Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.
En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre. — Ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. — Et chacun allait se faire inscrire dans sa ville d’origine. Joseph, lui aussi, quitta la ville de Nazareth en Galilée, pour monter en Judée, à la ville de David appelée Bethléem, car il était de la maison et de la descendance de David. Il venait se faire inscrire avec Marie, son épouse, qui était enceinte.
Or, pendant qu’ils étaient là, arrivèrent les jours où elle devait enfanter. Et elle mit au monde son fils premier-né; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune.
Dans les environs se trouvaient des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’Ange du Seigneur s’approcha, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte, mais l’ange leur dit : «Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : aujourd’hui vous est né un Sauveur dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. Et voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire.»
Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable qui louait Dieu en disant : «Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime.»
Saint Luc, dans son évangile, nous propose un contraste entre César Auguste, l’empereur divinisé, le maître du monde, et Jésus, né dans la pauvreté, l’enfant sans défense, le prince de la paix. L’empereur le plus célèbre de l’histoire de Rome s’est fait donner par le Sénat le titre d’«Auguste», ce qui signifie en grec «digne d’adoration». Luc, en utilisant ce titre prétentieux d’un «roi de la terre», veut montrer par contraste que Dieu est bien différent : il va naître de pauvres émigrés, comme un enfant fragile et faible.
César est le symbole du faste, de l’efficacité administrative, de la richesse et du pouvoir absolu. C’est le genre de dictateur qui peut imposer un recensement universel, avec tout ce que cela comporte de déplacements, de coûts exorbitants, de souffrances pour les pauvres gens : «Chacun allait se faire inscrire dans sa ville d’origine. Joseph, lui aussi, quitta la ville de Nazareth en Galilée, pour monter en Judée, à la ville de David appelée Bethléem, car il était de la maison et de la descendance de David. Il venait se faire inscrire avec Marie, son épouse, qui était enceinte.»
Privé de tout confort et de tout pouvoir, l’enfant de la crèche va recevoir les noms de conseiller-merveilleux, Dieu fort, Prince de la paix. Les anges, qui sont peu loquaces, lui attribuent les titres de «sauveur», «messie» et «Seigneur».
En Israël, les gens attendaient un Messie puissant, riche et fort, qui viendrait écraser les ennemis du peuple choisi. Il vient faible, fragile et pauvre. Les hommes religieux se trompaient tellement sur Dieu qu’il a dû entrer dans notre monde incognito, illégalement. Il a franchi nos frontières en contrebande. Jamais il n’aurait été admis par les «officiels» s’il avait déclaré son identité! Il était impensable pour un Dieu de se présenter aussi modestement, en mettant de côté ses privilèges, en refusant les cérémonies grandioses que la religion avait préparées en son honneur!
Le Seigneur renverse la relation du créateur et de la créature. Nous n’avons plus à nous plier devant lui dans une adoration respectueuse. Nous avons à le prendre dans nos bras en un geste affectueux.
César Auguste ou Jésus ! Un choix qui s’impose encore aujourd’hui. Pour beaucoup de gens, la fête de Noël continue à être la fête de l’empire romain, du solstice d’hiver, du soleil invaincu, dont les origines se perdent dans la nuit des temps et qui n’a rien à voir avec la fête chrétienne.
Aujourd’hui, les médias, les grands magasins, les institutions officielles évitent toutes allusions à Noël et à la Naissance du Christ. On peut déplorer cette évolution comme une étape de plus sur la voie de la sécularisation. Mais peut-être devrait-on y voir aussi une évolution positive, en ce sens que disparaît en partie la confusion entre la célébration du mystère de la Nativité du Christ et tout l’aspect folklorique qui s’y est ajouté au cours des âges.
La fête chrétienne nous parle d’une nouvelle naissance, de Dieu qui vient habiter parmi nous. Jésus de Nazareth est l’un des nôtres. Il est de notre chair et de notre sang. Cet enfant fait renaître notre espérance et redonne un sens à notre vie. Il nous montre que l’être humain, s’il est capable des pires atrocités, est aussi capable des comportements les plus fraternels.
Noël est la période par excellence pour faire des invitations, pour échanger de présents. Le plus beau cadeau pourrait être un pardon accordé, une caresse offerte, un temps partagé, une main tendue tendrement, un sourire échangé. Nos cadeaux, cette année, pourraient avoir la simplicité de la vie que l’on sent jaillir au fond de notre coeur.
Et Dieu, de son côté, nous fait le plus beau cadeau du monde : il nous donne son propre fils. Grâce à ce don, les textes de Noël nous invitent à la joie et à l’espérance :
«Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière…» (Is 9, 1)
« Je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple» (Luc 2, 12)
«À ceux et celles qui l’ont accueilli, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu» (Jn 1, 12)
«Un enfant nous est né, un fils nous est donné…» (Is 9, 4)
Joyeux Noël à tous !
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Source des images: (1) Méditation, par Rembrandt, Musée du Louvre. (2) Star free wallpaper download (3) Orthodox Church in America