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Réflexion sur l'évangile de la Fête du Christ-Roi, C

Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.

 



 

 

Lc 23, 35-43

On venait de crucifier Jésus, et le peuple restait là à regarder. Les chefs ricanaient en disant : « Il en a sauvé d'autres : qu'il se sauve lui-même, s'il est le Messie de Dieu, l'Élu ! » Les soldats aussi se moquaient de lui. S'approchant pour lui donner de la boisson vinaigrée, ils lui disaient: « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même! » Une inscription était placée au-dessus de sa tête : « Celui‑ci est le roi des Juifs. »

L'un des malfaiteurs suspendus à la croix l'injuriait : « N'es-tu pas le Messie ? Sauve-toi toi-même, et nous avec ! » Mais l’autre lui fit de vifs reproches : « Tu n’as donc aucune crainte de Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c’est juste: après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. »

 Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne. » Jésus lui répondit : « Amen, je te le déclare : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »

 

34e dimanche ordinaire - C

photo du Père Allard


" Celui-ci est le roi des Juifs"

 

La fête du Christ-Roi, célébrée en fin d’année liturgique, ne correspond pas tellement à la sensibilité religieuse contemporaine. Tout ce qui est triomphaliste dans l'Église est contesté par notre génération hostile à toute manifestation de pouvoir et de puissance. Le temps des rois et des reines est terminé et nous regardons avec un peu d’amusement les déplacements et les scandales des Royautés de notre monde.

Le dimanche du Christ Roi récapitule toute l’année liturgique en nous rappelant que « le règne de Dieu vient » à chaque fois que nous nous penchons sur quelqu’un qui souffre et qui est dans le besoin.

Malgré l’impopularité des «souverains», celle de Jésus dans les évangiles ne fait pas de doute et les évangélistes la mentionnent tout au long de la vie du Seigneur. Pour apprécier ce genre de suprématie, il nous faut en comprendre la nature.

Dans les évangiles, on mentionne le royaume de Dieu 122 fois et 90 fois l’expression est utilisée par Jésus lui-même, mais jamais dans le sens de pouvoir politique. Mais il est clair que le Christ est le « roi du royaume de Dieu » :

- Dès le début de l’évangile de Matthieu, les sages venus d’Orient demandent au roi Hérode : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître? » (Mt 2, 2)

- Dans le texte du jugement dernier, « le Roi dit à ceux à sa droite < Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume qui vous a été préparé depuis la fondation du monde >». (Mt 35, 34)

- Devant Pilate, Jésus répond: « Oui, je suis roi... mais mon règne n’est pas de ce monde ».

- La royauté est le motif de sa condamnation à mort: « Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs » (Mt 27, 37)

Christ RoiLorsque le Christ dit à Pilate que son royaume n’est pas de ce monde, il ne veut pas dire que son règne ne peut pas exister maintenant. Il affirme plutôt qu’il n’est pas basé sur le modèle que nous offre le monde que nous connaissons. Ce n’est pas une royauté de pouvoir, de richesses et de privilèges, mais une royauté de service et de fraternité. Et, ce qui indique le mieux la grande différence entre la royauté de César et celle du Christ est le pardon que Jésus offre à ceux qui l’ont condamné à mort: « Père, pardonne-leur car ils ne savent ce qu’ils font ». (Luc 23, 34).

Le texte de Luc est un texte dérangeant. Le trône de Jésus est une croix, sa couronne, une couronne d'épines, son investiture, une condamnation à mort cloué au-dessus de sa tête : "Celui-ci est le roi des juifs!". Ses gardes du corps sont deux malfaiteurs condamnés avec lui. Aux yeux de tous, c’est une vie ratée, une défaite complète. Cependant, l’inscription sur la croix, écrite en grec, en latin et en hébreu, prédit une répercussion universelle de l’événement.

Christ RoiJusqu’au moment de la mort, l’évangile insiste sur cette royauté d’amour et de service : « Jésus, souviens-toi de moi dans ton royaume», demande le voleur condamné avec lui. Et la réponse à cet homme en train de mourir : «Aujourd’hui même tu seras avec moi dans le paradis ». Dans le royaume de Dieu, il y a de la place pour ceux que l’on ignore dans les autres royaumes : les pauvres, les rejetés, les blessés de la vie.

Ce Royaume d’amour et de service peut commencer à se réaliser dès maintenant, aujourd’hui même, et il existera pleinement lorsque les pauvres, les persécutés, ceux qui souffrent, ceux qui sont rejetés y trouveront leur juste place. C'est pour inaugurer une telle société que Jésus est venu parmi nous.

Avec ce genre de royauté, le Christ veut créer des cieux nouveaux et une terre nouvelle, dans nos familles, dans nos paroisses et dans notre monde de compétition effrénée et de violence sans limites. «Vous savez que les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands font sentir leur pouvoir. Il n’en doit pas être ainsi parmi vous : au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, et celui qui voudra être le premier d’entre vous, sera votre esclave. C’est ainsi que le fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude. » (Mt 20, 25-28)

La fête du Christ-Roi nous invite à réfléchir sur le monde de service rêvé par le Seigneur. Comme le levain dans la pâte, le royaume de Dieu s’installe parmi nous chaque fois :
- qu’une mère veille sur son enfant malade;
- qu’un mari prend soin de son épouse diminuée par la maladie d’alzheimer;
- qu’une bénévole visite des personnes hospitalisées;
- qu’un  chrétien apporte la communion à un handicapé;
- qu’une personne fait courageusement le premier pas pour se réconcilier avec ses frères et sœurs;
- qu’un chœur de chant se rend dans une résidence pour personnes âgées afin de briser la monotonie quotidienne et partager un peu de joie et de musique;
- etc., etc., etc.
Chacun doit trouver sa propre façon d’établir le royaume de Dieu autour de nous.

Si nous participons aux activités de service maintenant, un jour « le Roi nous dira à nous aussi : <venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume, car j’avais faim et vous m’avez donné à manger, j’étais nu et vous m’avez vêtu, j’étais malade et en prison et vous êtes venus me visiter… >».

Le dimanche du Christ Roi récapitule toute l’année liturgique en nous rappelant que « le règne de Dieu vient » à chaque fois que nous nous penchons sur quelqu’un qui souffre et qui est dans le besoin.

« Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. ».

 

Source des photos: Méditation, par Rembrandt, Musée du Louvre.; paroisse Notre-Dame du Pré, /www.paroisse.nddupre.fr