Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.
Jésus dit une parabole pour certains qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient tous les autres :
«Deux hommes montèrent au Temple pour prier. L’un était pharisien et l’autre, publicain.
« Le pharisien se tenait là et priait en lui-même: <Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes: voleurs, injustes, adultères, ou encore comme ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne.>
«Le publicain, lui, se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel; mais il se frappait la poitrine, en disant: <Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis!>
«Quand ce dernier rentra chez lui, c’est lui, je vous le déclare, qui était devenu juste, et non pas l’autre. Qui s'élève sera abaissé; qui s’abaisse sera élevé.»
La parabole du pharisien et du publicain nous présente deux attitudes que nous connaissons très bien.
Le pharisien veut s’affirmer et démontrer sa supériorité. Il sent le besoin d’abaisser les autres qui sont «rapaces, injustes, adultères, ou encore qui sont comme ce publicain!» En affichant sa vertu orgueilleuse, il étale son mépris des autres. Il est centré sur lui-même et démontre un manque total de miséricorde, de bonté et d’amour.
Le publicain de son côté, commence sa prière avec le psaume 50 : « Mon Dieu, prends pitié du pauvre pécheur que je suis ». Il ne juge pas les autres, il se juge lui-même. Cet homme souffre de rejet et de solitude à cause de ses propres péchés. Collecteur d’impôts, il est à la solde des Romains. Il se fait escorter par les soldats pour obliger les pauvres gens à payer les lourdes taxes de l’Empire. Il n’a d’autres amis que ceux qui font le même métier que lui. Il est méprisé par les gens de son peuple et il se méprise lui-même pour le travail qu’il fait. Dans sa peine, il se tourne vers Dieu et s’en remet à lui.
Toute la leçon de la parabole repose sur deux mots qui sont soulignés au début et à la fin du texte : au début, le pharisien est convaincu « d’être juste ». A la fin, le publicain s'en retourne chez lui « justifié», ou « rendu juste » par le Seigneur.
Nous savons que Jésus aime tout le monde et ne fait pas de différence entre les personnes : il accueille aussi bien les pharisiens Nicodème et Simon, que Marie Madeleine, la pécheresse publique, les enfants, les malades, la femme adultère, la samaritaine, les veuves, les publicains et les pécheurs.
Dieu ne détruit pas, il guérit et redonne espoir. Il ne condamne pas, il pardonne. Il ne punit pas, il libère. Il « traite avec ménagement la mèche qui fume encore » (Mattieu 12, 20).
Ce que le Seigneur ne supporte pas, ce sont nos comparaisons malhonnêtes et nos justifications complaisantes : « Mon Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont rapaces, injustes, adultères, ou bien encore comme ce publicain. »
Sur le plan politique, nos campagnes électorales nous donnent souvent des exemples pitoyables de ce comportement pharisaïque. Il semble que les candidats et les partis en lice ne savent que se comparer aux autres candidats ou aux autres partis… naturellement pour conclure qu’ils sont de beaucoup supérieurs à leurs adversaires. Les exagérations les plus répugnantes, les coups bas, les mensonges, tout semble être permis et justifiable.
Et à toutes ces bassesses électorales, on ajoute les pieuses promesses de lutter en faveur des « valeurs familiales, du respect de la religion, du désir profond d’unir les gens de divers partis, de travailler pour le bien être de tous », alors que les paroles et les actes ne font que promouvoir la division, l’inégalité, la haine et les valeurs opposées à ce que ces politiciens promettent à grand déploiement d’annonces publicitaires.
Influencés par notre civilisation de super-héros, de numéros un, de meilleurs au monde, nous passons notre vie à nous comparer aux autres. Nous cherchons à être le premier, le plus fort, le plus doué, le plus riche, le chef de file! Ceux qui ne correspondent pas à nos critères de sélection sont écartés, déclarés nuls, incompétents et sans valeur.
Par ces deux attitudes très schématisées, le Seigneur veut nous faire réfléchir sur la place que nous occupons dans notre monde et sur les relations que nous devons avoir avec Dieu et avec les autres.
La parabole de Jésus s’adresse à nous qui croyons être meilleurs que les autres et qui avons tendance à mépriser ceux et celles qui n’ont pas les mêmes valeurs religieuses, politiques et sociales que nous.
Chaque dimanche, nous commençons nos eucharisties en « reconnaissant que nous sommes pécheurs ». Cela devrait nous convaincre de ne pas nous placer au dessus des autres, de ne pas nous comparer, de ne pas nous croire supérieurs à ceux et celles qui sont différents de nous. En « Reconnaissant que nous sommes pécheurs », acceptons le pardon du Seigneur avec gratitude et humilité.
La rencontre dominicale est un événement tout plein de la miséricorde et de la tendresse de Dieu envers chacune et chacun d’entre nous. Nous n’avons pas à prouver que nous sommes supérieurs aux autres pour être aimés de Dieu. Il nous accepte tels que nous sommes... comme il accepte ceux et celles qui sont différents de nous