Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.
Au temps de Pâques, les onze disciples s’en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre. Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes.
Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles: «Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit; et apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde.
Les disciples retournent à la montagne où Jésus les réunissait pour prier et pour les instruire. Si l’on veut comprendre Dieu et saisir ce qu’il y a d’important dans la vie, il nous faut un peu de silence, de contemplation, de prière. Lorsque Moïse a rencontré Dieu dans la Montagne, il a d’abord enlevé ses sandales et il s’est prosterné le visage contre terre. Les Musulmans dans leurs mosquées, les Juifs dans leurs synagogues font encore aujourd’hui ces gestes de respect envers Dieu. Pascal disait: «Pour aimer une personne, il faut la comprendre, et pour comprendre Dieu, il faut l’aimer». Il y a des gens qui parlent de Dieu avec une grossièreté, une vulgarité, un dédain et un mépris qui donnent mal au coeur!
La fête d’aujourd’hui nous pose à nouveau la question : Qui est Dieu pour nous? Quel rôle joue-t-il dans nos vies? Cette célébration nous rappelle que Dieu est amour, qu’il est relation et communauté. C’est le sens de la Trinité. Dieu peut donc être expérimenté plus facilement en famille, en paroisse, en groupes d’amis, car il est unité dans la diversité.
Les évangiles et les lettres de S. Paul nous rappellent que nous appartenons à la famille de Dieu. Nous ne sommes pas des esclaves qui vivons dans la crainte, mais des enfants créés à l’image de Dieu, qui nous offre de partager la sérénité, la paix et la fraternité.
En cette grande fête de la Trinité, qui couronne le cycle de notre liturgie, nous sommes invités à redécouvrir notre Dieu et à nous demander quelle place il occupe dans notre vie. Un vieux moine égyptien posait la question aux chrétiens de son village : «Où est Dieu?» Ils répondirent : «Dieu est partout». Le moine répliqua : «Non, Dieu est là où on le laisse entrer». Dans l’Apocalypse, au chapitre 3, verset 20, le Seigneur frappe à notre porte, mais il n’entre que si nous lui ouvrons : «Voici, je me tiens à la porte et je frappe : si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi.» Dieu est toujours très respectueux de notre liberté.
II y a plusieurs années, le célèbre écrivain soviétique Soljenytsine (Archipel du Goulag), obtenait la permission de sortir de Russie. Ses écrits contre le gouvernement de l’empire russe et ses cris en faveur de la liberté de pensée en avaient fait un témoin embarrassant. Soljenytsine qui avait passé de longues années en prison, condamné aux travaux forcés dans les gulags soviétiques, se retrouve alors dans notre civilisation de pleine liberté. Après quelques mois en Europe occidentale et aux États-Unis, on se serait attendu qu’il fasse l’éloge du régime capitaliste sous lequel il vivait désormais, on s’attendait à ce qu’il louange notre grande tolérance envers les idées, les moeurs et les libertés individuelles. Au contraire, Soljenytsine s’est mis à décrier avec autant de vigueur la faillite de l’Amérique et de l’Europe de l’ouest que celle du régime soviétique. Selon lui, nos sociétés capitalistes d’abondance étouffaient tout autant les valeurs spirituelles que le monde soviétique. Soljenytsine affirmait que seul un sursaut de spiritualité pouvait garantir l’avenir et l’épanouissement de l’humanité. Selon lui, Dieu seul pouvait offrir une vision de respect, de fraternité et de justice que notre monde avide de pouvoir et d’argent refusait d’accorder.
Il est bon de se demander quelle place Dieu occupe dans notre culture. Ces dernières années, l’intérêt des Québécois pour les vieux meubles, les armoires antiques, les chansons folkloriques et les coutumes du passé refait surface. Derrière cette résurrection du «monde d’antan», se glisse une certaine nostalgie des beautés de notre enfance et de nos souvenirs de jeunesse. La nostalgie n’apporte rien de très concret, mais cet exercice de mémoire peut nous permettre de découvrir les valeurs fondamentales de nos parents et de nos grands parents. Comme le disait Moïse à son peuple: «Souvenez-vous du passé, Souvenez-vous de votre histoire, souvenez-vous de la foi de vos ancêtres.»
En tant que chrétiens, pouvons-nous reconnaître dans notre patrimoine les traces de la foi, de l’espérance et de la charité laissées par nos aïeux? Les églises de paroisse, les croix au bord des routes, le chapelet en famille, le mois de Marie, l’Angélus du midi, tout cela révélait l’attachement des gens à leur foi et à leur religion. Dieu était présent dans leur vie de tous les jours. Nos parents et grands parents s’appuyaient sur leur sens religieux pour s’entraider et reconstruire, en corvées bénévoles, les granges et maisons dévastées par le feu ou par d’autres cataclysmes naturels. Ils vivaient au rythme de la vie liturgique. Ils ne connaissaient pas les longs week-ends, mais ils célébraient toute une série de fêtes religieuses en famille.
Il ne s’agit pas ici de revenir «au bon vieux temps», mais de nous demander si, comme nos ancêtres, nous sommes capables de faire une place à Dieu dans nos vies.
Que ce dimanche de la Trinité nous aide à redécouvrir la tendresse de Dieu qui nous accompagne tout au long de notre vie. «Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde.»