Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.
Jésus parlait à ses disciples de sa venue: «Prenez garde, veillez: car vous ne savez pas quand viendra le moment. Il en est comme d’un homme parti en voyage: en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et recommandé au portier de veiller. «Veillez donc, car vous ne savez pas quand le maître de la maison reviendra, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin. Il peut arriver à l’improviste et vous trouver endormis. Ce que je vous dis là, je le dis à tous: Veillez!»
Souvent nous voyons dans ce texte une exhortation à attendre dans la crainte le jour du jugement. Ce qui intéresse Jésus, ce n’est pas le jugement dernier et la fin du monde, mais bien notre comportement de tous les jours. C’est aujourd’hui que le Christ nous invite à une vigilance active et constante. De cette vigilance dépend la qualité de vie de notre famille, de notre Église et de notre monde. Dieu «nous a donné tout pouvoir», il nous fait confiance et il compte sur nous.
L’Avent est une période d’activités, de préparation et d’attente. Noël s’en vient! Dans la vie, les moments qui précèdent les événements importants sont pleins de fébrilité et de mouvements : les fiançailles, la naissance d’un enfant, le retour d’une personne chère, les résultats d’une recherche, l’aboutissement d’un projet…
Il nous faut être vigilants et bien utiliser le temps qui nous est accordé. Il nous faut profiter du moment présent pour rendre notre monde plus humain, plus beau, plus «vivable».
Saint Paul utilise un langage imagé pour parler de la vigilance. Il nous invite à nous «arracher au sommeil» (Rom 13, 11). C’est comme si nous étions en danger d’engourdissement. Nous songeons à l’abrutissement qui nous vient quand nous abusons de somnifères. Les réflexes de défense ne fonctionnent plus, un peu comme le conducteur qui a trop bu d’alcool, et qui quitte la route sans s’en apercevoir.
L’Avent c’est une période pendant laquelle nous sommes invités à mettre de côté notre tiédeur, notre paresse, notre médiocrité spirituelle. «Seigneur, mon Dieu, illumine mes yeux afin que je ne dorme pas du sommeil de la mort.» (Psaume 13, 4) Jésus nous voit comme une maison où l’on veille, une maison aux fenêtres éclairées quand toutes les autres sont dans le noir : «prenez garde, veillez!»
Autrefois, nous parlions de l’Église militante. Aujourd’hui, il faut parler de l’Église vigilante, c’est-à-dire une communauté pleinement consciente de ses responsabilités et désireuse de vivre selon les valeurs proposées par le Seigneur. J’ai lu quelque part cette belle phrase : «On surveille au nom de la loi (caméras de surveillance); on veille au nom de la tendresse.» «Veiller» révèle la tendresse que nous avons pour ceux et celles que nous aimons. Celui qui aime veille toujours. La mère de famille qui veut rendre sa maison accueillante veille continuellement. Lorsqu’un enfant est malade, la mère et le père veillent et entourent l’enfant…
Dans son livre «The Arend Islands», le poète irlandais, John Millington Synge, nous raconte l’histoire d’une femme qui attend le retour de son mari. Il y a trois mois, il est parti sur un bateau de pêche et maintenant, chaque jour, elle se rend au bout du quai, scrute l’horizon espérant le retour de celui qu’elle aime. Elle connaît les dangers de la mer, mais elle a la certitude que son mari reviendra. Elle le serrera sur son coeur et le conduira à la maison pour y retrouver leurs enfants. Pour son retour, elle a préparé des mets spéciaux, confectionné des vêtements neufs, nettoyé et décoré la maison. Son attente est pleine de projets et pleine d’espérance.
Dans un foyer pour personnes âgées, un vieillard se prépare à la visite de sa fille. Il sait qu’elle viendra et cela lui donne la joie et l’espérance nécessaire pour affronter les difficultés de la vie quotidienne.
Dans l’évangile, chaque jour un Père se rend sur le haut de la colline, attendant le retour de son plus jeune fils. Lui aussi espère, et il pense à la fête qui suivra les retrouvailles avec son fils prodigue.
Veiller, être prêts, bien utiliser le temps qui nous est donné! Si aujourd’hui nous avions à rencontrer notre créateur, serions-nous prêts? C’est la question que nous pose l’Avent… non pas pour nous effrayer mais pour nous inviter à utiliser de façon responsable le temps qui nous est donné. Dieu nous fait confiance. Il nous met en charge et nous invite à la vigilance.
On dit souvent que la religion est l’opium du peuple, qu’elle nous empêche de vivre le moment présent, en attendant le ciel, en attendant la mort. C’est tout le contraire! Le christianisme nous invite à être vigilants et actifs maintenant, chaque jour.
Dieu nous confie le petit monde dans lequel nous vivons et nous invite à la vigilance. C’est une belle et importante responsabilité !
Veillez, car vous ne savez pas quand le maître reviendra