Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.
Jean 14, 15-21
1 Pierre 3, 15-18
Jean 14, 15-21
À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples: «Si vous m’aimez, vous resterez fidèles à mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous: c'est l’Esprit de vérité. Le monde est incapable de le recevoir, parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît pas; mais vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure auprès de vous, et qu’il est en vous. «Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous. D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi. En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. Celui qui a reçu mes commandements et y reste fidèle, c’est celui-là qui m’aime; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père; moi aussi je l’aimerai, et je me manifesterai à lui.»
1 Pierre 3, 15-18
Deuxième lecture: C’est le Seigneur, le Christ, que vous devez reconnaître dans vos coeurs comme le seul saint. Vous devez toujours être prêts à vous expliquer devant tous ceux qui vous demandent de rendre compte de l’espérance qui est en vous; mais faites-le avec douceur et respect. Ayez une conscience droite, pour faire honte à vos adversaires au moment même où ils calomnient la vie droite que vous menez dans le Christ. Car il vaudrait mieux souffrir pour avoir fait le bien, si c'était la volonté de Dieu, plutôt que pour avoir fait le mal. C’est ainsi que le Christ est mort pour les péchés, une fois pour toutes: lui, le juste, il est mort pour les coupables afin de vous introduire devant Dieu. Dans sa chair, il a été mis à mort; dans l’esprit, il a été rendu à la vie.
Au moment où S. Jean écrit son évangile, les disciples de Jésus se trouvent dans une situation très pénible. On se moque d’eux, on les chasse des synagogues, on les persécute. Le Christ leur promet alors l’Esprit Saint qui sera avec eux pour toujours et qui sera la source de l’espérance que Pierre mentionne dans la 2e lecture d’aujourd’hui. Devant l’agressivité des adversaires, il invite au témoignage et à la non-violence : «Soyez toujours prêts a rendre compte de l’espérance qui est en vous. Mais faites-le avec douceur et respect.» (1 Pierre 3, 15-16)
Notre espérance vient de la révélation du Seigneur : «vous êtes aimés de Dieu, l’Esprit Saint habite en vous, je vous accompagne tous les jours et votre vie ne se termine pas au cimetière». Si nous témoignons de cette espérance, les gens autour de nous ne manqueront pas de s’interroger sur notre façon de vivre.
«Rendez compte de l’espérance qui est en nous!» Et Pierre ajoute : «Faites-le avec douceur et respect». Il ne s'agit pas de provoquer la controverse, de faire du prosélytisme mais de rendre témoignage.
J’ai retrouvé un bel exemple de ce témoignage d’espérance dans les chroniques de la conquête d’Amérique latine. Au XVIIIe siècle, dans la cour d’une prison du Brésil, un prêtre, qui a été condamné à mort parce qu’il s’était opposé au trafic d’esclaves, était sur le point d’être fusillé. Comme on doit faire les choses en bonne et due forme, même lorsqu’il s’agit d’un meurtre barbare commit par l’État, le capitaine en charge demande au prisonnier s’il avait un dernier désir avant de faire face au peloton d’exécution. Le prêtre surprit l’officier et les soldats en répliquant : «Oui, j’aimerais jouer un dernier air de flûte avant de mourir». L’officier lui accorda cet ultime désir et les sept soldats, ses compatriotes, chargés de le mettre à mort, se mirent en position de repos. Mais très vite, ce prêtre jouant de la flûte avant d’être fusillé créa une situation insupportable pour ses bourreaux. C’était tellement absurde d’entendre ce condamné à mort jouer tranquillement de la flute. L’officier lui enleva l’instrument de musique, lui banda les yeux et donna l’ordre de faire feu! Le prêtre mourut sur le coup.
Quel genre d’espérance donne à un condamné à mort le courage de jouer de la flûte avant de mourir?... «Rendez compte de l’espérance qui est en vous, mais faites-le avec douceur et respect!»
L’une des réalités qui revient le plus souvent sur nos écrans de télévision, nos ordinateurs, nos jeux électroniques, c’est la violence : la guerre et le terrorisme, la torture, le massacre d’innocents, les enfants et les femmes victimes d’abus sexuels, les violences conjugales, les enfants-esclaves obligés de travailler dix-douze heures par jour. On n’en finit plus de dresser le bilan des victimes innocentes et cela dans un monde qui se dit civilisé et qui s’est donné des chartes des droits de la personne, des droits des enfants, des droits des handicapés, des droits de la femme, des droits des prisonniers, etc. Le coeur humain ne contient pas seulement des bons sentiments. Il cache aussi l’agressivité, la cupidité, les bassesses de toutes sortes, les orages et les coups de tonnerre meurtriers d’un grand nombre d’entre nous.
Les personnes douces sont un cadeau de Dieu et un bienfait pour notre monde. Elles brisent la spirale infernale dans laquelle s’enferme notre univers de violence. Quand le respect et la douceur sont présents dans une famille, dans une communauté, dans une institution, la paix et l’harmonie se portent bien.
La douceur et le respect ne sont pas seulement des comportements de gens bien élevés, elles sont aussi des vertus évangéliques. Dès le début de son ministère public, Jésus proclame : «Heureux les doux... heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils et filles de Dieu.» Et il ajoute : «Apprenez de moi qui suis doux et humble de coeur». On connaît le respect avec lequel il traitait les enfants, les femmes, les malheureux, les malades, les exclus, les pécheurs.
La douceur et le respect évitent les chicanes, les incompréhensions, les méfiances, les violences. Elles créent un climat de confiance et désamorcent bien des esprits belliqueux.
Je termine avec l’exemple d’un évêque africain qui donna abri à une femme qui avait commis l’adultère. Le sorcier du village responsable de faire exécuter la sentence de mort pour ce genre de délie se présenta chez l’évêque qui refusa de lui remettre la femme condamnée. Le sorcier accusa alors l’évêque d’être immoral et de ne pas respecter les lois de sa tribu. L’évêque lui répondit : «c’est vrai que je suis immoral par rapport à nos lois. C’est que, vois-tu, mon Dieu est plus humain que le tien!»
C’est par notre façon d’agir que nous provoquons chez les autres les questions sur l’espérance qui nous habite.
«Soyons toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui est en nous. Mais faisons-le avec douceur et respect.»
Source des photos: Méditation, par Rembrandt, Musée du Louvre.;