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Réflexion sur l'évangile du 17e dimanche ordinaire, C

Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.

 



 

 

Lc 11, 1-13

Un jour, quelque part, Jésus était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda: «Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean Baptiste l’a appris à ses disciples.» 

Il leur répondit: «Quand vous priez, dites: <Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour. Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes nous pardonnons à tous ceux qui ont des torts envers nous. Et ne nous laisse pas entrer en tentation.>» 

Jésus leur dit encore: «Supposons que l'un de vous ait un ami et aille le trouver en pleine nuit pour lui demander: <Mon ami, prête-moi trois pains: un de mes amis arrive de voyage, et je n’ai rien à lui offrir.> Et si, de l'intérieur, l’autre lui répond: <Ne viens pas me tourmenter! Maintenant, la porte est fermée; mes enfants et moi, nous sommes couchés. Je ne puis pas me lever pour te donner du pain>, moi, je vous l’affirme: même s'il ne se lève pas pour les donner par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami, et il lui donnera tout ce qu’il lui faut.

«Eh bien, moi, je vous dis: Demandez, vous obtiendrez; cherchez, vous trouverez; frappez, la porte vous sera ouverte. Celui qui demande reçoit; celui qui cherche trouve; et pour celui qui frappe, la porte s’ouvre. Quel père parmi vous donnerait un serpent à son fils qui lui demande un poisson? ou un scorpion, quand il demande un oeuf? 

«Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent?»

 

17e dimanche ordinaire - C

photo du Père Allard


"Seigneur, apprends-nous à prier"

 

Ce dimanche nous offre une excellente occasion pour réfléchir sur la prière chrétienne. Dans la première lecture, Abraham, implore le Seigneur pour Sodome et Gomorrhe, démontrant une confiance totale en Dieu. Et Jésus propose ensuite, dans l'évangile, la prière par excellence, modèle de toutes les prières: le Notre Père. 

Comme nous le savons, Luc plus que tous les autres évangélistes, nous présente Jésus comme un homme de prière.

Et ses disciples, le voyant souvent se retirer pour prier, lui demandent de leur apprendre à prier. 

prianteCe jour-là, Jésus n’a pas enseigné à ses apôtres une prière, mais une manière d’entrer en contact avec Dieu. Chaque phrase du Notre Père pourrait faire jaillir une prière. 

Matthieu et Luc présentent deux versions un peu différentes du Notre Père. Aucun évangéliste n'a considéré les paroles de Jésus, reçues de la tradition, comme « immuables ». Pour eux, le Notre Père était une orientation générale et non une formule intouchable. Jésus n'a rien figé, n'a rien ritualisé. Et l'Église, dès les premiers temps, a toujours utilisé de multiples formules dans ses liturgies, tout en conservant une unité de fond. 

Dans ce modèle de prière qu’est le Notre Père, nous prions d’abord pour le règne de Dieu.  

Le Royaume de Dieu devient réalité dans la vie des gens lorsque notre monde est construit sur l’amour, la compassion, la justice, la liberté, la dignité humaine et la paix.

Par contre, lorsque le nom de Dieu est méprisé et que tout ce qui est sacré est déshonoré, très souvent les relations humaines se détériorent. Quand Dieu est mis de côté, l’être humain a tendance à devenir le centre de toutes décisions, à se faire Dieu. 

Un bon exemple d’une société sans Dieu a été l’empire communiste. Les dirigeants de l’État détenaient le pouvoir de vie et de mort sur les citoyens, les gulags proliféraient, les injustices se multipliaient et la liberté n’existait pas. 

Le même barbarisme a eu lieu dans l’Allemagne d’Hitler. Les Nazis avaient accaparé Dieu et l’utilisait à leurs fins nationalistes : « Gott mit uns » (Dieu avec nous). Ceci a donné les carnages des fours crématoires d’Auschwitz et des autres camps de la mort.  

Depuis une quarantaine d’années, dans différents pays du globe, nous avons connu des génocides à répétition par des gens qui prennent la place de Dieu et qui s’octroient le pouvoir de vie et de mort sur les autres.  

Chez les chrétiens comme chez les membres d’autres religions, le patriotisme poussé à outrance, uni à l’idéologie religieuse peuvent engendrer des abus et des injustices de toutes sortes. Nous retrouvons cette combinaison dangereuse dans plusieurs pays du monde. Les chefs religieux et les dirigeants politiques utilisent alors la religion pour des fins personnelles et pour asseoir leur puissance et leurs privilèges. 

Le Royaume de Dieu devient réalité dans la vie des gens lorsque notre monde est construit sur l’amour, la compassion, la justice, la liberté, la dignité humaine et la paix.

Le Christ nous invite donc à prier d’abord pour que le Royaume de Dieu arrive, pour que ces injustices soient éliminées et que la paix et l’amour règne parmi nous. 

Après avoir prié pour le règne de Dieu, le Notre Père nous invite à prier pour nous-mêmes

Il ne s’agit pas d’une prière privée, mais d’une prière communautaire : «donne-nous notre pain de tous les jours… remets-nous nos offenses, comme nous les remettons… libère-nous du mal…» Nous prions toujours au pluriel, au nom de la communauté. 

Le Notre Père n’est pas une abdication de nos responsabilités et une demande à Dieu d’agir à notre place. Ce pourquoi nous prions, Dieu nous demande de l’accomplir dans nos propres vies : Le règne de Dieu, le pain partagé, le pardon reçu et accordé, la libération du mal dans nos vies. 

Il est malheureux aujourd’hui que les gens déclarent n’avoir ni le temps ni le désir de prier. C’est sans doute ce qui leur permettrait de faire face aux difficultés de la vie, de rendre le monde meilleur, de se pardonner mutuellement, de construire la paix, de faire naître l’espérance, d’aimer Dieu et d’aimer le prochain. 

En tant que chrétien, il nous faut éviter de banaliser le Notre Père, de le répéter machinalement, comme s’il s’agissait d’une formule de prière quelconque. Le Christ a voulu nous enseigner «une manière de prier» qui puisse s’adapter à toutes les circonstances et à toutes les époques. 

« Seigneur, apprends-nous à prier », apprends-nous à retrouver nos valeurs chrétiennes, à donner à Dieu la place qui lui revient et aux autres l’amour auquel ils ont droit.