Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.
Jésus dit une parabole pour montrer à ses disciples qu’il faut toujours prier sans se décourager: « Il y avait dans une ville un juge qui ne respectait pas Dieu et se moquait des hommes. Dans cette même ville, il y avait une veuve qui venait lui demander: <Rends-moi justice contre mon adversaire.> Longtemps il refusa; puis il se dit: <Je ne respecte pas Dieu, et je me moque des hommes, mais cette femme commence à m'ennuyer: je vais lui rendre justice pour qu’elle ne vienne plus sans cesse me casser la tête.> »
Le Seigneur ajouta: « Écoutez bien ce que dit ce juge sans justice! Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit? Est-ce qu’il les fait attendre? Je vous le déclare: sans tarder, il leur fera justice. Mais le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre?
Les textes de ce dimanche nous rappellent qu’il faut prier régulièrement, sans nous décourager. La prière accompagne l’action et nous aide à affronter les problèmes et les difficultés de la vie.
Il y a peu de temps, un journaliste se moquait d’un prêtre qui demandait aux gens de prier alors qu’une tornade s’approchait de leur île dans les Caraïbes. Le journaliste affirmait que lorsqu’un danger est imminent, ce n’est pas le temps de prier mais de se préparer à faire face à la menace. En lisant cet article, on se rend compte que le journaliste en question ne sait pas vraiment ce qu’est la prière.
La prière n’est pas une formule magique qui nous permette de nous croiser les bras en attendant que Dieu fasse un miracle. Bien sûr, les gens peuvent espérer que la tornade change de direction et passe loin de leur île, mais la prière est là pour nous aider à bien nous préparer afin d’éviter le plus possible les effets destructeurs de la tornade. Une fois l’ouragan passé, la prière nous donne la force et le courage de réparer les dégâts pour revenir à une vie normale. Voilà le but de la prière.
Et cela s’applique à tous les événements importants de notre vie : l’éducation des enfants et des petits enfants, la perte d’emploi, la maladie, l’effet débilitant de la vieillesse, les conséquences d’un accident, etc. La prière nous aide à faire face aux événements de la vie, tout en sachant que même pendant les périodes les plus difficiles, Dieu nous accompagne.
Si, par exemple, quelqu’un prie pour arrêter de fumer, pour guérir de l’alcoolisme, pour faire face à un problème familial, cette personne ne peut s’attendre à un miracle. Mais la prière la soutiendra dans sa décision d’agir. Ce sera difficile mais nous savons que Dieu est avec nous. Ensemble nous pouvons réussir à surmonter les obstacles.
La prière nous invite donc à agir avec courage face à une situation dangereuse. Dans la première lecture d’aujourd’hui, nous avons l’exemple de Moïse qui prie pendant que Josué engage le combat contre les Amalécites. «Moïse dit à Josué: va combattre les Amalécites. Moi, je me tiendrai sur le sommet de la colline, le bâton de Dieu à la main». Pour Moïse et pour Josué, la prière et l’action vont main dans la main.
« Prier pour obtenir la victoire et refuser de se battre est preuve de mauvaise éducation, dit Dieu (Charles Péguy). » Nous prions pour ne pas céder à la fatigue et pour avoir le courage de réagir avec détermination. La prière n’est pas un analgésique qui nous permette d’oublier nos problèmes. Au contraire, elle nous aide à les comprendre et nous donne la force de trouver des réponses adéquates.
J’ai connu des gens en phase terminale de cancer qui ont lutté jusqu’à la dernière minute et ont trouvé du sens à leur maladie et à leurs souffrances. Avec la confiance qu’ils avaient en Dieu, ils ont lutté avec énergie sans ne jamais perdre l’espérance qui les animait.
Il ne s’agit pas ici de choisir entre la contemplation et l’action. Il nous faut vivre ces deux réalités à la fois. La prière est nécessaire pour soutenir notre action. Saint Benoît, le fondateur des Bénédictins, a voulu établir la vie monastique sur la prière et le travail («ora et labora»). Et saint Ignace de Loyola proposait à ses Jésuites d’être des «contemplatifs dans l’action».
Souvent, nous courons à droite et à gauche, pris dans l’engrenage de la consommation et de la vitesse. Nous n'avons plus le temps de nous arrêter, sauf au moment de l'infarctus. «Vous savez, moi, avec mes études, mon travail, ma vie sociale, mes sports, mes engagements, je n'ai pas le temps de prier. Le dimanche matin est mon seul temps de repos... Vous comprenez pourquoi je ne vais pas à la messe.»
Prier n’est pas une perte de temps, c’est une manière intelligente de remettre en perspective les nombreuses activités de notre vie de tous les jours.
La prière est la meilleure façon de retrouver un certain équilibre, tout en gardant un contact régulier avec Dieu. Elle nous rappelle que le Seigneur nous accompagne dans notre pèlerinage de vie. Nous ne sommes jamais seuls à faire face aux difficultés que nous rencontrons.
De toutes les formes de prière, l’invocation communautaire est probablement la meilleure et la plus efficace. C’est pourquoi l’Eucharistie a toujours été privilégiée par les chrétiens. À l’eucharistie, le jour du Seigneur, nous sommes réunis «en église» pour écouter ce que Dieu veut nous dire et recevoir la force du Seigneur. Ce ressourcement ecclésial nous permet ensuite de retourner à nos familles pour affronter toutes les éventualités qui se présentent à nous.
Source des photos: Méditation, par Rembrandt, Musée du Louvre.; Vitrail main tendue vers le Seigneur, couverture du livre de R.Gauthier: Prier les psaumes avec le Christ.