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Formation > Le charisme originel du Mouvement des Cursillos > Les Cursillos dans le monde qui vient.

Les Cursillos dans le monde qui vient

par Georges Madore

Causerie donnée à l’Ultreya 85, (parue dans la revue De Colores, # 17, p. 3-11) sur le thème de cette Ultreya.

 

 

livreQuand j’étais petit, on récitait une ritournelle que vous connaissez : «1, 2, 3, 4, ma p’tite vache a mal aux pattes; tirons-la par la queue, et ça ira mieux». Si vous comprenez cela, vous aurez compris le livre des Idées Fondamentales !!! Je vais donc vous donner ma lecture des IFMC (il s’agit bien sûr de la première édition de 1977). Et toute lecture est interprétatrice, nécessairement. Chacun lit avec son regard et ses préoccupations. Alors pour moi, les IFMC c’est un peu comme la chanson : «1, 2, 3, 4…» mais ce n’est pas «ma p’tite vache», c’est : «1, 2, 3, 4, faut que l’Évangile éclate, dans nos cœurs dans nos milieux, et ça ira mieux!» Plongeons dans le premier point.

 

1. Cursillo et IFMC 


A. Qu’est-ce que le Cursillo ?

a) C’est une expérience

Le Cursillo, c’est d’abord faire vivre l’expérience de «ce qui est fondamental dans le christianisme». C’est une expérience, ce n’est pas une doctrine, ce n’est pas un enseignement, ce ne sont pas des normes… C’est au contraire, une «expérience vécue». Dans les IFMC, on exprime bien cette espèce de sentiment blasé qui dit qu’on en a soupé d’apprendre des dogmes ou autres choses semblables. Ce qu’on veut, c’est vivre des choses concrètes. Et c’est vraiment ce qui est original dans le Cursillo par rapport à d’autres Mouvements. On a déjà fait allusion à ces Mouvements qui avaient de la difficulté à garder un certain souffle, parce qu’ils n’avaient pas cette expérience forte, cette expérience fondamentale. Tu vis l’expérience, tu te sens aimé(e) de Dieu, tu te sens apprécié(e) des autres. D’où l’importance de la fraternité et des palancas durant la fin de semaine, l’importance aussi de la Clausura, qui sont tous autant de moyens de «faire sentir» aux personnes qu’elles sont aimées. 

Donc, c’est une expérience, fondamentalement. Une expérience de ce qui est au cœur de notre vie: l’amour de Dieu pour nous et la possibilité de vivre «en amour» avec les autres.

b) Une expérience qui a deux objectifs

Ces deux objectifs sont la conversion personnelle et la transformation des milieux par l’Évangile. C’est toujours ces deux objectifs qui reviennent, qui sont un peu comme les funambules qui marchent sur une corde raide, avec une grande tige dans les mains: la conversion personnelle et la transformation des milieux, c’est comme les deux bouts de la perche! Si tu oublies un des deux, ça dérape, tu bascules, tu tombes dans le vide : par exemple, si tu oublies ta conversion et si tu ne penses qu’à conquérir un milieu, à recruter bien du monde dans tel milieu donné. C’est l’expérience qu’on a vécue à un moment donné dans un pays du Sud. On s’était dit : il faut pénétrer le Gouvernement; et on était entré tellement fort dans le Gouvernement qu’on ne pouvait plus obtenir aucun poste si on n’était pas cursilliste! Par contre, cela n’a pas changé grand-chose dans la politique parce que les gens en place avaient oublié de se convertir! 

c) Une expérience, deux objectifs, enfin trois étapes

Les trois étapes, vous les connaissez, ce sont le précursillo, le cursillo et le postcursillo. Les trois sont importantes car elles sont comme les maillons d’une chaîne. Et vous savez qu’une chaîne n’est pas plus forte que le plus faible de ses maillons. C’est vrai pour une chaîne de métal comme pour une chaîne stéréophonique; en effet, si les enceintes acoustiques ne valent pas cher, tu auras beau avoir un ampli de 500$, il ne pourra pas faire sortir le son. Le Cursillo fonctionne un peu comme ça. 

La première étape, le précursillo, c’est comme la table tournante. Il faut que le candidat puisse entendre le disque. S’il est sourd, s’il est bloqué par de gros problèmes, il ne sera même pas présent et il ne se passera rien! La deuxième étape, le Cursillo, c’est comme l’amplificateur, parce qu’il faut amplifiée la Bonne Nouvelle de Jésus Christ. Puis, la troisième étape, le postcursillo, peut se comparer aux caisses de son : il faut que ça éclate, il faut que ça réveille. Pour cela, il faut d’abord se réveiller si l’on veut réveiller les autres. 

Voilà, de façon rapide et nécessairement limitée, ce que me semble être le : «1, 2, 3, 4, faut que l’Évangile éclate!», ou les différentes dimensions du Mouvement d’après les IFMC. En plus, les IFMC proposent trois outils : le Groupe, l’Ultreya, l’École de formation. On parle très peu de celle-ci. C’est sûr que ce n’est pas le barème premier. Pourtant si vous remarquez dans les IFMC, on consacre autant de pages à l’École qu’on en consacre aux autres phases du Mouvement. Ce qui veut dire c’est quand même important. Mais on l’a oublié, parce que c’est complètement à la fin du volume et on est découragé rendu là!  

Pour la découverte de ces outils, c’est comme si, à un moment donné, on avait perçu des besoins. On se disait: D’accord, il faut transformer les milieux, mais pas tout seul, c’est mieux en groupes. Ensuite, on a senti que le groupe s’essoufflait, qu’il manquait de ressourcement, et voilà, on a créé l’Ultreya, la rencontre des groupes. Enfin, même avec les Groupes et l’Ultreya, on a senti qu’on n’allait pas assez profondément dans l’Évangile, qu’on manquait de moyens pour travailler dans les milieux, que l’horizon se rapetissait… on a pensé alors à une forme d’école de formation. C’est comme si l’on sentait le besoin d’inventer au fur et à mesure nos outils. 

Voilà pour la première partie, concernant le Mouvement.

Maintenant je voudrais m’attarder sur les IFMC, en vous donnant rapidement un court traité que j’intitule : 


B. Le bon usage des IFMC

a) Il est toujours important de comprendre le contexte historique dans lequel est né le Cursillo. On le fait pour les Évangiles et pour l’ensemble de la Bible, pourquoi ne le ferait-on pas pour les IFMC? Autrement dit, pourquoi n’en ferait-on pas une exégèse? C’est d’autant plus nécessaire qu’il s’agit d’une traduction, comme la Bible. Si on avait demandé à une autre personne qu’à Loyola Gagné, on n’aurait pas du tout le même texte. C’est exactement comme pour la Bible : nous avons la TOB, la Bible de Jérusalem, etc. Pourquoi? Parce que le langage, c’est quelque chose de vivant, de personnel à une personne, et ça change avec le temps. Ayons donc un certain regard critique dans notre lecture des IFMC. 

b) On devrait également être capable de différencier les niveaux d’importance. Quand je lis les IFMC, il se passe exactement comme lorsque je lis saint Paul: s’il me parle de la résurrection de Jésus, c’est bien plus important que lorsqu’il demande aux femmes de mettre un voile dans les assemblées! C’est la même chose pour les IFMC. Quand on parle de la finalité et des objectifs du Mouvement, c’est plus important que lorsqu’on parle de la stratégie. Celle-ci n’est qu’un outil pour l’obtention de la fin. Ce qui est important, c’est la fin! 

c) Le troisième élément dans le bon usage des IFMC, c’est d’être capable de les confronter aux valeurs d’aujourd’hui. Qu’est-ce que l’on vit actuellement? Quels sont les besoins de notre société? Il faut être attentifs à cela quand je lis les IFMC. Je dois les confronter constamment à ma lecture du monde actuel. Vous devez faire comme l’un de mes confrères qui disait: «J’ai toujours deux livres devant moi, le Nouveau Testament et le Journal; le premier pour savoir ce que me dit Jésus par sa Parole, et le deuxième pour savoir ce que me dit Jésus par les événements!» 

Ceci termine notre premier bloc sur le Cursillo et nous introduit parfaitement au deuxième, sur le monde.

 

2. Le monde qui vient


A. La société actuelle

Pour aider à saisir ce qu’est notre société, je me permets de recourir à une grille qui a été conçue par un jésuite latino-américain qui a essayé de voir notre société actuelle en la comparant à ce qu’elle était jadis; et le P. Julien Harvey, s.j. a adapté cette grille pour chez nous. Rapidement on va essayer de voir quel est notre monde. Vous allez remarque comment, sur certains points, le Cursillo était en avance sur son temps.

a) La mentalité dominante

Jusqu’en 1965, on vivait dans un univers objectif, c’est-à-dire que l’univers était là et qu’on ne pouvait pas le changer. On affirmait alors : «Il y aura toujours des riches et des pauvres; la liturgie, on touche pas à ça; l’Église ne changera jamais» Ou encore : «On est né pour un petit pain, y’a rien à faire!». Donc l’univers est là et on n’y touche pas: c’est à toi de t’adapter! Après 1965, on passe à un univers subjectif, et ce qui devient important, c’est l’être humain, la personne. On se passionne pour le «moi». Puis, à partir de 1980, on découvre que c’est le social qui a de l’importance, la construction de la société, la revendication des groupes de base, les consultations à tous les niveaux…

b) Les valeurs

Autrefois, les valeurs étaient données de l’extérieur: «Tu sauras mon jeune que quand on se marie, c’est pour la vie! Tu sauras qu’il faut aller à la messe le dimanche et respecter le curé!» Alors il n’y avait qu’une chose à faire: fermer sa g… et obéir! Ton père savait comment vivre et M. le curé seul savait tout ce qui était péché. Dans les années 65, les valeurs ont commencées à être choisies par moi. Ce qui était bon pour moi, je le gardais; et ce que je ne jugeais pas bon pour moi, je le laissais. Aujourd’hui, on refuse les discours qui tournent à vide; on affirme que les seules valeurs sont celles qui sont incarnées. 

c) Le souci dominant

Dans le passé, le souci dominant pour les éducateurs ou les personnes en autorité, c’était de conserver le dépôt – selon l’expression de s. Paul – et le transmettre intact, sans y changer la moindre virgule. Dans les années 65, le souci dominant a été : il faut s’épanouir, il faut que je sois moi-même, que je communique avec mes forces intérieures. On a eu toute une marée de groupes et de thérapies (PRH, Écoute ton corps, etc.) ; il fallait découvrir son moi. Après 1980, le souci dominant c’est de transformer la société et la personne, c’est de transformer les structures de la société pour qu’elle soit attentive aux personnes et leur permette de s’épanouir. Voilà l’état de la société. Et l’Église en tout ça? Ce sera le sujet du paragraphe suivant.


B. L’Église

Autrefois, l’Église était traditionnelle, La sûreté de la foi, c’était de «conserver le dépôt», refaire ce que les ancêtres avaient fait. Tout était réglé dans les moindres détails: aucune place pour l’imagination et la liberté. Il y avait des lois et il fallait que les fidèles s’enlignent. Après le Concile, en 1965, l’Église a pris un énorme virage. D’accord avec la Bible, elle annonce que Jésus est venu rendre les gens heureux. Alors elle cherche les meilleurs chemins pour y parvenir. L’Église, elle aussi, ne se tourne plus vers la loi, mais vers la personne. Vers les années 80, on a dit: «C’est bien beau la personne et dire que tout le monde, il est beau, il est gentil, mais l’Église doit être prophétique, elle doit interpeller et dénoncer». Elle ne doit pas avoir un discours à gauche et un agir à droite; son agir doit correspondre à son discours. Dans le secteur de la justice, il faut faire quelque chose, il faut qu’elle s’implique. Et cela a été beaucoup plus fort en Amérique Latine que chez nous. On a qu’à penser au sacrifice d’Oscar Romero… 

Vous voyez déjà, par ce qui précède, comment le Cursillo a été innovateur en cherchant à transformer les milieux. Mais qu’est-ce qu’on entend par milieu? 


C. Les milieux

Dans le bulletin De Colores d’octobre 83 (# 7, p. 3), il y a un article absolument passionnant d’Eduardo Bonnín, intitulé: «Les Cursillos, une force encore inexploitée». Et c’est absolument vrai, le MC parmi nous est loin d’avoir donné toute sa valeur. Au sujet des milieux, voici ce qu’Eduardo en pense. Selon lui, ce ne sont pas des éléments structuraux qui déterminent l’être, l’état ou la dynamique des milieux, mais la communication entre les personnes. Ce qui veut dire que ce qui fait un milieu, ce n’est pas d’abord une structure de travail ou de loisirs, ni même une structure socio-culturelle. Ce qui fait un milieu, ce sont les personnes qui gravitent autour de toi. Ceci est à retenir, car lorsqu’on parle de milieu, on est toujours porté à penser «milieu de travail». Faisons donc attention pour ne pas réduire le concept de milieu seulement à notre milieu de travail, et en conséquence, que nos petits groupes ne soient pour nous que des groupes qui se réunissent au travail. 

À ce niveau-là, je pense qu’il ne faut pas glisser trop vite vers le diagnostic suivant: «Si on es insatisfait du Cursillo, c’est parce qu’on n’a pas de petits groupes; organisons des groupes et ça ira mieux!» Ce n’est pas sûr! Personnellement, je me demande si l’insatisfaction que l’on ressent n’est pas tout simplement la résistance humaine à l’Évangile; qu’on ait des Groupes, des Ultreyas, des Écoles de n’importe quoi, il y aura toujours une résistance du cœur humain face à l’Évangile. Rappelez-vous la parabole des hommes écrasés par la tour en construction: «C’est un signe qui vous est donné, dit Jésus, convertissez-vous sinon vous allez périr de la même manière». Tout au long des évangiles on sent cette résistance à se convertir. On résiste même à Jésus Christ. C’est donc un problème du cœur humain et non pas de structures. Ce n’est pas nécessairement parce qu’on n’a pas de Groupes que les gens s’engagent moins. Demandons-nous plutôt comment faire pour convertir davantage les cursillistes à l’Évangile: voilà la vraie question! 

Quand on parle de milieu, il arrivera à un moment ou l’autre qu’on va en privilégier un. Ce sera un milieu important pour nous, que j’appellerais un «milieu-noyau». Un milieu à partir duquel on va vers les autres milieux, un peu comme le soleil autour duquel tournent les autres planètes. Or je pense que pour nous, dans notre société – et ici je lance une hypothèse! – le milieu-noyau a été le milieu de travail; par exemple, ceux qui travaillaient à la ferme. Je me souviens avoir parlé avec des gens qui disaient: «On travaillaient tellement fort qu’on n’avait pas le temps de faire autre chose». Tout dans la vie de ces gens-là gravitait autour du travail de la ferme. Si on avait des enfants, c’était à toute fin pratique pour la main d’œuvre. Tout le monde devait donner un coup de main. Le jeune allait à l’école, mais c’était… de reculons, c’était «une perte de temps»! Souvent on le retirait après sa 5e ou 6e année. Le «socioculturel» c’était de s’unir à d’autres cultivateurs pour savoir comment te faire une place sur le marché, etc. Et cela se passait ainsi également au niveau de la foi. La foi, on la vivait en relation avec son travail : on demandait à Dieu de bénir les champs, car on comptait uniquement sur Lui pour survivre. 

Tout gravitait autour du travail, et je pense que cela valait aussi dans les villes. Dans les années où on travaillait de 10 à 12 heures par jour dans les shops, alors qu’on était payé presque rien. Le seul loisir, c’était de se réunir avec les autres gars de la shop pour aller prendre une  bière à la taverne du coin. Pour ceux qui ont vécu à Montréal, rappelez-vous le temps des fameuses «Shops Angus». Et ce système-là existe encore, au Japon par exemple : l’ouvrier qui travaille chez Sony, fait partie de la famille Sony et va mourir chez Sony, car Sony va lui offrir une pension, des endroits pour prendre ses vacances avec sa famille, etc. Tout gravite autour du travail. 

Mais la question que je me pose, est-ce que cela existe encore de nos jours? Est-ce qu’on peut dire que le milieu de travail c’est le milieu-noyau autour duquel graviteraient tous les autres?  Je ne suis pas porté à le croire. Au contraire, j’ai l’impression que l’on s’éloigne de cela. Vous n’avez qu’à regarder la différence des horaires : quand nos pères travaillaient dans une usine, ils se rendaient parfois jusqu’à 60 heures, facilement. On est maintenant rendu à une semaine de 40 heures et en certains endroits, 35; on s’en va vers la semaine de quatre jours. C’est presque seulement 50% de ton temps! 

Il me semble que le milieu-noyau, aujourd’hui, je l’identifierais comme étant la «cellule affective», c’est-à-dire l’endroit où tu retrouves les personnes avec lesquelles tu vis une certaine intimité. Cela peut être un couple, une famille élargie, une communauté religieuse, un cercle de voisins ou d’amis, etc. Chacun de nous possède une ou plusieurs «cellules affectives» où il va se retremper. Ta cellule affective sera donc l’endroit où tu vis des choses importantes. Le matin, tu vas travailler – car pour un certain nombre – c’est pour rapporter de l’argent à la maison; ton milieu de travail t’intéresse en autant qu’il te donne un chèque! Alors, tu pars de ton milieu affectif, tu rejoins ton milieu de travail, puis tu reviens à ton milieu affectif. Même les loisirs, tu vas essayer de les prendre avec des gens que tu aimes et pas avec n’importe qui. Si tu veux organiser une partie de cartes ou de la planche à voile, tu vas inviter des gens avec qui tu te sens bien. Il se peut que tu aies l’audace d’aller dans un CLSC, comme membre du comité de gestion, si tu te sens appuyé par ton milieu affectif… 

Même au niveau de la foi, il y a ce genre de déplacement. Autrefois, le seul lieu de la foi c’était la paroisse. Maintenant, on s’aperçoit que ce n’est plus cela, ni même l’école. Pensez à tous les efforts qui se sont faits dans le domaine de la catéchèse pour que le cheminement de foi des enfants se fasse dans leur milieu affectif. Voyez-vous le virage qui s’est fait? 

Un autre point encore. Je détecte un piège dans les IFMC lorsqu’on nous dit de ne pas sortir les gens de leur milieu. Il faut bien le comprendre! Il est vrai qu’on ne doit pas sortir les gens du milieu proche d’eux, comme la famille, le travail, la paroisse, etc. Mais de nos jours, le milieu, il s’appelle aussi la planète : c’est l’univers entier qui est mon milieu. Je sais ce qui se passe en Éthiopie, la journée même, et il faut que je fasse quelque chose. C’est devenu mon milieu: les frontières ont sauté! C’est en ce sens qu’on doit sortir de son milieu si on veut que le MC soit dans le monde qui vient… 

Je termine cette partie en vous confessant mes deux tentations. La première, celle de choisir entre l’ordinateur et la fleur. Cela veut dire que notre tentation à nous autres, nord-américains, c’est d’être des gens efficaces. Nous avons le goût de calculer, de faire des statistiques, de «computer»! Que nous aimerions donc ça, avoir un beau gros chiffre qui nous dirait combien nous avons réussi dans le Mouvement, combien il y a de milieux précis qui ont été transformés. Rappelez-vous le roi David: il a voulu faire le recensement de son peuple. Dieu lui a dit: «Tu n’as pas d’affaire à faire cela». Pourquoi? parce que le peuple, il appartient à Dieu, c’est Lui qui le bâtit, c’est Lui qui le sauve, pas le roi…

Il me semble que dans toutes nos discussions, il faut partir bien plus de la vie (la fleur) que de la stratégie (l’ordi). Il faut être insatisfait bien plus pour avoir manqué à un engagement que pour avoir failli à un règlement! 

Et voici ma deuxième tentation : abandonner les espadrilles pour reprendre les pantoufles. Bien sûr, au bout de tant d’années de Cursillo, quand on a organisé un diocèse et qu’on peut dire avec fierté: «Tout va bien, la machine ronronne, on a atteint notre vitesse de croisière», alors tu mets le pilote automatique et tu vas chercher tes pantoufles! Voilà une très grande tentation. Combien de Mouvements ont crevé parce qu’ils ont troqué leurs espadrilles pour des pantoufles. Ils se sont «installés», ils ne se sont plus questionnés et finalement, ils sont morts de leur belle mort. Pour nous aussi, c’est important de nous remettre en question pour essayer d’aller plus loin. La seule solution, garder nos espadrilles! Rappelez-vous le dicton : «Au Cursillo, on respecte le cheminement, mais pas le stationnement!»

 

Conclusion 

Je connais un cursilliste dans le bout d’Iberville, un gars instruit qui connaît la théologie et a même lu Theillard de Chardin (il est belge), et je lui ai dit : «Paul, j’aimerais ça avoir ton idée sur ce petit livre», et je lui ai remis les IFMC. Plus tard, il m’a envoyé sa réaction et c’est ce que je vous livre, telle quelle – même si elle est un peu brusque – en guise de conclusion. 

«Je trouve que ce livre ressemble à un manuel d’armée: trop de détails, pas assez de foi, de mystique, alors que l’Évangile est une source d’amour et de fraîcheur qui nous est proche par absence de structure. Je gage que si on le présentait à tous les néo-cursillistes, il y en aurait qui n’auraient aucune réaction. Alors que le Cursillo est une école d’Amour, l’Amour avec un grand A qui réunit tous les autres. Jésus s’est-il occupé de stratégie et de fiscalité? Il s’est préoccupé d’aimer son Père et nous. Et il nous l’a dit en mots très brefs. Et il nous l’a montré en des gestes plus simples encore. Dire aux hommes la grande réalité de la résurrection, la présence de l’Esprit et de l’Amour en tout être humain, comme un germe à développer, dire la présence de Dieu dans l’amour des hommes, prêcher sa miséricorde, être soi-même amour et présence: voilà l’important! Le geste vaut mille mots. Jésus nous demande de nous laisser faire, de nous laisser envahir par son Esprit. En somme, des 226 pages du livre, j’en retiendrais 22 seulement, pleines d’amour et d’Évangile… Tu vas me prendre pour un contestataire. C’est que je crois que le Cursillo ne peut pas être un encadrement réservé. Il est l’occasion d’une renaissance, d’une redécouverte. Mais tout cheminement est complexe, toute âme a son mystère. Elle est l’œuvre de Dieu et de l’homme ensemble. Il faut s’y mettre à genoux, comme devant la crèche. Il faut y apporter une présence qui va se multiplier. Dans le territoire inviolable de notre moi, c’est là qu’a lieu la rencontre avec Celui qui nous en donne la conscience et fait de nous une personne unique. Toute naissance se fait dans l’amour, elle est le fruit de notre don intérieur. En conclusion, ce qui se dit, ce qui se vit en marge d’un Cursillo est encore plus important que le «petit cours» lui-même!»

De Colores!