Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.
Tim. 4, 6-8.16-18;
Mt 16, 13-19
*Seconde lettre de Paul à Timothée 4, 6-8.16-18
Me voici déjà offert en sacrifice, le moment de mon départ est venu. Je me suis bien battu, j’ai tenu jusqu’au bout de la course, je suis resté fidèle. Je n’ai plus qu’à recevoir la récompense du vainqueur: dans sa justice, le Seigneur, le juge impartial, me la remettra en ce jour-là, comme à tous ceux qui auront désiré avec amour sa manifestation dans la gloire.
Tout le monde m’a abandonné; le Seigneur, lui, m’a assisté. Il m’a rempli de force pour que je puisse jusqu’au bout annoncer l’Évangile et le faire entendre à toutes les nations païennes. J’ai échappé à la gueule du lion; le Seigneur me fera encore échapper à tout ce qu’on fait pour me nuire. Il me sauvera et me fera entrer au ciel, dans son Royaume. À lui la gloire pour les siècles des siècles. Amen.
*Matthieu 16, 13-19
Jésus était venu dans la région de Césaré de Philippe, et il demandait à ses disciples: «Le Fils de l’homme, qui est-il, d’après ce qu'en disent les hommes?» Ils répondirent: «Pour les uns, il est Jean Baptiste; pour d’autres, Élie; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes.»
Jésus leur dit: « Et vous, que dites-vous? Pour vous, qui suis-je? » Prenant la parole, Simon-Pierre déclara: « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant! »
Prenant la parole à son tour, Jésus lui déclara: «Heureux es-tu, Simon, fils de Yonas: ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. Et moi, je te le déclare: Tu es Pierre: et sur cette pierre je bâtirai mon Église; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux: tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux.»
Nous sommes naturellement attirés par les personnes qui ont des talents exceptionnels, que ce soit dans les sports, la politique, la vie sociale, ou la vie religieuse.
En ce dimanche, la liturgie nous présente deux apôtres exceptionnels qui ont joué un rôle important dans notre Église : S. Pierre et S. Paul. Les textes nous permettent de comprendre le dynamisme de ces deux géants du christianisme.
Pour la première fois, le 29 septembre 258, jour de la fête de la fondation de Rome par Romulus en 753 avant Jésus-Christ, l’Église a choisi de célébrer ensemble ces deux grands personnages, fondateurs de l’Église du Christ. Les statues des deux saints sur la Place Saint Pierre, rappellent qu’ils ont toujours été considérés comme les piliers sur lesquels repose l’Église chrétienne. Bien que très différents l’un de l’autre et ayant reçu du Seigneur des missions distinctes, ils furent étroitement liés dans la réalisation de leur mission fondatrice.
Pierre et Paul ont subi le martyre à Rome dans les premiers temps de l’Église. On date habituellement la crucifixion de Pierre vers l’an 64, dans le cirque privé de Néron (là où se trouve aujourd’hui la basilique St-Pierre) et la décapitation de Paul vers l’an 67 sur la Via Ostiense, non loin de l’église S. Paul-hors-les-Murs.
L’Écriture nous renseigne admirablement sur la complémentarité de ces apôtres et sur l’attachement profond qu’ils avaient envers le Seigneur et son Évangile.
Pierre et Paul n’étaient pas toujours d’accord, mais il suffit de relire le Nouveau Testament pour nous rendre compte du respect mutuel qui les habitait. Lorsque Paul parle de Pierre, il le fait avec vénération et le considère comme le premier de tous les apôtres. Il le nomme généralement par le surnom que Jésus lui donna : Céphas, c’est-à-dire Pierre, comme pour rappeler la « solidité» de cet homme simple et courageux.
De même, lorsque Pierre parle de Paul, il le fait avec respect et admiration. Il suffit de relire le témoignage des Actes des Apôtres (Actes 15, 7-12), mais surtout ce que Pierre écrit dans sa deuxième épître : «… comme notre cher frère Paul vous l’a aussi écrit, selon la sagesse qui lui a été donnée » (2 Pierre 3, 15).
Pierre et Paul n’étaient pas des hommes parfaits. L’un a renié son Maître au cours de la Passion, l’autre a persécuté Jésus en s’en prenant à ses disciples. Mais ils se convertirent et restèrent fidèles au Christ jusqu’à la mort.
Les quatre évangiles ont été écrits après la mort de Pierre. Ils reconnaissent le rôle spécial qu’il a joué dans la vie de Jésus. S. Marc nous dit qu’il est le premier à être appelé. Lorsque le Seigneur décida de faire de Capharnaüm le centre de sa prédication, c’est dans la maison de Pierre qu’il trouva refuge. Pierre est toujours présenté comme le porte-parole du groupe des apôtres.
Le chef des apôtres est probablement arrivé à Rome vers les années 58-59. Selon la tradition, appuyée par les fouilles archéologiques effectuées sous la basilique du Vatican, c’est là qu’il subit le martyre.
Pendant les dernières heures de la vie du Seigneur, nous retrouvons de nombreuses scènes où Pierre est mentionné : il refuse de se laisser laver les pieds par Jésus, ne comprenant pas encore que le disciple doit être au service des autres ; il promet avec fougue de ne jamais abandonner son maître «même si tous les autres le laisse tomber » ; quelques heures plus tard, il renie le Seigneur et affirme ne pas le connaître. Après la résurrection, sur les rives du lac de Galilée, trois fois il affirme aimer Jésus et reçoit du Seigneur la responsabilité de diriger son Église.
Dans la première partie des Actes Apôtres, Pierre joue un rôle prépondérant dans l’expansion de l’Église naissante. Il est le lien d’unité dans une communauté souvent divisée.
Paul est très différent, non seulement de Pierre mais aussi de tous les autres apôtres. Excepté le publicain Matthieu, ce sont d'humbles pêcheurs de Galilée. Paul est un citadin de Tarse, possédant la citoyenneté romaine. Il a reçu une solide formation à l’école des Pharisiens. Lorsque le Christ ressuscité entre dans sa vie, il est profondément bouleversé et transformé.
Contrairement à Pierre, Paul n’a jamais rencontré Jésus de Nazareth. Il ne l’a jamais entendu prêcher et n’a pas été témoin de ses miracles. En véritable fanatique, il a juré d’éliminer ce groupe de disciples du Christ.
Paul semble avoir un charisme spécial pour semer le trouble partout où il passe. Lors de ses premières prédications à Jérusalem, ses adversaires d’origine grecque ont voulu l’assassiner et l’église locale a dû le faire sortir de la ville en toute hâte pour lui faire prendre le bateau à Césarée en direction de Tarse, sa ville natale. Après son départ, Luc nous dit que «les églises de Judée, de Galilée et de Samarie étaient en paix (Actes 9, 31)
Toute sa vie, Paul a dû se battre pour prouver qu’il était un apôtre authentique et non un espion à la solde des ennemis de la communauté chrétienne.
Pour célébrer l’apôtre Paul, la liturgie a retenu un extrait de la seconde lettre à Timothée. Le passage que nous lisons aujourd’hui a été écrit un peu comme un discours d’adieu. Paul s’adresse à son fidèle disciple et ami : «Me voici déjà offert en sacrifice, le moment de mon départ est venu». Il est à Rome, soumis à une dure captivité et ne se fait aucune illusion sur l’issue de son procès : il sera condamné à mort. Dans ses derniers jours de captivité, Marc, Timothée et Luc seront pour lui un précieux réconfort.
La statue devant la Basilique S. Paul-hors-les-Murs, à Rome, nous présente l’Apôtre tenant une épée dans ses mains. On a souvent vu dans cette représentation l’image du sort qu’il connaîtra, décapité sur la voie Ostiense. Mais si vous y regardez de plus près, vous verrez qu’il s’agit d’un glaive à deux tranchants nous rappelant le glaive de l’Écriture Sainte. La Lettre aux Hébreux affirme que « la Parole de Dieu est plus efficace et plus incisive qu’un glaive à deux tranchants, pénétrant au plus profond de notre cœur et capable de discerner nos pensées et nos réflexions les plus profondes ». (Hébreux 4, 12). Le Christ, Parole de Dieu, a rejoint Paul sur la route de Damas et l’a invité à faire un changement radical dans sa vie.
Plus que jamais, notre Église a besoin de Pierre et de Paul qui ont été bouleversés par la révélation du Seigneur et sont devenus pour nous source d’inspiration et d’engagement.
Ce n’est pas la chair et le sang qui vous ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux