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Réflexion sur l'évangile du Quatrième dimanche de l'Avent, A

Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.

 


 

 

Mt 1, 18-24

Voici quelle fut l'origine de Jésus Christ. Marie, la mère de Jésus, avait été accordée en mariage à Joseph; or, avant qu'ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l'action de l'Esprit Saint.

Joseph, son époux, qui était un homme juste, ne voulait pas la dénoncer publiquement; il décida de la répudier en secret. Il avait formé ce projet, lorsque l'ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit: «Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse: l'enfant qui est engendré en elle vient de l'Esprit Saint; elle mettra au monde un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus (c'est-à-dire: «le Seigneur sauve»), car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.»

Tout cela arriva pour que s'accomplît la parole du Seigneur prononcée par le prophète: Voici que la Vierge concevra et elle mettra au monde un fils, auquel on donnera le nom d'Emmanuel, qui se traduit: «Dieu-avec-nous».

Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l'ange du Seigneur lui avait prescrit: il prit chez lui son épouse.

 

Quatrième dimanche de l'Avent - A

photo du Père Allard


L’annonce faite à Joseph

 

Nous connaissons bien le récit de «l'annonce faite à Marie». Il a inspiré d'innombrables tableaux, mosaïques, fresques, sculptures, vitraux. Plusieurs volumes ont été écrits sur l’Annonciation. Mais curieusement, «l'annonce faite à Joseph» est beaucoup moins connue.

Joseph est le chef de famille, silencieux et efficace, toujours prêt à l’action. Dans l’évangile d’aujourd’hui, ce n'est plus la tragique figure du Baptiste qui domine ce dernier dimanche avant Noël, mais la noble et paisible silhouette du charpentier de Nazareth. Joseph, homme de la nouvelle alliance, modèle de foi et de fidélité, est celui qui «accueille la Parole» et se met au service de Dieu et au service des autres.

Saint-Joseph et l'angeTout d’abord, Matthieu nous parle de la grande souffrance de Joseph. Son projet de famille est brisé lorsqu’il apprend que sa fiancée est enceinte. Tout son rêve semble s’effondrer. Il est facile de comprendre la douleur qui se cache derrière la sobriété du texte de l'évangile. À contre-coeur, Joseph décide de renvoyer Marie. Cela signifie aussi qu’il renonce à être considéré comme le père de l'enfant. Mais Dieu lui demande de changer d'avis et de prendre Marie pour épouse. Dieu a besoin de lui et il lui confie une double responsabilité : prendre chez lui Marie et donner le nom à l'enfant, ce qui équivaut à en accepter la paternité. L'évangile ajoute : «Une fois réveillé, Joseph fit comme l’Ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse».

Dans la page que nous lisons aujourd’hui, le nom de Joseph est prononcé quatre fois. Chef de famille, responsable du «petit groupe», il est au centre du récit. Nous remarquons, aussi, que dans ce texte où Joseph a tant d'importance, il ne dit pas un mot. Lui qui est à l'avant-scène, lui à qui s'adressent tous les messages du ciel, il ne parle pas... il agit.

Dans l’évangile daujourd’hui, Matthieu qualifie Joseph «d’homme juste» (Mt 1, 19). En langage biblique, le «juste» est la personne qui respecte Dieu, la personne pieuse et profondément religieuse qui veut faire la volonté de son Dieu.

L’ange annonce à Joseph que son fils sera appelé «Emmanuel, ce qui veut dire: Dieu avec nous». Matthieu commence son évangile avec ce «Dieu-avec-nous» et il le terminera de la même manière: «Voici que je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin de monde». (Matthieu 28, 20)

L’enfant a été annoncé comme «l’enfant-sauveur» (le nom Jésus signifie Dieu sauve). Or voilà, paradoxe étonnant, qu'un pauvre homme et sa jeune épouse sont invités à sauver l'enfant-sauveur. Paradoxe divin : Dieu, par son incarnation, s'est remis entre nos mains. Il ne se défend pas lui-même. Il faut «sauver» Dieu!

Les enfants sont toujours vulnérables à la méchanceté des hommes. De nos jours, comme au temps de Jésus, on décide souvent qu’il est nécessaire de tuer des enfants afin d’assurer la sécurité nationale. Les bombes téléguidées, les mines explosives, les balles perdues sont indispensables à la protection du pays. Il y aura toujours des «dommages collatéraux». C’est le prix à payer!

Joseph, homme de la nouvelle alliance, modèle de foi et de fidélité, est celui qui «accueille la Parole» et se met au service de Dieu et au service des autres.

Dans les budgets d’État, les dépenses militaires ont toujours la priorité sur la nourriture, les soins médicaux et l’éducation des enfants. Les gouvernements s’engagent bien sûr à procurer tout cela une fois le territoire défendu et la paix assurée, ce qui repousse les bonnes intentions aux calendes grecques! Lorsqu’il s’agit de choisir entre la sécurité nationale et la vie des enfants, les milliers «d’Innocents» sont toujours les perdants. C’est ce que nous rappelle chaque année la fête des saints Innocents, le 28 décembre.

Au coeur de ce monde de violence et de rejet, Dieu a ménagé à son Fils un havre d'accueil, une oasis de paix et d’amour : Marie et Joseph, sa petite famille.

«Joseph se leva. Dans la nuit, il prit l'enfant et sa mère et se retira en Égypte». Partir en pleine nuit, partir dans la foi. Il faut sauver l'enfant. Ce jeune couple, ce ménage «sans feu ni lieu» partage le sort tragique de millions de réfugiés, d’expulsés qui fuient vers l'inconnu, chassés de leur maison par la guerre, la famine, le chômage, les dictateurs, les groupes ethniques dominants, les idéologies opprimantes. Enfants de l’Irak, de la Palestine, de l'Afghanistan, de la République du Congo du Tchad, d’Haïti...

Trop de famille, hélas, peuvent se reconnaître dans les reportages de guerres, de persécutions politiques, de racisme, de misère, de famine... Les enfants-soldats, les enfants-travailleurs, les enfants esclaves... famille mutilées, divisées, sans espoir, celles qui doivent abandonner leur terre natale pour s’expatrier, là où on abusera d’elles sans vergogne. Heureusement, il y a Joseph qui accepte d’être le père et le sauveur de ce «Dieu-avec-nous».

Le nouveau cycle liturgique que nous avons commencé au début de l’Avent est celui de Matthieu. C'est à travers l'annonce faite à Joseph que nous découvrons que Dieu est toujours avec nous. Il nous accompagne sur tous nos chemins, chemins de joie ou de peine, d'amour ou de haine, d'attachement ou de rejet. Dieu ne nous abandonne jamais ni pendant ni après cette vie pleine d’embûches.

 

Source des photos: Méditation, par Rembrandt, Musée du Louvre.; Georges de La Tour, Apparition de l’ange à Saint-Joseph, Musée des Beaux Arts, Nantes, France.