Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.
Quand arriva la Pentecôte, (le cinquantième jour après Pâques), ils se trouvaient réunis tous ensemble. Soudain il vint du ciel un bruit pareil à celui d’un violent coup de vent : toute la maison où ils se tenaient en fut remplie. Ils virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d’eux. Alors ils furent tous remplis de l’Esprit Saint: ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit.
Or, il y avait, séjournant à Jérusalem, des Juifs fervents, issus de toutes les nations qui sont sous le ciel. Lorsque les gens entendirent le bruit, ils se rassemblèrent en foule. Ils étaient dans la stupéfaction parce que chacun d’eux les entendait parler sa propre langue. Déconcertés, émerveillés, ils disaient: «Ces hommes qui parlent ne sont-ils pas tous des Galiléens? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle? Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, des bords de la mer Noire, de la province d’Asie, de la Phrygie, de la Pamphylie, de l’Égypte et de la Libye proche de Cyrène, Romains résidant ici, Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes, tous, nous les entendons proclamer dans nos langues les merveilles de Dieu.»
L’Église de la Pentecôte est une Église qui s’implique dans notre monde, mais les politiciens, les idéologues, les manipulateurs qui veulent mettre la religion à leur service, ne peuvent la contrôler. Les dirigeants n’aiment pas ce genre d’Église libre, animée par l’Esprit. Ils préfèrent une Église de sacristie, une Église domestiquée, timide, démissionnaire, dévote, entièrement consacrée au salut des «âmes». Les dirigeants religieux et les gens pieux du temps de Jésus n’ont jamais réussi à domestiquer le Seigneur, et c’est pourquoi ils l’ont condamné à mort. Le véritable disciple du Christ refuse de se faire contrôler, de se laisser manipuler. Martin Luther King, Mgr Desmon Tutu, Thérèse de Calcutta, Mgr Romero n’ont jamais accepté d’appartenir à une religion qui sépare la foi de la vie de tous les jours. Certains d’entre eux l’ont payé de leur vie.
L’Église de la Pentecôte refuse de s’enfermer dans les sacristies, en cherchant à échapper aux réalités de la vie. C’est bien ce que les apôtres cherchaient à faire, dans la sécurité de la chambre haute, derrière des portes closes, mais l’Esprit Saint les obligea à ouvrir les portes toutes grandes et à sortir dans la rue. La vie de l’Église c’est d’être un signe de l’amour de Dieu au milieu de notre monde. L’Esprit a donné aux disciples le courage d’affronter les défis de la vie. L’auteur de la deuxième lettre à Timothée écrivait : «Ce n’est pas un esprit de crainte que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de maîtrise de soi». (2 Tim 1, 6-7)
La Pentecôte nous rappelle que l’Esprit est présent en nous, et saint Paul ajoute : «les fruits de l’Esprit sont l’amour, la joie, la paix, la bonté, la générosité, la fidélité, la gentillesse, le contrôle de soi»… Changer nos peurs en engagements courageux et remplacer notre cœur de pierre en cœur de chair, voilà le résultat de la Pentecôte.
Notre foi est un processus évolutif. Nous sommes invités, avec l’assistance de l’Esprit, à dépasser les engagements de notre première communion et de notre confirmation. Les valeurs religieuses qui nous ont permis d’agir chrétiennement à 15 ans, 20 ou 30 ans, ne sont plus celles qui nous aident à vivre l’enseignement du Christ à 50, 60 ou 80 ans. Ça prend toute une vie pour devenir de vrais chrétiens!
La Pentecôte est à l’opposé de la Tour de Babel, là où les gens parlaient différentes langues et ne se comprenaient pas. À la Pentecôte, nous retrouvons des gens de nombreux pays, qui parlent des langues différentes mais qui comprennent ce que disent les apôtres : «des habitants de Parthes, Mèdes et Élamites, de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, des bords de la mer Noire, de la province d’Asie, de la Phrygie, de la Pamphylie, de l’Égypte et de la Libye proche de Cyrène, Romains résidant ici, Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes... Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle?»
À travers les siècles, l’Église a fait beaucoup de bonnes choses mais elle a aussi commis des erreurs. L’une d’elle a été d’imposer le latin à toutes les cultures et le Concile Vatican II a reconnu cette erreur. Ceci va à l’encontre de l’esprit de la Pentecôte. L’idée fondamentale de la fête d’aujourd’hui n’est pas que tous parlent une seule langue mais que tous comprennent le message de Jésus-Christ dans sa propre langue. C’est à l’Église de se faire comprendre par tous, d’apprendre toutes les langues, de se joindre à toutes les cultures. Il ne s’agit pas d’amener les gens à comprendre la langue de l’Église, mais bien de parler la langue de ceux qui écoutent. L’Église ne doit jamais s’identifier à une culture ou une nation car elle serait infidèle à l’Esprit de la Pentecôte. La globalisation ne détruira jamais les traditions particulières, les différentes langues, les valeurs de chaque groupe. La Pentecôte crée un effet unificateur, tout en respectant la diversité des cultures.
Suite à la venue de l’Esprit Saint, les chrétiens ont continué à se réunir le «premier jour de la semaine». L’Église naît de ces rassemblements hebdomadaires au cours des siècles. Il en faut des dimanches, pour faire un chrétien ! Nous sommes loin de la terne «obligation de la messe du dimanche» avec son aspect trop juridique: il s’agit d’une nécessité vitale! Dans nos réunions du jour du Seigneur, nous formons une mosaïque de gens très différents les uns des autres : riches et pauvres, jeunes et vieux, adhérents à différents partis politiques, ayant des idées parfois opposées sur toute une série de sujets. L’esprit nous propose l’unité dans la diversité et le respect dans la divergence.
La Pentecôte nous invite à nous ouvrir à l’Esprit qui donne le courage de vivre notre christianisme en devenant les témoins de Jésus-Christ et de son message d’unité et de paix. Comme le dit si bien la Séquence de la fête d’aujourd’hui : «Viens, Esprit Saint, en nos cœurs… Assouplis ce qui est raide, réchauffe ce qui est froid, rends droit ce qui est faussé.»