Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.
Jean 10, 1-10
Psaume 23
Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche il me fait reposer.
Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre ;
Il me conduit par le juste chemin pour l’honneur de son nom.
Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal,
Car tu es avec moi, ton bâton me guide et me rassure…
*Jean 10, 1-10
Jésus parlait ainsi aux pharisiens: «Amen, amen, je vous le dis: celui qui entre dans la bergerie sans passer par la porte, mais qui escalade par un autre endroit, celui-là est un voleur et un bandit. Celui qui entre par la porte, c’est lui le pasteur, le berger des brebis. Le portier lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix. Ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom, et il les fait sortir. Quand il a conduit dehors toutes ses brebis, il marche à leur tête, et elles le suivent car elles connaissent sa voix. Jamais elles ne suivront un inconnu, elles s’enfuiront loin de lui, car elles ne reconnaissent pas la voix des inconnus.»
Jésus employa cette parabole en s’adressant aux pharisiens, mais ils ne comprirent pas ce qu’il voulait leur dire. C’est pourquoi Jésus reprit la parole: «Amen, amen, je vous le dis: je suis la porte des brebis. Ceux qui sont intervenus avant moi sont tous des voleurs et des bandits; mais les brebis ne les ont pas écoutés. Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé; il pourra aller et venir, et il trouvera un pâturage. Le voleur ne vient que pour voler, égorger et détruire. Moi je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance.»
Le philosophe Henri Bergson écrivait : «Les centaines de livres que j’ai lus ne m’ont pas donné autant de réconfort que le Psaume 23 : «Le Seigneur est mon berger, je ne me manque de rien; Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi, ton bâton me guide et me rassure.»
Et le romancier Carl Ryan dans «Le jour le plus long», raconte que le 6 juin 1944, durant le débarquement sur les côtes de Normandie, un jeune soldat canadien, afin de calmer la tension de ses compagnons, se mit à réciter à haute voix le Psaume 23.
Chaque année liturgique, en ce quatrième dimanche de Pâques, nous avons en tête la parabole du bon Pasteur, tant de fois redite et tant de fois représentée dans l’art chrétien. Dans l’évangile d’aujourd’hui, Jésus mélange les images d’une façon un peu déconcertante. Il se compare au bon pasteur aussi bien qu’à la porte de la bergerie, deux images qui dans le Nouveau Testament sont complémentaires.
Malgré toutes nos revendications d’indépendance et d’autonomie, nous avons besoin d’être guidés vers le bonheur, vers une vie pleine et entière. Nous avons besoin d’un gouvernail. Je relisais l’histoire du Bismarck, le plus gros bateau de guerre au monde pendant la deuxième guerre mondiale. Avec ce géant des mers, les Allemands dominaient les océans. Le Bismarck coula des dizaines de bateaux de combats et de ravitaillement. Il avait la réputation d’être indestructible.
Malgré cette réputation, les Anglais réussirent à l’envoyer par le fond et une seule torpille suffit pour causer sa ruine, une torpille qui frappa le gouvernail et le bloqua complètement. Ne pouvant plus manœuvrer, le Bismarck allait en zigzag sur la mer. Il lui était impossible d’atteindre un port allemand afin de se protéger et de faire effectuer les réparations nécessaires. En peu de temps la marine anglaise donna l’ordre à plusieurs de ses bateaux de combat de se diriger vers le bateau allemand et de le couler.
Malgré toute sa puissance de feu et son enveloppe d’acier, un bateau sans gouvernail est condamné à la destruction. Ceci est aussi vrai pour chacun de nous qui avons besoin de direction. La vie est trop compliquée pour que nous puissions la traverser seul, en toute sécurité. Nous avons besoin d’être guidés et d’être protégés. Le Christ nous offre cette protection contre les éléments qui pourraient nous faire du tord et nous détruire.
Nous pouvons bien sûr suivre d’autres guides, et beaucoup se présentent à nous comme des «sauveurs providentiels», mais Jésus nous avertit : «attention! Si vous les suivez, vous risquez d’être trompés». On nous promet un corps parfait, sans ride, qui ne vieillit pas; le bonheur instantané si nous achetons telle maison, tel bateau de plaisance, telle voiture; les vacances de nos rêves; le placement en bourse ou une assurance qui nous procurera un avenir assuré. Avec la crise économique que nous venons de traverser, des milliers de personnes se sont rendus compte de la fragilité de ces promesses. Des millions de personnes ont perdu leur emploi, leur maison, leur style de vie. La crise économique a fait que des milliers se soient retrouvés littéralement dans la rue. Et tout cela à cause de la cupidité de quelques uns!
Il est facile de se laisser séduire par des colporteurs de bonheur garanti. Tous nous proposent une recette-miracle, «pour notre plus grand bien!». Mais souvent ces charlatans, ces vendeurs de succès à rabais, ne cherchent qu’à s’enrichir à nos dépends.
Jésus se présente à nous aujourd’hui comme le guide, le passage, la porte qui donne accès à un monde meilleur. Derrière cette porte, il n’y a pas un Dieu qui fait peur, un Dieu qui demande des performances extraordinaires, mais un Dieu qui aime, qui accueille le fils prodigue, la fille pécheresse, le bon larron, Pierre repenti, Paul le persécuteur.
La préoccupation du Seigneur n’est pas de nous enfermer dans le corral afin de nous protéger, mais bien de nous faire découvrir la beauté de l’air libre, des grands horizons, des espaces illimités : «Il entrera et sortira et trouvera du pâturage».
Souvent, nous sommes enfermés dans une sorte de «huis clos», bloqués à cause d’une maladie, d’un complexe, d’un traumatisme, d’une addiction à l’alcool, au jeu, à la drogue, à cause de notre entourage. Nous avons tous, un jour ou l’autre, à faire face à des problèmes qui semblent sans issue. Nous nous sentons pris au piège, emprisonnés, ne sachant comment nous en sortir.
C'est alors que le Christ intervient et nous dit qu’il est la porte, qu’il est l’issue. Image de liberté ! Image de fraicheur et de vie! Suivre Jésus n’est pas, comme certains le pensent, vivre une vie à moitié, c’est au contraire vivre pleinement : «Je suis venu pour que vous ayez la vie et l’ayez en abondance.»
Chaque dimanche, nous venons rencontrer le Seigneur qui peut redonner un sens à notre vie. Il est le gouvernail, le passage vers la liberté, le compagnon de route qui nous accompagne tout au long de la vie.
«Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi, tu me guides et me rassure»