un don qui nous fait image de toi – je le répète si souvent –
et là je serais prêt à ce que tu l’abimes chez les électeurs du pape!
Tu me vois déçu parce que tu as laissé des pécheurs choisir librement
le pape qu’ils jugeaient le meilleur pour l’Église,
avec le risque qu’ils se trompent.

À toi, il reste de transformer leurs erreurs humaines
de façon à réaliser quand même les projets de ta sagesse.
N’est-ce pas ce que tu as fait depuis le début du monde ?
Tu as même tourné la mort de notre Sauveur en résurrection !

Pour retrouver ma paix et garder mon espérance intacte,
Seigneur, j’ai besoin de ta grâce pour croire de tout mon cœur
à l’Église que tu vas réaliser avec le pape
que les cardinaux ont choisi en présence de l’Esprit.

Tu es habitué à travailler avec des créatures limitées,
inévitablement « pauvres pécheurs ».
Heureusement pour nous que tu aies inventé
le don de l’Espérance.

Seigneur, à cause de ta façon à toi de nous aimer, je crois vraiment que tu donneras au nouveau pape de porter des fruits dans l’Église d’aujourd’hui :

d’abord, à même les richesses que tu as mises en lui, et, peut-être davantage encore, à même ses pauvretés qui donneront des fruits inattendus.