Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.
Un lépreux vient trouver Jésus; il tombe à ses genoux et le supplie: «Si tu le veux, tu peux me purifier.» Pris de pitié devant cet homme, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit: «Je le veux, sois purifié.» À l’instant même, sa lèpre le quitta et il fut purifié. Aussitôt Jésus le renvoya avec cet avertissement sévère: «Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre. Et donne pour ta purification ce que Moïse prescrit dans la Loi: ta guérison sera pour les gens un témoignage.» Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle, de sorte qu’il n’était plus possible à Jésus d’entrer ouvertement dans une ville. Il était obligé d’éviter les lieux habités, mais de partout on venait à lui.
Aujourd’hui, Jésus s’attaque aux préjugés et à l’exclusion : «Pris de pitié... il étendit la main, le toucha.»
L’intention de l’évangéliste n’est pas simplement de rappeler un miracle de guérison, mais bien de nous dire qui est Jésus. Il brisait les barrières des lois humaines et sociales, qui défendaient d’avoir un contact avec les lépreux, il avait pitié des intouchables chassés hors de la ville et rejetés de tous. En agissant ainsi, Jésus devient lui-même un «intouchable» : «Il n’était plus possible à Jésus d’entrer ouvertement dans une ville. Il était obligé d’éviter les lieux habités».
Cet évangile nous invite à répondre à la question : Qui sont les lépreux du XXIe siècle.
- Ceux qui vivent dans les bidons-villes à travers le monde et chez-nous
- Les sans travail et les sans-abri
- Les ex-prisonniers qui ne peuvent reprendre leur place dans la société
- Les gens sous l’emprise de la drogue
- Les gens qu’on enferme dans des prisons secrètes et des prisons d’État, où la torture est à l’ordre du jour
- Les personnes âgées qui attendent la mort dans l’isolement et l’abandon
- Les vagues d’immigrants qui arrivent par milliers.
Il y a tellement de lépreux et d’exclus dans notre société moderne !
L’an dernier, Radio Canada a présenté un reportage montrant la « plaie sociale » que constituent les itinérants qui se réfugient dans la ville de Montréal, surtout pendant la période froide de l’hiver : malades du sida, de l’hépatite, du diabète, du coeur, de la peau; victimes de l’alcool et de la drogue; mal habillés, mal lavés, mal nourris.
Le reportage soulignait la tolérance des Montréalais qui accueillent, bon gré mal gré, ces malheureux alors que d’autres villes, avec leurs lois plus sévères, les rejettent.
Il existe aussi des organismes d’entraide où l’on retrouve des centaines de bénévoles qui viennent en aide aux exclus : The Old Brewery Mission, la Maison du Père, l’Accueil Bonneau, Centre Aide, etc.
Être en contact avec ceux et celles qui souffrent est essentiel à notre engagement chrétien. François d’Assise doit sa conversion en grande partie à une rencontre avec un lépreux. C’est le texte de l’évangile d’aujourd’hui qui l’a fait sortir de sa médiocrité et a provoqué un changement radical dans sa vie. Il écrit dans son Testament : « La vue des lépreux m’était insupportable, mais quand je me sentis intérieurement porté à embrasser l’un d’eux, tout a basculé, tout a changé». François est converti par un baiser. Il est littéralement retourné, transformé, il voit les gens, il voit la vie d’une autre façon.
Il en a été de même pour le Père Damien sur l’île de Molaquai et de Raoul Follereau, un journaliste qui, avec sa femme, a consacré sa vie à la cause des lépreux. C’est lui qui a introduit la journée mondiale des lépreux, une page d’évangile célébrée dans 127 pays.
Le contact de Jésus avec le lépreux est en fait l’équivalent de la parabole du bon Samaritain dans la vie réelle. C’est aussi le symbole de l’intervention de Dieu dans chacune de nos vies.
Derrière l’image de la lèpre, nous retrouvons toutes nos fragilités, nos handicaps, nos toxicomanies, ce qui nous défigure et nous ronge de l’intérieur, tout ce qui nous empêche d’être un membre à part entière de la communauté humaine et d’offrir ce que nous avons d’unique. Tous nous avons besoin de la tendresse de Dieu. Et tous nous sommes invités à suivre l’exemple du Christ, à apporter un peu de réconfort et d’espérance à ceux et celles qui sont malades, rejetés et isolés.
À la fin de l’évangile de S. Marc, Jésus indique les signes qui accompagneront les membres de son peuple : «ils imposeront les mains aux malades et ceux-ci se sentiront mieux». (Mc 16, 18).
Être disciple du Christ, c’est être guéri par lui et marcher à sa suite en agissant comme lui.