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Réflexion sur l'évangile du Deuxième dimanche ordinaire, A

Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.

 


 

 


Jn 1, 29-34

Comme Jean Baptiste voyait Jésus venir vers lui, il dit: «Voici l'Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde; c'est de lui que j’ai dit: Derrière moi vient un homme qui a sa place devant moi, car avant moi il était. Je ne le connaissais pas; mais, si je suis venu baptiser dans l'eau, c’est pour qu’il soit manifesté au peuple d'Israël.»

Alors Jean rendit ce témoignage: «J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. Je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m'a dit: "L’homme sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est celui-là qui baptise dans l’Esprit Saint." Oui, j’ai vu, et je rends ce témoignage: c’est lui le Fils de Dieu.»

 

Deuxième dimanche ordinaire - A

photo du Père Allard


"Voici l'Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde"

 

Ce bref témoignage de l’évangéliste Jean reflète sa théologie et celle de sa communauté plusieurs dizaines d’années après la mort et résurrection de Jésus. Elle est une profession de foi des premières communautés chrétiennes.

Au début de son évangile, Jean utilise plusieurs titres pour décrire le Seigneur et nous révéler son identité. Jésus est «le Verbe fait chair» (1,1), «la lumière du monde» (1, 4), «le Fils unique du Dieu-Père» (1, 14), «l’Agneau de Dieu» (1, 29,36), «le Fils de Dieu sur qui descend et demeure l’Esprit» (1, 34,49), «le Maître ou Rabbi» (1, 38,49), «le Messie ou Christ» (1, 41), «celui dont parlent la Loi et les Prophètes» (1, 45), «le Roi d’Israël» (1, 49), le «Fils de l’homme» (1, 51). Tous ces titres lèvent le voile sur l’identité du Christ.

agneauAu début du texte d’aujourd’hui, Jean Baptiste appelle Jésus «l’Agneau de Dieu». À chaque eucharistie, nous entendons ces mots : «Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde», et trois fois nous les chantons avant la communion, mais ce n’est pas un titre qui a beaucoup d’attrait pour les hommes et les femmes d’aujourd'hui. Le symbole de l’agneau n’est pas très parlant pour nous, et en général nous n'aimons pas entendre parler de péché.

L’homme et la femme modernes rejettent cette idée de péché. Si jamais on commet une erreur, on blâme l’instinct, l’hérédité, l’environnement, l’inconscience. Ou encore, on accuse les autres pour cette faute : le gouvernement, la famille, le système, les conditions défavorables, etc.

Le P. Turoldo avait raison de dire au cardinal Schuster, un peu déconcerté par sa remarque : «Mon but c’est de trouver des pécheurs»… c’est-à-dire des gens qui ont retrouvé le sens du péché et qui acceptent d’être responsables de certaines de leurs actions.

Le mal est présent au milieu de nous, bien qu’au niveau de la rue on ne l’appelle pas «péché». Voici quelques exemples de ce qui, pour Jean, ferait parti du «péché du monde» :

- la violence gratuite et omniprésente, la marginalisation de grands secteurs de la société, l’exploitation des plus faibles, la pauvreté provoquée par la cupidité, les salaires de famine, la faim dans un monde plein de richesses…
- la compétition déloyale, l’insécurité causée par le seul désir du gain, le travail d’esclavage des enfants, l’inégalité entre les hommes et les femmes…
- le manque de dialogue dans les familles, la lutte des générations, l’infidélité irresponsable, la séparation et le divorce qui punissent les enfants…
- l’orgueil, l’avarice, la cupidité, l’envie, le désir de dominer, la haine, la rivalité, la vengeance…

la Bible nous dit que le projet de Dieu est un projet de paix, de salut, de bonheur et qu'il concerne l'humanité tout entière.

Jean le Baptiste considérerait comme «péché du monde» : que des millions souffrent de la faim; que des populations entières soient chassées de leur maison et de leur pays par la guerre; que les pauvres et les sans-voix soient écrasés; que les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres; que des malades meurent par manque de médicaments alors que des sommes astronomiques sont dépensées pour acheter des engins de guerre; que notre planète soit détruite systématiquement afin d’augmenter le profit de quelques uns; que les multiples guerres n’en finissent plus de faire des milliers de victimes innocentes; que les gangs de rues sèment la terreur; que la violence dans nos familles et dans nos milieux de travail ruinent la vie d’un grand nombre de personnes; que la majorité garde le silence et fasse preuve d’inaction coupable devant toutes ces injustices et tous ces crimes.

À cette triste liste, il ajouterait sans doute le mal et le scandale qui résultent des divisions entre les Églises chrétiennes. Il existe plus de 400 dénominations différentes de chrétiens à travers le monde. Le Christ qui, à la dernière scène, priait pour l’unité des siens avait bien raison de le faire! Pour Jean, le péché du monde existe et nous avons toujours besoin de «l’agneau de Dieu» pour nous en libérer.

Le texte d’aujourd’hui, comme tout texte biblique, est d'abord et avant tout une révélation de Dieu et de son projet pour nous. Les derniers mots de la première lecture rappellent ce projet de Dieu : «pour que mon salut parvienne jusqu'aux extrémités de la terre.» (Isaïe 49, 6) Une fois de plus, la Bible nous dit que le projet de Dieu est un projet de paix, de salut, de bonheur et qu'il concerne l'humanité tout entière.

Jean Baptiste désigne Jésus comme «l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde», parce que par lui ce projet de salut et de paix devint possible.

Je lisais dernièrement l’histoire d’un ouvrier que l’on pourrait appliquer à des milliers de personnes à travers les siècles : «Un jour, un homme qui aimait se moquer des chrétiens, demanda à un compagnon de travail : André, peut tu m’expliquer comment Jésus a fait pour changer l’eau en vin? André répondit : Je ne peux pas t’expliquer comment il a fait pour changer l’eau en vin, mais je sais qu’il y a une dizaine d’années, j’étais un alcoolique détestable, violent avec ma femme et mes enfants, je dépensais plus de la moitié de mon salaire en boisson et ma famille n’avait pas assez pour vivre. Un ami m’a aidé et il m’a parlé de Jésus. Petit à petit, je suis devenu un travailleur honnête et pacifique et un bon père de famille aimant et chaleureux. Je ne peux pas t’expliquer comment Jésus a changé l’eau en vin, mais je peux te raconter comment il a changé l’alcoolique que j’étais en bon père de famille.» Pour moi, Jésus a vraiment été «l’agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde», l’agneau de Dieu qui a enlevé mon péché à moi!