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Textes provenant d'auteurs spirituels ou extraits de documents officiels de l'Église
CHOIX DE TEXTES
provenant d'auteurs spirituels
ou de documents officiels
de l'Église
L'ÉCOLE DE PRIERE DE BENOÎT XVI
Table des matières
Voir aussi:
QUESTIONS DE LA SEMAINE
sur la Prière
Chers frères et sœurs,
À notre école de prière, mercredi dernier, j’ai parlé de la prière de Jésus, mourant sur la croix, avec le psaume 22 : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Je voudrais maintenant continuer notre méditation sur la prière de Jésus en croix, devant sa mort imminente, et j’aimerais m’arrêter aujourd’hui sur le récit que nous trouvons dans l’évangile de saint Luc. L’évangéliste nous a transmis trois paroles de Jésus sur la croix, deux d’entre elles – la première et la troisième – étant des prières adressées explicitement au Père. La seconde, elle, est la promesse faite à celui que l’on appelle le Bon larron, qui est crucifié avec lui ; en effet, en répondant à la prière du larron, Jésus le rassure : « En vérité je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23, 43). Dans le récit de Luc, les deux prières que Jésus, mourant, adresse à son père sont suggestivement liées à l’accueil de la supplication qui lui est adressée par le pécheur repenti. Jésus invoque le Père et en même temps il écoute la prière de cet homme que l’on surnomme souvent latro poenitens, « le larron repenti ».
Arrêtons-nous sur ces trois prières de Jésus. La première est prononcée par Jésus immédiatement après qu’il a été cloué sur la croix, pendant que les soldats se partagent ses vêtements, en triste récompense du service rendu. Dans un certain sens, c’est par ce geste que se conclut le processus de la crucifixion. Saint Luc écrit : « Lorsqu’ils furent arrivés au lieu appelé Crâne, il l’y crucifièrent ainsi que les malfaiteurs, l’un à droite et l’autre à gauche. Et Jésus disait : “Père, pardonne-leur : ils ne savent ce qu’ils font.” Puis, se partageant ses vêtements, ils tirèrent au sort » (Lc 23, 33-34). La première prière que Jésus adresse au Père est une prière d’intercession : il demande le pardon pour ses propres bourreaux. Jésus accomplit ainsi en personne ce qu’il avait enseigné dans le Discours sur la montagne lorsqu’il avait dit : « Mais je vous le dis, à vous qui m’écoutez : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent » (Lc 6, 27), et il avait aussi promis, à ceux qui sauraient pardonner : « Votre récompense alors sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut » (Lc 6, 35). Sur la croix, maintenant, non seulement il pardonne à ses bourreaux, mais il intercède pour eux directement auprès du Père.
On trouve une « imitation » émouvante de ce comportement de Jésus dans le récit de la lapidation de saint Etienne, premier martyr. Etienne, en effet, désormais proche de sa fin, « fléchit les genoux et dit, dans un grand cri : “Seigneur, ne leur impute pas ce péché.” Et disant cela, il s’endormit. » (Ac 7, 60) : ce fut sa dernière parole. La comparaison entre la prière de pardon de Jésus et celle du protomartyr est significative. Saint Etienne s’adresse au Seigneur ressuscité et demande que son meurtre – un geste qui est clairement défini par l’expression « ce péché » - ne soit pas imputé à ceux qui le lapidaient. Jésus, sur la croix, s’adresse au Père et non seulement il lui demande pardon pour ceux qui le crucifient, mais il offre aussi une lecture de ce qui est en train de se passer. Selon ses paroles, en effet, les hommes qui le crucifièrent « ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 24). Le motif qu’il invoque pour implorer le pardon du Père est donc l’ignorance, le fait de « ne pas savoir », parce cette ignorance laisse ouverte une voie vers la conversion, comme cela arrive d’ailleurs dans les paroles que le centurion prononcera à la mort de Jésus : « Sûrement, cet homme était un juste !» (Lc 23, 47), c’était le Fils de Dieu. « Il est une consolation pour tous les temps et pour tous les hommes que, aussi bien à ceux qui ignorent – les bourreaux – qu’à ceux qui savent – ceux qui l’avaient condamné -, le Seigneur fasse de leur ignorance la base de la demande de pardon. Il la voit comme une porte qui peut nous ouvrir à la conversion » (Jésus de Nazareth, II, 239).
La seconde parole de Jésus sur la croix, rapportée par saint Luc, est une parole d’espérance, la réponse à la prière d’un des deux hommes crucifiés avec lui. Devant Jésus, le Bon larron rentre en lui-même et il se repent, il réalise qu’il se trouve devant le Fils de Dieu, qui rend visible le visage de Dieu lui-même, et il le prie : « Jésus, souviens-toi de moi, lorsque tu viendras avec ton Royaume » (v. 42). La réponse du Seigneur à cette prière va bien au-delà de la demande ; en effet, il lui dit : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis » (v. 43). Jésus est conscient qu’il entre directement en communion avec le Père et qu’il ouvre à cet homme la voix du paradis de Dieu. Ainsi, à travers cette réponse, il donne la ferme espérance que la bonté de Dieu peut nous toucher, jusqu’au dernier instant de notre vie, et la prière sincère, même à la fin d’une vie passée dans l’erreur, rencontre les bras ouverts du Père qui est bon et qui attend le retour de son fils.
Mais arrêtons-nous sur les dernières paroles de Jésus au moment de sa mort. L’évangéliste raconte : « C’était déjà environ la sixième heure quand, le soleil s’éclipsant, l’obscurité se fit sur la terre entière, jusqu’à la neuvième heure. Le voile du Sanctuaire se déchira par le milieu et, jetant un grand cri, Jésus dit : “Père, en tes mains je remets mon esprit.” Ayant dit cela, il expira. » (vv. 44-46). Certains aspects de ce récit diffèrent du tableau qu’en donnent Marc et Matthieu. Les trois heures d’obscurité de Marc ne sont pas décrites et, chez Matthieu, elles sont reliées à une série d’événements apocalyptiques comme le tremblement de terre, les tombeaux qui s’ouvrent et les morts qui ressuscitent (cf. Mt 27, 51-53). Chez Luc, les heures d’obscurité sont causées par l’éclipse du soleil, mais c’est aussi à ce moment-là que le voile du sanctuaire se déchire. Ainsi, le récit de Luc présente deux signes, qui sont d’une certaine manière parallèles, dans le ciel et dans le Temple. Le ciel perd sa lumière, la terre s’effondre, alors que dans le Temple, lieu de la présence de Dieu, le voile qui protège le sanctuaire se déchire. La mort de Jésus est caractérisée explicitement comme un événement cosmique et liturgique ; en particulier, elle marque le commencement d’un nouveau culte, dans un temple non construit par les hommes, parce que c’est le corps même de Jésus mort et ressuscité, qui rassemble les peuples et les unit dans le sacrement de son corps et de son sang.
En ce moment de souffrance, la prière de Jésus - « Père, en tes mains je remets mon esprit » - est un grand cri d’abandon extrême et total entre les mains du Père. Sa prière exprime la pleine conscience qu’il a de ne pas être abandonné. L’invocation initiale – « Père » - rappelle sa première déclaration quand il avait douze ans. Il était resté trois jours dans le Temple de Jérusalem, dont le voile est maintenant déchiré. Et quand ses parents lui avaient exprimé leur préoccupation, il avait répondu : « Pourquoi donc me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? » (Lc 2, 49). Depuis le commencement jusqu’à la fin, ce qui détermine entièrement les sentiments de Jésus, sa parole, son action, c’est la relation unique qu’il a avec le Père. Sur la croix, il vit pleinement, dans l’amour, cette relation filiale avec Dieu qui anime sa prière.
Les paroles prononcées par Jésus, après l’invocation « Père », reprennent l’expression du psaume 31 : « En tes mains je remets mon esprit » (Ps 31, 6). Mais ces paroles ne sont pas une simple citation, elles manifestent plutôt une décision ferme : Jésus se « livre » au Père dans un acte d’abandon total. Ces paroles sont une prière de « remise de soi », pleine de confiance dans l’amour de Dieu. La prière de Jésus face à la mort est dramatique, comme elle l’est pour tout homme, mais en même temps, elle est habitée par ce calme profond qui naît de la confiance dans le Père et de la volonté de se livrer totalement à lui. A Gethsémani, lorsqu’il était entré dans le combat final et dans une prière plus intense parce qu’il allait être « livré aux mains des hommes » (Lc 9, 44), sa sueur était devenue « comme de grosses gouttes de sang qui tombaient par terre » (Lc 22, 44). Mais son cœur était pleinement obéissant à la volonté du Père, et c’est pour cela que, « venant du ciel, un ange » était venu le réconforter (cf. Lc 22, 42-43). Désormais, dans ces derniers instants, Jésus s’adresse au Père et nous dit quelles sont réellement ces mains entre lesquelles il livre toute son existence. Avant de partir pour Jérusalem, Jésus avait insisté auprès de ses disciples : « Mettez-vous bien dans les oreilles les paroles que voici : le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes » (Lc 9, 44). Maintenant que la vie va le quitter, il scelle dans sa prière son ultime décision : Jésus s’est laissé livrer « aux mains des hommes », mais c’est dans les mains du Père qu’il remet son esprit ; ainsi, comme l’affirme l’évangéliste Jean, tout est accompli, l’acte suprême d’amour est mené à sa fin, jusqu’à la limite et au-delà de la limite.
Chers frères et sœurs, les paroles de Jésus sur la croix, dans les derniers instants de sa vie terrestre, offrent des indications exigeantes pour notre prière, mais elles lui ouvrent la voie d’une confiance sereine et d’une ferme espérance. Jésus, qui demande au Père de pardonner à ceux qui le crucifient, nous invite au geste difficile de prier aussi pour ceux qui nous font du tort, qui nous ont blessés, sachant toujours pardonner afin que la lumière de Dieu puisse illuminer leur cœur ; et il nous invite à vivre, dans notre prière, le même comportement de miséricorde et d’amour que Dieu à notre égard : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés », disons-nous chaque jour dans le « Notre Père ». En même temps, Jésus qui, au moment extrême de la mort se remet totalement entre les mains de Dieu le Père, nous communique la certitude que, quels que soient la dureté de nos épreuves, la difficulté de nos problèmes, le poids de notre souffrance, nous ne tomberons jamais hors des mains de Dieu, ces mains qui nous ont créés, qui nous soutiennent et nous accompagnent sur le chemin de l’existence, parce qu’elles sont guidées par un amour infini et fidèle. Merci.
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(*) "L'école de prière" est une série de catéchèses sur la prière donnée par Benoît XVI, en 2011-2012, dans le cadre des audiences du mercredi. Le pape y regroupe de façon systématique son enseignement sur la prière. Le présent texte est le vingt-deuxième de la série. Voir la liste des catéchèses présentées lors de ces audiences.
Source du texte: Le Saint Siège, Benoît XVI, Audiences, Mercredi 15 février 2012,
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