Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.
C’était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit: «La paix soit avec vous!» Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau: «La paix soit avec vous! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie.» Ayant ainsi parlé, il répandit sur eux son souffle et il leur dit: «Recevez l’Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus.»
Or, l’un des Douze, Thomas (dont le nom signifie: «Jumeau») n’était pas avec eux, quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient: «Nous avons vu le Seigneur!» Mais il leur déclara: «Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je n’y croirai pas.» Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit: «La paix soit avec vous!» Puis il dit à Thomas: «Avance ton doigt ici, et vois mes mains; avance ta main, et mets-la dans mon côté: cesse d’être incrédule, sois croyant.» Thomas lui dit alors: «Mon Seigneur et mon Dieu!» Jésus lui dit: «Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu.»
Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas mis par écrit dans ce livre. Mais ceux-là y ont été mis afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et afin que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom.
Jésus ressuscité se manifeste «le dimanche», le premier jour de la semaine. Les chrétiens ne se réunissaient pas tous les jours. Ils avaient eux aussi, leur travail, leur vie quotidienne. Ils ne pouvaient pas toujours être ensemble. Or, c’est dans le cadre de leur «rencontre hebdomadaire» que Jésus vient. Ceci nous indique que la foi n’est pas une affaire strictement personnelle, ou individuelle. La présence du Christ ressuscité est surtout ressentie, expérimentée, dans le cadre de nos rencontres communautaires, lorsque nous sommes réunis en Église.
Ils se rencontrent mais ils ont peur. Au moment où saint Jean écrit son évangile, c’est toujours un temps de persécution. Les disciples ont pris l’habitude de se réunir tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre. Ils s’accueillent, mais il y a des défections, des gens qui abandonnent le groupe. Ils verrouillent leurs portes. Mais voici que chaque dimanche, se renouvelle le «signe» du Cénacle. Mystérieusement, le Christ se glisse parmi les siens, dans le lieu où ils se rassemblent, à Éphèse, Antioche, Corinthe, Jérusalem, Rome. Chaque dimanche, c’est Pâques! «Tu es là, au coeur de nos vies, et c’est Toi qui nous fais vivre.» L’Église c’est d’abord et avant tout la réunion d’hommes et de femmes au milieu desquels le Christ ressuscité se rend présent.
La première parole du Christ après sa résurrection est une parole de paix, une parole qui, comme un refrain, revient régulièrement dans le texte d’aujourd’hui : «la paix soit avec vous». Le premier don du ressuscité, c’est le don de la paix qui chasse la crainte et le doute : «Shalom». Cette paix n’est pas celle du monde, c’est la paix confiée comme un héritage précieux le soir du jeudi saint : «C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne»...
L'incrédulité de Saint Thomas
Caravaggio
La présence du Seigneur provoque la joie. La joie de la résurrection est celle qui vient après la peur, après la souffrance, après le doute. La joie pascale, la joie chrétienne, n’est pas une joie facile, spontanée, ce n’est pas celle qui nous éprouvons quand tout va bien, quand la santé est bonne, quand la jeunesse est là, pleine de vitalité, quand nos entreprises réussissent, quand nos relations amicales et familiales sont agréables. La joie de la résurrection, c’est celle qui vient «après»... après l’angoisse, après la crise! C’est la joie et la paix qui remontent d’une situation désespérée (la mort d’un crucifié!) et que rien ne pourra faire disparaître : c’est la joie des disciples d’Emmaüs après le découragement de la mort du Christ.
Bien sûr, nous avons tous nos peurs. Peur de Dieu, peur des autres, peur de souffrir, de manquer d’argent, de ne pas être à la hauteur, de vieillir, de mourir. La liste de nos peurs est longue, trop longue, et ces peurs nous empêchent d’être heureux et de connaître la joie. Le Christ nous dit ce matin : «N’ayez pas peur, ayez confiance en moi. J’ai vaincu la pire des peurs : celle de la mort»
La présence du Christ nous rassemble malgré nos divergences, malgré nos différences. La communauté chrétienne est ouverte aux gens de toutes les couleurs, de tous les partis politiques, de toutes les ethnies, de toutes les langues. C’est le contraire de la tour de Babel. Saint Paul dira : «Parmi vous, il n’y a ni Grecs ni Juifs, ni hommes ni femmes, ni esclaves ni hommes libres».
Lors de cette première rencontre du Christ avec ses disciples, il leur donne une vie nouvelle : «il répandit sur eux son souffle et il leur dit: Recevez l’Esprit Saint», le souffle de vie. Le don de l’Esprit, rappelle le texte de la création d’Adam et Ève quand l’Esprit de Dieu leur insuffla la vie. Il s’agit d’une «création nouvelle»... Nous sommes, renouvelés, recréés…
«Recevez l’Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis.» Ces paroles sont adressées à l’ensemble des disciples du Christ. C’est un appel à nous libérer mutuellement en nous pardonnant les uns les autres : «De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie». Nous sommes désormais les messagers de sa «miséricorde divine»! «Tous ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leurs seront remis.» Nous sommes investis de la même mission que celle de Jésus : «L’Esprit de Dieu repose sur moi, l’Esprit de Dieu m’a consacré, il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, annoncer une année de bienfaits de la part de Dieu, libérer les captifs. Nous sommes porteurs de cet Esprit libérateur qui donne la vie.
A l’heure où un très grand nombre de baptisés ne fréquentent plus les églises, nos rassemblements dominicaux sont importants et nous permettent d’entretenir et vivifier notre foi de croyants! On ne peut vivre sa foi seul : la foi a besoin de se nourrir de la parole de Dieu et de s’alimenter de la foi des autres. Alors qu’ils étaient réunis pour célébrer l’eucharistie, «Jésus vint, et il était là au milieu d’eux.»