Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.
Comme le temps approchait où Jésus allait être enlevé de ce monde, il prit avec courage la route de Jérusalem. Il envoya des messagers devant lui; ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue. Mais on refusa de le recevoir, parce qu'il se dirigeait vers Jérusalem.
Devant ce refus, les disciples Jacques et Jean intervinrent: «Seigneur, veux-tu que nous ordonnions que le feu tombe du ciel pour les détruire?» Mais Jésus se retourna et les interpella vivement. Et ils partirent pour un autre village.
En cours de route, un homme dit à Jésus: «Je te suivrai partout où tu iras.» Jésus lui déclara: «Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids; mais le Fils de l'homme n'a pas d'endroit où reposer la tête.»
Il dit à un autre: «Suis-moi.» L'homme répondit: «Permets-moi d'aller d'abord enterrer mon père.» Mais Jésus répliqua: «Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, va annoncer le règne de Dieu.»
Un autre encore lui dit: «Je te suivrai, Seigneur; mais laisse-moi d'abord faire mes adieux aux gens de ma maison.» Jésus lui répondit: «Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n'est pas fait pour le royaume de Dieu.»
Le Christ n’a pas voulu la croix, il a voulu un monde plus humain, une religion qui respecte les personnes, il a voulu prendre parti pour les rejetés de la société (prostituées, publicains, samaritains, lépreux…). Il a voulu pardonner afin de donner une nouvelle chance, il a guéri les malades et réintégré ceux et celles qui étaient mis à part… et cela lui a valu la croix.
L’évangile d’aujourd’hui nous dit que le Christ, malgré le rejet qui l’attend, prend résolument le chemin vers Jérusalem. Il s’agit ici d’un voyage intérieur plutôt qu’un voyage d’un endroit à l’autre. Il est prêt à aller jusqu’au bout de son amour pour nous, quoiqu’en soit le prix à payer.
Tout au long de ce voyage, Jésus continue son enseignement. Il veut donner à ses disciples un coeur nouveau, un esprit nouveau, un idéal nouveau.
Pour suivre Jésus, ceux-ci doivent accepter le mystère de la croix dans la vie du Seigneur et dans leur propre vie. « Si quelqu’un veut être mon disciple, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive. »
Nous n’avons pas besoin de chercher bien loin pour trouver notre croix. Si nous vivons avec amour, elle fera partie de notre vie. Nous ne pouvons avoir aucun projet valable, sérieux, sans être prêts à en payer le prix, à sacrifier quelque chose pour y arriver.
Par exemple : si nous acceptons de nous engager dans une relation d’amour, d’avoir des enfants, de poursuivre un projet d’études et de carrière… cela demandera des sacrifices, il y aura un prix à payer, la croix fera partie de notre engagement.
Si nous voulons vivre les valeurs chrétiennes, être honnête en affaires, si nous décidons de nous occuper de nos vieux parents, si nous voulons partager une partie de nos biens avec des personnes qui en ont plus besoin que nous… cela demandera abnégation et don de soi.
La croix n’est jamais un principe de résignation, mais un instrument de transformation, de partage, de réconciliation, de joie…
Quelle croix devrai-je porter par amour cette semaine?
Si ça fait des mois, des années que je ne parle plus à telle personne, porter ma croix peut vouloir dire faire le premier pas, rechercher activement la réconciliation.
- Si j’ai un problème d’alcoolisme, je devrai d’abord le reconnaître et ensuite chercher de l’aide.
- Si j’ai l’habitude de démolir les autres, il faudra contrôler ma langue et éviter la médisance et la calomnie.
- Si j’ai tendance à ne penser qu’à moi pendant les fins de semaines ou pendant mes temps libre, je ferai un effort pour visiter un malade, j’offrirai de donner un coup de main à quelqu’un dans le besoin.
Toute vie humaine est une sorte de montée vers Jérusalem.
« Celui qui regarde en arrière n’est pas fait pour le royaume de Dieu », dit le Seigneur. Le service du Royaume exige beaucoup et tout de suite. Les gens dans l’évangile d’aujourd’hui invoquent toutes sortes de raisons pour remettre à plus tard. Il y a plein de croyants qui veulent dire oui à Dieu… mais après les affaires, l’argent, le prestige. Plus tard, s’il reste du temps !
Dieu conteste nos priorités. "Laisse-moi d'abord enterrer mon père.... Laisse-moi d'abord faire mes adieux à mes parents..." Ce sont des demandes très légitimes… mais ils risquent de mettre Dieu de côté maintenant. D'abord mes affaires personnelles puis, ensuite, les affaires de Dieu. D’abord mes vacances ensuite je retrouverai Dieu... Le dimanche, je vais d'abord me reposer, faire mon entraînement, visiter les amis, me consacrer à la famille et après... s'il reste du temps, j’irai à la messe. «Je te suivrai où que tu ailles», mais tu dois attendre. Je dois finir mon travail, compléter mes plans…» C’est facile de dire: «Je le ferai plus tard». Le problème est que «plus tard» n’arrive jamais.
Si nous réfléchissons sur le passé, nous découvrirons plein de bonnes intentions qui n’ont jamais été mises en chantier: Je voulais visiter mon voisin malade; je voulais faire du bénévolat; je voulais donner un coup de main à la paroisse; je voulais participer avec Développement et Paix; je voulais consacrer un peu de temps chaque jour à la prière et à la réflexion; je voulais venir en aide aux sinistrés du dernier tremblement de terre, etc, etc. mais je n’ai jamais eu le temps d’accomplir un seul de ces désirs!
C’est pourquoi Jésus nous dit aujourd’hui: «Laisse les morts enterrer leurs morts; ne perd pas de temps en adieux et en cérémonies de départ… toi regarde en avant et engage toi maintenant pour le royaume de Dieu.