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Réflexion sur l'évangile du 10e dimanche ordinaire, B

Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.

 



 

 

Mc 3, 20-35

«Il vient à la maison et de nouveau la foule se rassemble, au point qu'ils ne pouvaient pas même manger de pain. Et les siens, l'ayant appris, partirent pour se saisir de lui, car ils disaient : «Il a perdu le sens.» Et les scribes qui étaient descendus de Jérusalem disaient : «Il est possédé de Béelzéboul», et encore: «C'est par le prince des démons qu'il expulse les démons.» Les ayant appelés près de lui, il leur disait en paraboles : «Comment Satan peut-il expulser Satan? Si un royaume est divisé contre lui-même, ce royaume-là ne peut subsister. Et si une maison est divisée contre elle-même, cette maison-là ne pourra se maintenir. Or, si Satan s'est dressé contre lui-même et s'est divisé, il ne peut pas tenir, il est fini. Mais nul ne peut pénétrer dans la maison d'un homme fort et piller ses affaires s'il n'a d'abord ligoté cet homme fort, et alors il pillera sa maison. «En vérité, je vous le dis, tout sera remis aux enfants des hommes, les péchés et les blasphèmes tant qu'ils en auront proféré; mais quiconque aura blasphémé contre l'Esprit Saint n'aura jamais de rémission: il est coupable d'une faute éternelle.» C'est qu'ils disaient : «Il est possédé d'un esprit impur.» Sa mère et ses frères arrivent et, se tenant dehors, ils le firent appeler. Il y avait une foule assise autour de lui et on lui dit : «Voilà que ta mère et tes frères et tes sœurs sont là dehors qui te cherchent.» Il leur répond : «Qui est ma mère? Et mes frères?» Et, promenant son regard sur ceux qui étaient assis en rond autour de lui, il dit : «Voici ma mère et mes frères. Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là m'est un frère et une sœur et une mère.»

10e dimanche ordinaire - B

photo du Père Allard


Sa famille, vint pour se saisir de lui, car ils affirmaient : «Il a perdu la tête.»

 

Au début de sa prédication, Jésus a eu du succès. La «foule», c'est-à-dire les gens du petit peuple, se pressaient autour de lui pour l’écouter. Marc, qui tient ses renseignements de Pierre, note qu’un jour il y avait tant de monde qu’on n'avait même plus de la place pour manger. Cette maison où Jésus se trouve est sans doute celle de Simon‑Pierre, à Capharnaum, que Jésus avait adoptée comme la sienne. Dans les ruines actuelles de la ville de Capharnaum, les archéologues ont retrouvé la base d'une modeste maison de pêcheurs datant du ler siècle avant J.‑C. sur laquelle avait été édifié un très ancien sanctuaire chrétien. Les graffitis de dévotions marqués dans les plâtres suggèrent qu'on aurait retrouvé cette «maison» où Jésus a souvent résidé.

Jésus prêchant
Jésus prêchant

C’est pendant que Jésus prêchait dans la maison de Pierre que les membres de sa famille sont venus pour le ramener chez-lui, à Nazareth. Sa famille disait : «Il est devenu fou... il a perdu la tête...» La famille de Jésus ne pouvait pas ignorer qu'il était «mal vu» des autorités religieuses... Ces autorités disaient non seulement qu’il était fou, mais qu’il était possédé et tenait son pouvoir de Satan. Marc a emboîté l'un dans l'autre l'épisode du «refus des scribes», et celui de la démarche de sa famille. Jésus est rejeté, méconnu... même par sa propre famille. Par deux fois, Marc note que la famille de Jésus «est dehors». Cette expression «ceux du dehors» est habituelle, dans l'Église des premiers siècles, pour désigner les «non-chrétiens». La scène, où Marie et la famille de Jésus viennent pour essayer d'arrêter la mission de Jésus, doit nous faire longuement méditer sur ce qu'est la foi. La foi de Marie, pas plus que la nôtre, n'est «toute‑faite», une fois pour toutes. La foi ne peut se définir que comme une réalité qui évolue. Ce n'est pas dès le premier instant de l'Annonciation que Marie a compris qui était son fils. Luc, lui aussi, a noté que Marie, à certaines occasions, n'a «pas compris» Jésus. Exemple lorsqu’à douze ans il est resté dans le Temple, «la maison de son Père».

La famille de Jésus ne le reconnaissait plus depuis sa conversion, depuis qu'il avait quitté sa vie tranquille de Nazareth, pour se convertir en prédicateur ambulant. Sa famille savait parfaitement qu'il était mal vu des autorités, des scribes venus de la capitale, Jérusalem. «Il va nous faire attraper des histoires... allons, ramenons-le à la raison... réduisons-le à être comme tout le monde. Il est fou de se distinguer

Les scribes sont spécialement descendus de Jérusalem pour s'enquérir de lui, ce jeune Rabbi qui fait tourner la tête au peuple. Leur diagnostic est encore plus cruel que celui de sa famille. Jésus est pire qu'un simple d'esprit. Il est possédé par un démon impur, il est un suppôt de Satan.

«Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma soeur, ma mère.»

Qu'a donc fait Jésus pour être considéré comme un suppôt de Satan ? Il annonçait que Dieu était venu parmi nous, qu’il libérait des possédés, guérissait des malades, s'approchait des lépreux et osait même les toucher pour leur rendre la santé. Il allait jusqu'à pardonner les péchés, il mangeait chez des gens de mauvaise conduite. Il prenait des libertés avec l'observance du sabbat. Il disait qu'il fallait mettre le vin nou­veau dans des outres neuves ! En somme, la subversion totale des traditions de son temps, et tout cela en se réclamant de Dieu !

Au temps de Jésus, la famille était sacrée. Ici, Jésus opère une rupture et déclare qu’il existe une autre famille plus forte que celle du sang, ouverte à toute humanité. Jésus se distancie de sa propre famille en utilisant une phrase choc : «Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma soeur, ma mère.» Et ensuite Jésus ajoute : «Amen, je vous le dis, Dieu pardonnera tout aux enfants des hommes, tous les péchés et les blasphèmes qu'ils auront faits. Mais si quelqu'un blasphème contre l'Esprit Saint, il n'obtiendra jamais le pardon. Il est coupable d'un péché pour tou­jours.» La première partie de la phrase ne nous étonne pas. Nous sommes persuadés que Dieu pardonne toujours. La miséricorde de Dieu est sans limite. Mais Jésus affirme qu'il existe un péché impardonnable: ce qu'il appelle le blasphè­me contre l'Esprit. Là encore, on croit entendre saint Jean : «Il est venu chez lui et les siens ne l'ont pas reçu... Mais à ceux qui l'ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu» (Jn 1). Dieu ne peut pardonner à ceux et celles qui refusent d’être pardonnés.