Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.
En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre. — Ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. — Et chacun allait se faire inscrire dans sa ville d’origine. Joseph, lui aussi, quitta la ville de Nazareth en Galilée, pour monter en Judée, à la ville de David appelée Bethléem, car il était de la maison et de la descendance de David. Il venait se faire inscrire avec Marie, son épouse, qui était enceinte.
Or, pendant qu’ils étaient là, arrivèrent les jours où elle devait enfanter. Et elle mit au monde son fils premier-né; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune.
Dans les environs se trouvaient des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’Ange du Seigneur s’approcha, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte, mais l’ange leur dit : «Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : aujourd’hui vous est né un Sauveur dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. Et voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire.»
Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable qui louait Dieu en disant : «Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes et aux femmes qu’il aime.»
La fête de Noël est une fête qui ne passe jamais inaperçue. C’est la fête qui demande le plus de préparation : sapin, cadeaux, cartes de voeux, invitations, visites, repas, décorations, etc. Et tout se fait dans la joie et l’exubérance.
Noël est une fête universelle. Elle se célèbre à Hong Kong et Santiago, en Nouvelle Orléans, à Melbourne, Managua, Kinshasa, Bejing, Mumbay, Prague, Moscou, Berlin, etc. C’est une fête pour tous, chrétiens et non-chrétiens. Et c’est ainsi depuis des siècles.
Comme l’indique Bertrand Ouellet dans son article «Pourquoi fête-t-on Noël le 25 décembre?», notre Temps des Fêtes a une double origine et une double signification, l’une séculière et l’autre religieuse. Les Égyptiens et les Romains célébraient, le 25 décembre, quelques jours après le solstice d’hiver, le soleil invaincu, lorsque cet astre essentiel à la vie commençait «à reprendre des forces». Au 4e siècle, les chrétiens ont «baptisé» cette fête populaire afin de célébrer la venue de Dieu parmi nous, lui «le soleil levant, la lumière des nations».
Pour les gens qui ne partagent pas nos convictions chrétiennes, le temps des Fêtes est un temps de réjouissances où l’on célèbre l’amour, l’amitié, les enfants, la famille, mais sans référence religieuse. La dimension festive s’est transformée en dimension culturelle et commerciale. On profite de Noël pour se rapprocher, réunir les familles, poser des gestes de partage et de solidarité, pardonner, se réconcilier, interrompre les hostilités, faire la paix.
Pour nous, les chrétiens, c’est un peu tout cela, mais nous y ajoutons la signification religieuse. C’est la fête de la naissance de Jésus, lui qui est venu «dresser sa tente parmi nous». Il est notre Emmanuel, le Dieu-avec-nous.
S. Luc nous explique toute la richesse de cette fête et il le fait, en utilisant des contrastes très éclairants.
Tout d’abord, il compare l’empereur Auguste à l’enfant Jésus
César Auguste était le symbole de la grandeur, du faste, de l’efficacité administrative, de la richesse, du pouvoir absolu. Il a été, pendant 44 ans, le plus célèbre empereur de Rome. En l’an 27 av. Jésus-Christ, il s’était fait donner par le Sénat le titre d’Auguste, qui signifie «digne d’adoration». Luc, en utilisant ce titre prétentieux d’un «roi de la terre», veut montrer, par contraste, combien notre Dieu est différent de César : il va naître comme un enfant fragile, de pauvres émigrés. C’est lui le vrai «prince de la paix» et non pas l’empereur romain avec sa «pax romana», sa paix romaine imposée par les armes. Les Juifs connaissaient bien cette pax romana, eux qui se sont révoltés contre la dictature romaine en l’an 66. Quatre ans plus tard, le général Titus, avec ses légions bien entraînées a complètement rasé la ville de Jérusalem, détruit le Temple, fait crucifier des milliers de Juifs et envoyé en exil ceux et celles qui avaient survécus au massacre. C’était la fin du peuple d’Israël qui ne renaîtra, dans un bain de sang... qu’en 1948.
Luc nous rappelle que si tous avaient peur d’Auguste, nous n’avons pas à craindre Dieu. C’est un Dieu petit, proche, qui doit être protégé. Un Dieu qui a besoin de nous, un Dieu qui partage notre fragilité. Sa paix à lui est basée sur l’amour, sur le respect de tous. Il est le véritable prince de la paix : «Paix sur la terre aux hommes et aux femmes qui sont aimés de Dieu !»
Une autre comparaison qui nous fait comprendre le sens de la fête de Noël est celle de Bethléem et de Rome, de Bethléem et de Jérusalem.
Pour Dieu, Bethléem (plus petit qu’Abercorn ou Frelighsburg) est aussi important que Jérusalem, grande ville du Moyen Orient et lieu privilégié du culte juif. Bethléem est aussi important que Rome, centre de la puissance de l’empire.
Les premiers visiteurs de Jésus dans l’étable ne sont ni les grands prêtres, ni le roi, ni l’empereur, ni les nobles? Ce sont des bergers, des hors-la-loi, des gens simples, pauvres, qui gagnent leur vie difficilement et qui sont marginalisés par les gens biens.
Un troisième point de comparaison : Jésus naît non pas dans un palais mais dans une étable.
Il est un difficile pour nous qui vivons dans un pays riche et dans des maisons confortables de comprendre la logique de Dieu. Mais le Seigneur a voulu être aussi proche que possible de la majorité des gens de notre monde. Nous savons, selon les statistiques et selon toutes les études démographiques, que même aujourd’hui, la majorité des habitants de notre planète vivent dans la pauvreté et la misère. Dieu veut faire parti de cette misère humaine.
Les gens se trompaient sur Dieu. Ils l’attendaient riche et fort. Il est entré dans le monde illégalement, «incognito». Il a franchi nos frontières en contrebande. Jamais il n’aurait été admis par les officiels juifs et romains s’il avait déclaré son identité!
L’histoire de Noël n’est pas du folklore. C’est une révélation de notre Dieu et une catéchèse sur sa proximité et son amour pour nous. Il se veut proche de tous, mais particulièrement proche des malades, des sans-logis, de ceux et celles qui vivent dans des baraques, des abris de fortune, qui subissent les atrocités de la guerre, de la violence, de la discrimination.
Cette fête de Noël revient chaque année nous redire qu’il n’est pas normal que les hommes soient des ennemis, que les guerres existent, que des êtres soient méprisés, que des enfants soient malheureux, que des gens meurent de faim, que des personnes âgées soient abandonnées à leur solitude.
L’aspect religieux de la fête de Noël donne un sens véritable à nos rencontres et à nos festivités.
Joyeux Noël et que l’Enfant-Dieu nous apporte la joie, la paix et l’amour.