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CHOIX DE TEXTES
provenant d'auteurs spirituels
ou de documents officiels
de l'Église
L'ÉCOLE DE PRIERE DE BENOÎT XVI
Table des matières
Voir aussi:
QUESTIONS DE LA SEMAINE
sur la Prière
Les prophètes de Baal, en effet, crient, s’agitent, dansent en sautant, entrent dans un tel état d’exaltation qu’ils en vienne à s’inciser le corps, « avec des épées et des lances jusqu’à l’effusion du sang » (1 R 18, 28). Ils ont recours à eux-mêmes pour interpeller leur dieu, en faisant confiance à leurs propres capacités de provoquer sa réponse. Ainsi se révèle la réalité trompeuse de l’idole : il est pensé par l’homme comme quelque chose dont on peut disposer, que l’on peut gérer avec ses propres forces, auquel on peut accéder à partir de soi-même et de sa propre force vitale. L’adoration de l’idole, au lieu d’ouvrir le cœur humain à l’Altérité, à une relation qui libère et permet de sortir de l’espace étroit de son propre égoïsme pour accéder à des dimensions d’amour et de don réciproque, enferme la personne dans le cercle exclusif et désespérant de la recherche de soi. Et la tromperie est telle que, en adorant l’idole, l’homme se retrouve contraint à des actions extrêmes, dans la tentative illusoire de le soumettre à sa propre volonté. C’est pourquoi les prophètes de Baal en viennent jusqu’à se faire du mal, à s’infliger des blessures sur le corps, dans un geste dramatiquement ironique : pour avoir une réponse, un signe de vie de leur dieu, ils se recouvrent de sang, se recouvrant symboliquement de mort.
C’est une attitude de prière bien différente qu’adopte en revanche Elie. Il demande au peuple de s’approcher, en l’impliquant ainsi dans son action et dans sa supplication. Le but du défi qu’il a lancé aux prophètes de Baal était de ramener à Dieu le peuple qui s’était égaré en suivant les idoles : c’est pourquoi il veut qu’Israël s’unisse à lui, devenant participant et acteur de sa prière et de ce qui est en train d’advenir. Puis le prophète érige un autel, en utilisant, comme le dit le texte, « douze pierres, selon le nombre des tribus des fils de Jacob, à qui le Seigneur s’était adressé en disant : “Ton nom sera Israël” » (v. 31). Ces pierres représentent tout Israël et sont la mémoire tangible de l’histoire d’élection, de prédilection et de salut dont le peuple a été objet. Le geste liturgique d’Elie a une portée décisive ; l’autel est le lieu sacré qui indique la présence du Seigneur, mais ces pierres qui le composent représentent le peuple qui à présent, par la médiation du prophète, est symboliquement placé devant Dieu, devient « autel », lieu d’offrande et de sacrifice.
Mais il est nécessaire que le symbole devienne réalité, qu’Israël reconnaisse le véritable Dieu et retrouve son identité de peuple du Seigneur. C’est pourquoi Elie demande à Dieu de se manifester, et les douze pierres qui devaient rappeler à Israël sa vérité servent également à rappeler au Seigneur sa fidélité, à laquelle le prophète appelle dans la prière. Les paroles de son invocation sont riches de signification et de foi :
« Seigneur, Dieu d'Abraham, d'Isaac et d'Israël, qu'on sache aujourd'hui que tu es Dieu en Israël, que je suis ton serviteur et que c'est par ton ordre que j'ai accompli toutes ces choses. Réponds-moi, Seigneur, réponds-moi, pour que ce peuple sache que c'est toi, Seigneur, qui es Dieu et qui convertis leur cœur ! » (vv. 36-37 ; cf. Gn 32, 36-37).
Elie s’adresse au Seigneur en l’appelant Dieu des Pères, faisant ainsi mémoire de façon implicite des promesses divines et de l’histoire d’élection et d’alliance qui a uni de façon indissoluble le Seigneur à son peuple. La participation de Dieu à l’histoire des hommes est telle que désormais, son nom est lié de façon inséparable à celui des patriarches et le prophète prononce ce Nom saint afin que Dieu se rappelle et soit fidèle, mais également afin qu’Israël se sente appelé par son nom et retrouve sa fidélité. Le titre divin prononcé par Elie apparaît en effet un peu surprenant. Au lieu d’utiliser la formule habituelle, « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob », il utilise une appellation moins commune : Dieu d’Abraham, d’Isaac et d’Israël ». L’utilisation du nom «Jacob» qui remplace celui d’« Israël » évoque la lutte de Jacob au gué du Yabboq et le changement de nom auquel le narrateur fait une référence explicite (cf. Gn 32, 31) et dont j’ai parlé dans l’une des catéchèses passées. Cette substitution acquiert une signification importante au sein de l’invocation d’Elie. Le prophète est en train de prier pour le peuple du royaume du Nord, qui s’appelait précisément Israël, qui se distingue de Juda, qui indiquait le royaume du Sud. Et à présent, ce peuple, qui semble avoir oublié son origine et sa relation privilégiée avec le Seigneur, est appelé par son nom tandis qu’est prononcé le nom de Dieu, Dieu du Patriarche et Dieu du peuple : « Seigneur, Dieu [...] d’Israël, qu'on sache aujourd'hui que tu es Dieu en Israël ».
Le peuple pour lequel Elie prie est placé devant sa propre vérité, et le prophète demande que la vérité du Seigneur également se manifeste et qu’Il intervienne pour convertir Israël, le détachant de la tromperie de l’idolâtrie et le conduisant ainsi au salut. Sa requête est que le peuple sache finalement, connaisse en plénitude qui est véritablement son Dieu, et fasse le choix décisif de le suivre, Lui seul, le vrai Dieu. Car ce n’est qu’ainsi que Dieu est reconnu pour ce qu’il est, Absolu et Transcendant, sans la possibilité de placer à ses côtés d’autres dieux, qui le nieraient comme absolu, le relativisant. Telle est la foi qui fait d’Israël le peuple de Dieu ; c’est la foi proclamée dans le texte bien connu du Shema ‘Israel :
« Ecoute, Israël : Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir » (Dt 6, 4-5).
A l’absolu de Dieu, le croyant doit répondre par un amour absolu, total, qui engage toute sa vie, ses forces, son cœur. Et c’est précisément pour le cœur de son peuple que le prophète, à travers sa prière, implore la conversion : « que ce peuple sache que c'est toi, Seigneur, qui es Dieu et qui convertis leur cœur ! » (1 R 18, 37). Elie, à travers son intercession, demande à Dieu ce que Dieu lui-même désire faire, se manifester dans toute sa miséricorde, fidèle à sa réalité de Seigneur de la vie qui pardonne, convertit, transforme.
Et c’est ce qui a lieu : « Et le feu du Seigneur tomba et dévora l'holocauste et le bois, et il absorba l'eau qui était dans le canal. Tout le peuple le vit ; les gens tombèrent la face contre terre et dirent : “C'est le Seigneur qui est Dieu ! C'est le Seigneur qui est Dieu !” » (vv. 38-39). Le feu, cet élément à la fois nécessaire et terrible, lié aux manifestations divines du buisson ardent et du Sinaï, sert à présent à signaler l’amour de Dieu qui répond à la prière et se révèle à son peuple. Baal, le dieu muet et impuissant, n’avait pas répondu aux invocations de ses prophètes : le Seigneur, au contraire, répond, et sans équivoque, non seulement en brûlant l’holocauste, mais en allant jusqu’à absorber toute l’eau qui avait été versée autour de l’autel. Israël ne peut plus avoir de doutes : la miséricorde divine est allée au devant de sa faiblesse, de ses doutes, de son manque de foi. A présent, Baal, la vaine idole, est vaincu et le peuple, qui semblait perdu, a retrouvé le chemin de la vérité et s’est retrouvé lui-même.
Chers frères et sœurs, que nous dit cette histoire du passé ? Dans quelle mesure cette histoire est-elle actuelle ? Avant tout, c’est la priorité du premier commandement qui est en question : adorer uniquement Dieu. Là où Dieu disparaît, l’homme tombe dans l’esclavage d’idolâtries, comme l’ont montré, à notre époque, les régimes totalitaires et comme le montrent également diverses formes de nihilisme, qui rendent l’homme dépendant d’idoles, d’idolâtries qui le réduisent à l’état d’esclave. Deuxièmement, l’objectif principal de la prière est la conversion : le feu de Dieu qui transforme notre cœur et nous rend capables de voir Dieu et ainsi, de vivre selon Dieu et de vivre pour l’autre. En troisième lieu, les Pères nous disent que cette histoire d’un prophète est elle aussi prophétique, si — disent-ils — elle est l’ombre du futur, du futur Christ ; il s’agit d’un pas sur le chemin vers le Christ. Et ils nous disent que nous voyons ici le véritable feu de Dieu : l’amour qui guide le Seigneur jusqu’à la croix, jusqu’au don total de soi. La véritable adoration de Dieu, alors, est de se donner soi-même à Dieu et aux hommes, la véritable adoration est l’amour. Et la véritable adoration de Dieu ne détruit pas, mais renouvelle, transforme. Certes, le feu de Dieu, le feu de l’amour brûle, transforme, purifie, mais précisément ainsi, il ne détruit pas, mais crée la vérité de notre être, il recrée notre cœur. Et ainsi, réellement vivants par la grâce du feu de l’Esprit Saint, de l’amour de Dieu, nous sommes adorateurs en esprit et en vérité. Merci.
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(*) "L'école de prière" est une série de catéchèses sur la prière donnée par Benoît XVI, en 2011-2012, dans le cadre des audiences du mercredi. Le pape y regroupe de façon systématique son enseignement sur la prière. Le présent texte est le sixième de la série. Voir la liste des catéchèses présentées lors de ces audiences.
Source du texte: Le Saint Siège, Benoît XVI, Audiences, Mercredi 15 juin 2011.