Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.
Jésus est parti pour son pays, et ses disciples le suivent. Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. Les nombreux auditeurs, frappés d’étonnement, disaient: «D’où cela lui vient-il? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains? N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon? Ses soeurs ne sont-elles pas ici chez nous?» Et ils étaient profondément choqués à cause de lui.
Jésus leur disait: «Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa famille et sa propre maison.» Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle; il guérit seulement quelques malades en leur imposant les mains. Il s’étonna de leur manque de foi.
Alors il parcourait les villages d’alentour en enseignant.
Les trois lectures de ce dimanche nous parlent de la «spiritualité de l’échec» : le prophète Ézéchiel reçoit de Dieu l’ordre de rester debout face à un peuple qui refuse son message. Paul avoue avoir une «écharde dans la chair», un échec qu’il a des difficultés à surmonter. Et Jésus essuie un échec dans son propre village. L’échec fait parti de notre vie, mais Dieu nous aime malgré nos échecs.
«L’écharde» de Paul est un bon exemple de tout ce qui ne réussit pas dans notre vie et de toutes nos faiblesses humaines. Dieu lui dit alors : «Ma grâce te suffit : ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse». Paul est appelé à s’accepter tel qu’il est, tout en corrigeant son image de Dieu. Le Seigneur n’a pas besoin de nos performances exceptionnelles. Il nous aime tels que nous sommes.
Dieu construit, paradoxalement, sur nos pauvretés, même si la raison humaine prétend le contraire. Nous appartenons à une civilisation qui ne glorifie que le meilleur, le premier, le numéro un… en politique, en sport, en carrière! C’est la loi du plus fort. L’évangile, par contre, est une Bonne Nouvelle pour tous mais particulièrement pour celles et pour ceux qui ne sont pas les meilleurs, qui éprouvent toutes sortes de difficultés : les malades, les faibles, les rejetés, les derniers de l’équipe, les exclus.
Nous subissons tous des échecs dans nos projets personnels, dans les études, le mariage, la carrière, l’éducation des enfants. Notre santé est précaire, nous avons des addictions, des limites, des faiblesses.
L’échec peut venir de différentes directions. Dans le texte d’aujour’hui, il est le résultat de la prédication des valeurs du Royaume. Un message de vérité, d’amour, de justice, de paix est rarement bien reçu et soulève souvent l’opposition, l’hostilité, la haine et la violence! De nombreux artisans de paix en sont les témoins : Martin Luther King qui défendait les droits des minorités; Ghandi, un Hindou qui s’était lié d’amitié avec les Musulmans; Dietrich Bonhöffer, un pasteur protestant, pendu par les S.S. parce qu’il s’opposait à l’extermination des Juifs et combattait la politique de mort d’Adolf Hitler; Mgr. Romero qui dénonçait l’exploitation des plus pauvres. Ce dernier est mort assassiné, alors qu’il célébrait l’eucharistie.
Helder Camara a parcouru le monde comme messager de la paix et de la fraternité; Mère Teresa apportait aux malades et aux démunis un peu de réconfort et de chaleur humaine; Jean Vanier, grâce aux Foyers de «l’Arche», proclame la grandeur des petits, des handicapées, des sans-défenses; Mgr Desmond Tutu lutte pour la libération de son peuple et combat toutes les discriminations et toutes les injustices.
Des organismes comme Amnistie Internationale, Développement et Paix, Green Peace, Médecins sans frontières dénoncent les injustices et font prendre conscience de la grande misère de notre monde.
Voilà pour nous des exemples de personnes et d’organismes engagés, qu’il nous faut non seulement admirer mais nous efforcer d’imiter.
Le cardinal Daneels disait que notre époque pouvait être caractérisée par l’apparition de «l’homme sans vocation». Selon lui, on ne conçoit plus de réels projets d’avenir. Ceux que l’on choisi restent inscrits dans le cadre étroit de l’instant présent : confort économique, satisfaction des besoins sentimentaux, sécurité à la maison et au travail, liberté absolue... Contrairement à ces objectifs très personnels et souvent très égoïstes, la vraie vocation de l’être humain est d’être au service des autres. Elle est communautaire et fraternelle et donne un sens à la vie.
Nous trouvons facilement des excuses pour ne pas aider les autres : nous n’avons pas de charismes spéciaux, nous ne sommes pas membre d’une communauté religieuse, nous sommes trop occupés avec notre travail et notre famille, etc. Servir n’est pas réservé aux religieux ou aux organismes de bienfaisance. Jean Vanier, Raoul Follereau, Nelson Mandela, sont des laïcs qui ressemblent à chacun de nous, mais ils ont eu le courage de s’engager et d’aider les plus démunis! Pour être au service des autres, nous n’avons pas besoin d’être des gens exceptionnels.
L’évangile de ce dimanche nous invite à réfléchir sur nos échecs, ce qui peut nous offrir l’occasion de nous accepter nous-mêmes, de grandir dans l’estime de soi, et de faire croître notre foi. Nous pouvons alors passer à l’action, au service de ceux et celles qui ont besoin d’aide.