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Réflexion sur l'évangile du 10e dimanche ordinaire, A

Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.

 



 

 

Mt 9, 9-13

Jésus, sortant de Capharnaüm, vit un homme, du nom de Matthieu, assis à son bureau de publicain (collecteur d’impôts). Il lui dit: «Suis-moi.» L’homme se leva et le suivit. 

Comme Jésus était à table à la maison, voici que beaucoup de publicains et de pécheurs vinrent prendre place avec lui et ses disciples. Voyant cela, les pharisiens disaient aux disciples: « Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs? » Jésus, qui avait entendu, déclara: «Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Allez apprendre ce que veut dire cette parole: C’est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices. Car je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs.»

 

10e dimanche ordinaire - A

photo du Père Allard


"C'est la miséricorde que je désire
et non les sacrifices"

 

Ce ne sont pas seulement les paroles de Jésus qui constituent la base de son enseignement mais surtout ses gestes, sa façon de faire. Il s’assoit à table avec les pécheurs, parle avec eux, n’a pas honte de se trouver en leur compagnie. Lors de son baptême, il prend place au milieu d’eux. Sur la croix, il meurt entre deux malfaiteurs. 

Jésus est le Dieu-avec-nous qui sait poser un regard différent sur les personnes autour de lui, un regard qui n’est pas méprisant, qui n’est pas un reproche ou un rejet, un regard qui ne juge pas et ne condamne pas. Son regard en est un d’amitié et de miséricorde. 

C’est le regard qu’il pose sur Matthieu, le percepteur d’impôts, dans l’évangile de ce matin. Matthieu exerçait une profession malhonnête, il était exclu de la communauté, mais le regard de Jésus change complètement sa vie. 

En choisissant cet homme détesté de tous, Jésus fait un geste provocateur. Et il ne se contente pas d’appeler un pécheur comme apôtre, il ose «faire table commune» avec lui, «il mange avec les publicains et avec les pécheurs». Il le fera souvent, ce qui lui vaudra une réputation scandaleuse pour beaucoup de gens: Voici un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs. (Matthieu 11, 19). 

Jésus est expert à transgresser les lois et les coutumes de son temps. Chez Simon le Pharisien, il accepte les marques d’affection d’une prostituée : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme, une pécheresse! » (Luc 7, 39).  Chez Zachée, un chef de publicains, il s’invite à loger chez un pécheur! (Luc 19, 7). Il déclare dans le Temple : « les publicains et les prostituées vous devancent dans le Royaume de Dieu » (Mt 21, 31). Il mange chez Simon, le lépreux (Marc 14, 3). À plusieurs reprises, il transgresse les lois du sabbat… 

Mais c’est toujours en faveur de quelqu’un que Jésus agis contre la loi, c’est toujours pour venir en aide à celui ou celle qui souffre ou se trouve dans le pétrin. À travers les siècles, des milliers et des milliers de personnes ont profité de cette attitude de bonté et de miséricorde du Christ : Marie Madeleine, S. Paul, S. Augustin, Ste Claire, S. François d’Assise, S. Ignace de Loyola, Charles de Foucault, Paul Claudel, et combien d’autres. 

Pendant sa vie, le Christ a scandalisé plein de gens. Ce n’est pas en vain que le vieux Siméon avait dit à ses parents lors de sa naissance : « Cet enfant sera un signe de contradiction pour plusieurs en Israël. » (Lc 2,34) 

Très souvent nos lois et nos restrictions sont carrément injustes, même certaines lois religieuses. Au temps de Jésus, la façon de traiter les femmes, les personnes malades, les lépreux, les bergers, les publicains, les Samaritains étaient discriminatoires et engendraient de graves injustices.  

Pendant des siècles, nous les chrétiens avons traité injustement les femmes, les esclaves, les membres d’autres religions, ceux et celles qui n’étaient pas d’accord avec  nos décrets et nos dogmes. Des milliers de personnes ont été maltraitées au nom d’un Dieu qui n’était pas le Dieu de Jésus Christ. Certaines de ces injustices existent encore aujourd’hui… 

Lorsque j’étais jeune, il était interdit aux catholiques d’entrer dans une église protestante. Les protestants étaient des ennemis avec qui on ne devait pas avoir de relations ! Jésus n’aurait pas été d’accord avec cette restriction. Le Christ avait le courage de violer les lois discriminatoires. Il dira de lui-même : «Heureux celui ou celle qui ne sera pas scandalisé à cause de moi». (Mt 11,6) 

Le Christ veut toujours donner une deuxième chance... et cela vaut aussi pour nous. Ce qui est important, ce n’est pas ce que nous avons fait dans le passé mais ce que nous ferons dans l’avenir. Pierre, Marie Madeleine, Nicodème, la femme adultère, Zachée, l’enfant prodigue, le bon larron, les ouvriers de la dernière heure sont des exemples de cette deuxième chance. 

Lorsque le Seigneur dit « c’est la miséricorde que je désire et non les sacrifices », c’est une manière hébraïque de s’exprimer et ça ne veut pas dire qu’il rejette les sacrifices mais que la priorité est accordée à la miséricorde. Les sacrifices, les célébrations, les rituels sont bons… mais ils doivent refléter une attitude de miséricorde et de réconciliation. : «Si, lorsque tu présentes ton offrande à l’autel, tu te souviens que ton frère ou ta sœur a quelque chose contre toi, laisse-là ton offrande, devant l’autel, va d’abord te réconcilier, puis reviens présenter ton offrande ». (Matthieu 5, 23-24) 

Est-ce que nous traitons les autres, surtout ceux et celles qui ont eu moins de chance que nous, avec respect, avec amour? Les sans-logis, les sans-travail, les gens sur le bien-être social, les malades, les personnes âgées, les immigrants, les étrangers… 

Nos activités religieuses : la messe du dimanche, les neuvaines, les pèlerinages, les prières à la maison sont importantes, mais elles doivent refléter l’amour que nous avons pour les autres dans la vie de tous les jours. Les sacrifices ont peu de valeur aux yeux de Dieu, s'ils sont offerts par des coeurs de pierre. 

Dieu veut la tendresse et la miséricorde. Aujourd’hui, Jésus nous invite à suivre son exemple. En agissant ainsi, notre rassemblement du dimanche prendra toute sa valeur. «Soyez miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux.» (Luc 6, 36) 

Chaque dimanche, nous nous réunissons pour que le Christ remplace notre coeur de pierre en coeur de chair, pour que nous devenions plus tendres, plus humains. C’est dans les petites actions de tous les jours que notre foi se révèle, et non pas dans des actions spectaculaires et grandioses. Au jugement dernier, nous reconnaîtrons l’importance de ces petites actions : « J’avais faim et vous m’avez donné à manger... » (Mt 25, 35) « Celui qui donnera un verre d’eau fraîche, en mon nom, recevra sa récompense » (Mt 10, 42). 

Le jugement dernier a lieu non pas à la fin de notre vie, mais chaque jour, dans des actions quotidiennes et fraternelles. Il révèle ce que nous faisons, ou ce que nous refusons de faire pour notre prochain dans le besoin.

C’est la miséricorde que je désire et non les sacrifices