Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.
Mt 2, 1-12
Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d'Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent: «Où est le roi des Juifs qui vient de naître? Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui.»
En apprenant cela, le roi Hérode fut pris d'inquiétude, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les chefs des prêtres et tous les scribes d'Israël, pour leur demander en quel lieu devait naître le Messie. Ils lui répondirent: «À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète: Et toi, Bethléem en Judée, tu n'es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Judée; car de toi sortira un chef, qui sera le berger d'Israël mon peuple.»
Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l'étoile était apparue; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant: «Allez vous renseigner avec précision sur l'enfant. Et quand vous l'aurez trouvé, avertissez-moi pour que j'aille, moi aussi, me prosterner devant lui.» Sur ces paroles du roi, ils partirent.
Et voilà que l'étoile qu'ils avaient vue se lever les précédait; elle vint s'arrêter au-dessus du lieu où se trouvait l'enfant. Quand ils virent l'étoile, ils éprouvèrent une très grande joie. En entrant dans la maison, ils virent l'enfant avec Marie sa mère; et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents: de l'or, de l'encens et de la myrrhe.
Mais ensuite, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
En cette année liturgique, dimanche après dimanche, nous entendrons les textes de l’évangile de S. Matthieu. Cet évangéliste ne proclame pas seulement la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, il offre aussi une catéchèse exceptionnelle à ceux et celles qui prennent le temps de méditer ses écrits. Aujourd’hui, la visite des mages d’Orient contient de nombreux éléments pour notre réflexion chrétienne.
La randonnée des Mages se rendant à la crèche de Bethléem a été, à travers les siècles, l’un des passages évangéliques les plus aimés par les chrétiens et par les artistes. Ces chercheurs de Dieu, offrant des présents à l’enfant Jésus, se retrouvent déjà au 2e siècle sur les murs des catacombes. De grandes cathédrales d’Europe leur sont dédiées, comme par exemple la Cathédrale de Cologne, en Allemagne.
«Jésus est né à Bethléem, au temps du roi Hérode...» Matthieu, contrairement à Luc, parle très peu de la naissance de Jésus. Par contre, il tient, à donner à ses lecteurs la «signification» de cette naissance. Il nous livre cette signification dans le récit des mages. Au coeur du récit de l’Épiphanie, il propose deux attitudes, que nous retrouverons constamment au cours de son évangile : le refus et l’accueil.
- D’une part, le «refus» des chefs politiques et religieux. Ils ont peur, ils s’inquiètent. Ils ne bougent pas et restent à Jérusalem. Dès le départ des mages, ils cherchent à faire tuer Jésus.
- D’autre part, «l’accueil» de ces sages venus d’Orient. Moins préparés pourtant à reconnaître le Messie, ce sont eux qui le cherchent, qui se mettent en marche, et qui, loin de «s'inquiéter», éprouvent «une grande joie».
«Nous avons vu son étoile…» Cette étoile est le symbole de notre foi. La foi est une valeur qui transforme petit à petit la vie des chercheurs de Dieu. La foi est un idéal… «Un idéal, ça ressemble à une étoile : on a l’impression qu’elle est hors de notre portée, mais elle nous guide sur la route souvent obscure et nous oblige à regarder vers le ciel.» (Schultze)
L’étoile ne brille pas partout. À Jérusalem, elle disparait car les gens ne sont pas intéressés et l’ambiance n’est pas propice. Le danger de «perdre l’étoile, de perdre la foi» est toujours présent. La superficialité, la fatigue, l’indifférence, l’avidité, la suffisance, la vanité mettent continuellement notre foi en danger.
Le texte souligne que la présence de l’étoile procure aux sages d’Orient une grande joie : «À la vue de l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie.»
«Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui». Ce sont les mots les plus importants du récit de Matthieu.
«Se prosterner!» Ce verbe, utilisé trois fois dans cette page d’évangile, indique l’attitude profonde de ces chercheurs de Dieu. Ils viennent pour «adorer». Et moi? Est-ce que je me prosterne parfois? Devant qui? Devant quoi? Il nous faut apprendre à rendre hommage, à adorer Dieu… mais lui seul. C’est là notre force : «Un seul Dieu tu adoreras et aimeras parfaitement!» Souvent, les gens s’agenouillent devant tant d’autres dieux!
Les mages sont venus non par curiosité, non pour apporter des présents, mais pour adorer. Il est difficile de faire plier, de corrompre des gens qui n’adorent que Dieu. Ils sont incontrôlables et ne peuvent être manipulés, achetés ou corrompus. Le pouvoir, l’argent, la violence ne peuvent pas les faire «entrer dans le rang». Ce sont des gens dangereux pour le pouvoir en place.
Chaque dimanche, comme les mages, nous venons pour adorer le Seigneur. Nous venons pour rendre hommage à Dieu, pour le remercier, pour écouter sa parole, pour rencontrer la communauté chrétienne... et non pour assister à un spectacle intéressant.
Après être entré en contacte avec le Seigneur, comme les mages, nous sommes invités «à retourner par un autre chemin», c’est-à-dire à penser d’une autre façon. Notre rencontre avec Dieu nous mène toujours à la découverte de nouvelles routes, de nouvelles façons de faire.
Comme les mages, nous sommes invités aujourd’hui à devenir des chercheurs de Dieu, des pèlerins de l’éternité, des rêveurs d’un monde nouveau. Cette fête nous invite à nous mettre en route, à suivre l’étoile, à partager ce que nous sommes et ce que nous avons, à nous prosterner et adorer, à chercher un autre chemin