Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.
Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : «Où est le roi des Juifs qui vient de naître? Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui.»
En apprenant cela, le roi Hérode fut pris d’inquiétude, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les chefs des prêtres et tous les scribes d’Israël, pour leur demander en quel lieu devait naître le Messie. Ils lui répondirent : «À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem en Judée, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Judée; car de toi sortira un chef, qui sera le berger d’Israël mon peuple.»
Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : «Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, avertissez-moi pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui.» Sur ces paroles du roi, ils partirent.
Et voilà que l’étoile qu’ils avaient vue se lever les précédait; elle vint s’arrêter au-dessus du lieu où se trouvait l’enfant. Quand ils virent l’étoile, ils éprouvèrent une très grande joie. En entrant dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère; et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents: de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Mais ensuite, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
«Jésus était né à Bethléem, au temps du roi Hérode le Grand.» Tels sont les seuls mots de Matthieu sur la naissance du Seigneur. Il semble donc s’intéresser très peu à l’événement en tant que tel, à la différence de S. Luc. Par contre, Matthieu tient à donner à ses lecteurs la «signification» de cette naissance. Il nous livre cette réflexion dans le récit des mages, des sages d’Orient. Ce récit se présente comme une sorte d’introduction à l’évangile de S. Matthieu.
Le texte n’a rien à voir avec du folklore. Il est plein de spiritualité et de théologie, et nous offre une excellente catéchèse sur notre vie de foi.
Tout d’abord, Matthieu rapproche deux titres, comme deux éléments explosifs : le roi Hérode et le roi des juifs. Hérode avait la hantise de perdre son pouvoir, voyant partout des complots. Pour se défendre, il avait fait construire plusieurs forteresses, dont la fameuse «Massada», tout près de la Mer Morte. Craignant toujours de perdre le pouvoir, il avait fait assassiner trois de ses fils, sa belle-mère et sa femme Miriame. Une semaine avant de mourir, il avait donné l’ordre de tuer un autre de ses fils, Aristobule, et de faire périr tous les notables de Jéricho «afin que les gens versent des larmes lors de son enterrement». Heureusement, ses gardes du corps n’ont pas obéi aux dernières volontés de ce despote sanguinaire. Une violence féroce et irrationnelle habitait Hérode, le roi fantoche, une marionnette dans la main des Romains.
Matthieu affirme ici que le guide et protecteur du peuple, n’est pas le roi Hérode mais Jésus, le roi des Juifs.
Dans le texte de la visite des Mages, la foi des gens de Jérusalem est une foi figée, desséchée, stérile qui ne tolère pas qu’on change ses habitudes. Ils restent bien au chaud à Jérusalem pendant que les sages d’Orient reprennent la route vers Bethléem. Dans l’histoire de Matthieu, il y a ceux qui se mettent en marche, et ceux qui refusent de bouger : les sages venus d’ailleurs et les scribes de Jérusalem.
Les sages d’Orient se lancent vers l’inconnu, ils entreprennent un long voyage rempli de risques et d’imprévus. Ils s’engagent dans une aventure dont ils ignorent complètement l’issue.
Pour l’évangéliste, les mages sont les ancêtres et les modèles de ceux et celles qui cherchent Dieu. L’étoile est le symbole de la foi, qui parfois brille et parfois disparaît. À certains moments la route est claire et facile à suivre, à d’autres elle est sombre et incertaine.
Les mages ne sont pas des touristes. Ce sont des chercheurs de Dieu. Leur quête est un départ et un arrachement. Cette recherche les conduit à l’adoration. «Nous sommes venus nous prosterner devant lui». C’est le but de leur voyage. Comme les mages, nous les chrétiens sommes invités à nous prosterner devant Dieu et non devant des idoles : devant le pouvoir, le succès, l’argent, le bien-être, la carrière, le loisir. L’adoration de Dieu nous libère de toute autre adoration, de tout autre esclavage.
Le texte de l’Épiphanie est l’histoire de la recherche de Dieu. Comme les sages d’Orient, nous sommes invités à devenir des pèlerins de l’absolu.
Combien d’entre nous à 40, 50, 60 ans se rendent compte tout à coup du vide de notre vie? Nous avons parfois réussi en affaires et dans le métier que nous pratiquons mais tout cela semble dépourvu de sens. Alors nous devons nous mettre en route vers le fond de nous-mêmes pour comprendre le sens de notre vie. Cela risque de tout remettre en question. Pendant une vie entière, nous avons réussi à bâtir des murs de protection et un système de sécurité blindé, et voilà que tout s’écroule.
Le Seigneur nous invite alors à suivre son étoile. Elle nous guidera vers lui, un Dieu de vie en abondance, un Dieu d’espérance, d’amour, de partage, de tendresse et de pardon, un Dieu qui nous permettra «d’éprouver une très grande joie».