Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.
Jésus disait à ses disciples: «Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume. Vendez ce que vous avez et donnez-le en aumône. Faites-vous une bourse qui ne s'use pas, un trésor inépuisable dans les cieux, là où le voleur n'approche pas, où la mite ne ronge pas. Car là où est votre trésor, là aussi sera votre coeur.
«Restez en tenue de service, et gardez vos lampes allumées. Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces pour lui ouvrir dès qu'il arrivera et frappera à la porte. Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis: il prendra la tenue de service, les fera passer à table et les servira chacun à son tour. S'il revient vers minuit ou plus tard encore et qu'il les trouve ainsi, heureux sont-ils! Vous le savez bien: si le maître de maison connaissait l'heure où le voleur doit venir, il ne laisserait pas percer le mur de sa maison.
«Vous aussi, tenez-vous prêts: c'est à l'heure où vous n'y penserez pas que le Fils de l'homme viendra.»
Pierre dit alors: «Seigneur, cette parabole s'adresse-t-
elle à nous, ou à tout le monde?» Le Seigneur répond: «Quel est donc l'intendant fidèle et sensé à qui le maître confiera la charge de ses domestiques pour leur donner, en temps voulu, leur part de blé? Heureux serviteur, que son maître, en arrivant, trouvera à son travail. Vraiment, je vous le déclare: il lui confiera la charge de tous ses biens.
«Mais si le même serviteur se dit: <Mon maître tarde à venir>, et s'il se met à frapper serviteurs et servantes, à manger, à boire et à s'enivrer, son maître viendra le jour où il ne l'attend pas et à l'heure qu'il n'a pas prévue: il se séparera de lui et le mettra parmi les infidèles. Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n'a pourtant rien préparé, ni accompli cette volonté, recevra un grand nombre de coups. Mais celui qui ne le connaissait pas, et qui a mérité des coups pour sa conduite, n'en recevra qu'un petit nombre.
«À qui l'on a beaucoup donné, on demandera beaucoup; à qui l'on a beaucoup confié, on réclamera davantage.»
Les premiers mots de l'Évangile d’aujourd’hui sont un appel à bannir la peur: « Soyez sans crainte... parce que le Père a trouvé bon de vous donner le Royaume. »
Luc a délibérément placé cette parole de Jésus dans un temps de peur, au cours de cette longue "montée à Jérusalem". Jésus se dirige vers sa condamnation à mort (Lc 9,51), et ses disciples effrayés le suivent avec appréhension. Selon toutes apparences, c'est l'échec définitif qui approche: l'échec d'un projet, l'échec d'une vie.
Chacune de nos vies a un peu la saveur de la défaite… occasion manquée, désillusion dans nos projets de vie, maladie débilitante, incapacité de mettre fin à une habitude qui porte atteinte à notre santé (cigarette, drogue, alcool), manque de temps pour réaliser nos rêves, échec dans la carrière, chicanes de famille, vieillesse, souffrances, etc.
Dans la vie quotidienne, les gens vivent dans la peur : peur de la solitude, du terrorisme, des pertes d’emplois, de la violence, des maladies.
Plusieurs gouvernements utilisent la peur pour conserver le pouvoir. Ils font tout pour promouvoir la peur et ensuite ils promettent de nous protéger contre ces dangers mortels. Il s’agit souvent de manipulation orchestrée pour nous faire accepter toutes sortes de mesures très couteuses qui profitent à une riche minorité.
Dieu n’est pas de ceux qui utilisent la peur pour nous amener à la soumission. Bien au contraire. Il nous invite à l’espérance et l’action : «Relevez la tête, soyez sans crainte, gardez vos lampes allumées».
Notre vie a un sens, même si, pour une raison ou pour une autre, elle a une apparence d'échec, même si nous sommes trahis par nos amis, démolis par nos adversaires, incompris par notre famille, terrassés par la maladie.
Dieu nous invite à aller de l’avant, comme Abraham qui, à un âge avancé, a quitté son pays, sans trop savoir où il allait. Comme les Hébreux qui ont fui l’esclavage d’Égypte pour se diriger vers la terre promise.
Dans notre pèlerinage plein d’obstacles, la foi nous fournit une boussole, nous offre un point d’appui, nous garantit la présence de Dieu. « Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20)
Le texte d’aujourd’hui nous invite à l’espérance, à l’action, à la vigilance : «Soyez semblables à des gens qui attendent leur maître à son retour de noces… gardez vos lampes allumées», utilisez le mieux possible le temps qui vous est donné.
Il ne s’agit donc pas de choisir entre le ciel et la terre mais bien d’agir de façon à ce que cette terre soit le plus bel endroit possible, selon le plan de Dieu... une terre où règne la paix, la compréhension, l’attention à l’autre, le partage, la fraternité et l’amour… une terre où l’on construit un monde meilleur.
Utilisons nos talents le mieux possible. On nous a beaucoup donné, on nous demandera beaucoup. «À qui on a beaucoup confié, on réclamera davantage», affirme le texte d’aujourd’hui.