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Formation
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La communion comme forme de vie dans le MC.

par le P. José Gilberto Beraldo

 

Mgr José Gilberto Beraldo

 

Les 2 et 3 avril 2006, en Espagne, avait lieu la Rencontre nationale des dirigeants du MC, où l’on avait invité celui qui était alors l’Animateur spirituel de l’OMCC, le P. José Gilberto Beraldo, du Brésil, à donner un rollo. En voici le texte, dont la conclusion mérite notre attention.

 

Première partie : Ce que n’est pas la communion.

  • Elle n’est pas une simple coopération. La coopération est un acte transitoire et non une attitude permanente. La coopération peut être un signe de solidarité qui n’est pas encore une pleine communion. Une simple coopération n’exige pas un renoncement total ni un don entier de soi-même et de ce que l’on possède.
  • Elle n’est pas une compréhension superficielle qui ne pénètre pas à l’intime de la personne, mais au contraire, peut souvent susciter des équivoques. Normalement, chacun juge les autres à son image et ressemblance.
  • Elle n’est pas uniformité ou pensée unique : ce qui survient quand on n’arrive pas à avoir une vision globale de la réalité en chaque situation spécifique, soit des personnes ou des régions, soit des différentes cultures ou idiosyncrasies. Avec une attitude de ce genre on court le risque de briser l’unité. Malheureusement dans le MC à l’heure actuelle, à cause d’une fausse conception de l’unité, on fait face à un risque imminent de rupture et de division.
  • Elle n’est pas résistance au pardon mutuel, soit par orgueuil, vanité, amour-propre, ou encore par une affirmation de personnalité mal comprise.
  • Elle n’est pas manque de respect de ce qui a été décidé. Il arrive souvent que nous nous retrouvons dans des situations de rupture et que nous refusons d’obtempérer aux décisions prises, sous prétexte que nous avions voté contre des propositions qui avaient été approuvées par la majorité. Il y a pire encore quand on incite les autres à ne pas se rallier à la communion.
  • Elle n’est pas manque de dialogue entre les frères, à cause de différents points de vue, de l’incompréhension pour les situations vécues par l’autre, des mentalités opposées, du rejet de tout ce qui est nouveau, comme si toute nouveauté était nocive et facteur de désintégration.
  • Elle n’est pas manque de communication. Bien que nous vivions dans une nouvelle culture de la communication, beaucoup d’entre nous sont encore dépourvus d’ouverture à cette réalité. Nous en avons la preuve dans le fait qu’il y a encore trop peu de réponses qui nous parviennent de nos communiqués, nos lettres, nos sondages, etc.
  • Elle n’est pas une lecture distorsionnée des Statuts de l’OMCC. À cause de plus de 50 ans sans approbation canonique, le MC s’est laissé envahir par son caractère diocésain – qui n’est pas mauvais en soi, mais qui est limitatif dans le contexte d’une culture de globalisation – et cela a conduit à un isolement général. Et l’isolement est le pire ennemi de la communion.
  • Elle n’est pas un groupe fermé sur lui-même, là où la réunion est plus importante que le groupe. Il lui manque l’esprit communautaire même si la réunion est hebdomadaire.
  • Elle n’est pas une mentalité relativiste et égoïste. Car voilà l’une des caractéristiques les plus nocives de la culture contemporaine: «si c’est bon pour moi, peu importe que ce ne le soit pas pour les autres!». Cette mentalité empêche toute communion. De fait, elle est très éloignée de l’esprit communautaire, et par conséquent, de la forme de vie du chrétien, et a fortiori du cursilliste.

 

Deuxième partie : Ce qu’est vraiment la communion.

La communion est un don, un cadeau que Dieu fait à l’Homme, à la communauté ecclésiale. Étant un don, il nous incombe de le cultiver jalousement pour qu’il croisse, se développe et construise le Corps du Christ. En disant développement, nous pensons au développement de la communauté, nous pensons à rendre la communion effective dans la communauté au moyen d’une triple participation: de son être, de son avoir et de son savoir. En vertu de la grâce, les chrétiens vivent la communion des saints: ils sont les sarments greffés au Christ, la vraie vigne, convertis par Lui en une réalité vivante et vivifiante. Il est impérieux, par conséquent, de construire la communion. On la construit, pas à pas, par des renoncements quotidiens, dans la pleine acception du projet de Dieu. Le chrétien qui n’est pas immergé dans la Trinité par la grâce n’a pas les conditions nécessaires pour construire la communion.

L’Église est communion avec le Père, fleurissant en communion fraternelle, communiquée par le baptême et surtout par l’Eucharistie, au moyen de l’Esprit du Christ qui ayant été livré pleinement à notre humanité, est ressuscité pour nous communiquer (faire communion, communier à) sa vie trinitaire. On construit donc la communion lorsqu’on accepte sans réserve Jésus – chemin, vérité et vie – et lorsqu’on cherche à suivre la même route proposée par Lui, et que l’on fait de la communion avec Lui et les frères, un nouveau projet de vie.

Si nous cherchons à découvrir toute la richesse contenue dans les Évangiles, nous ne rencontrerons aucune difficulté concernant la communion-unité. La synthèse parfaite c’est l’amour. Une fois que nous aurons compris ce que signifie l’amour dans toutes les dimensions proposées et vécues par le Christ, nous aurons alors pénétré au cœur profond du projet de Dieu pour l’humanité. Écoutons la réponse donnée par Jésus à un docteur de la Loi qui demandait: «Maître, quel est le commandement le plus important?» – Tu aimeras Dieu (Mt 22, 34-38). Mais ensuite, sans que personne ne lui demande, Jésus  ajoute : «Et il y a un autre commandement semblable au premier : tu aimeras ton prochain»  (Mt 22, 39-40). Je pense que cette référence suffit pour confirmer l’amour-agapè comme le cœur de la Bonne Nouvelle que Jésus est venu annoncer à l’humanité.

L’Eucharistie crée la communion, elle éduque à la communion. S. Paul révélait aux Corinthiens le contraste de leurs divisions lors des assemblées eucharistiques. En conséquence, l’apôtre les invitait à réfléchir sur la réalité de l’Eucharistie afin de les faire revenir à l’esprit de la communion fraternelle (I Cor 11,17-34). Mais l’intimité que procure la communion eucharistique ne peut se comprendre adéquatement ni s’expérimenter pleinement en dehors de la communion ecclésiale. C’est ce qu’a souligné maintes fois l’encyclique L’Église vit de l’Eucharistie : on ne chemine avec le Christ que dans la mesure où on est en relation avec son Corps, l’Église. Pour créer et soutenir cette unité, le Christ envoie son Esprit, et la promeut lui-même par sa présence eucharistique. C’est précisément l’unique Pain consacré qui fait de nous un seul corps. L’apôtre Paul l’affirme: «Nous sommes un seul corps puisque nous participons à un seul pain» (I Cor 10,17). Dans le mystère eucharistique, Jésus construit l’Église-communion, selon le modèle exprimé dans la prière du Jeudi Saint: «Comme Toi, Père, qu’eux aussi soient un en nous» (Jn 17,2).

Bien qu’elle soit un don de Dieu, la communion a quand même besoin d’être construite. Et construire la communion est tout un processus, c’est toute une école pour le disciple de Jésus. Dieu, en faisant un don, attend toujours la collaboration de ses créatures. C’est pour cela qu’Il les a créées à son image et ressemblance. La première tâche de l’Église, avant toute autre, c’est donc la formation du peuple de Dieu et la construction de l’unité-communion.

Troisième partie : La communion ecclésiale.

Rappelons-nous Christifideles laici. Il est regrettable que tant de chrétiens, pourtant membres de Mouvements catholiques, méconnaissent – ou pire encore – rejettent de pareils enseignements. Dans cette Exhortation de Jean-Paul II, l’idée de la communion ecclésiale est développée aux # 28 à 31. Le plus intéressant est le # 30 qui présente les cinq critères nécessaires pour reconnaître l’ecclésialité:

  1. Donner la primauté à la vocation de chaque chrétien à la sainteté.
  2. Confesser la foi catholique.
  3. En filiale relation avec le Pape et l’évêque du lieu.
  4. Participer à la fin apostolique de l’Église.
  5. Présence dans la société qui soit au service de la dignité intégrale de l’Homme.

En conséquence, tout Mouvement qui se définit comme Mouvement d’Église et ne réalise pas ces cinq critères, ne peut plus se définir ainsi. L’Exhortation poursuit: «Tous nous sommes obligés de favoriser et d’alimenter continuellement des relations fraternelles d’estime, de cordialité et de collaboration entre les diverses formes associatives. C’est seulement de cette manière que la richesse des dons que le Seigneur nous offre pourra produire toute son efficacité et contribuer à l’édification de la maison commune. Pour y arriver, il est nécessaire que l’on rejette tout esprit d’antagonisme ou de dispute et que l’on vise plutôt à l’estime mutuelle (Rom 12,10), à l’affection réciproque, à la volonté de collaborer…»

Parce que nous sommes humains et limités, et malgré notre indéniable vocation à la sainteté, nous avons conscience de l’inévitable réalité des conflits occasionnés par les différences de mentalités, par des critères variés pour juger ou évaluer les autres. Déjà, ce fut un dilemme pour Paul que de régler la division entre les frères d’une même communauté. Les Mouvements aussi sont sujets à de pareils conflits, à ce constant état de tension dans la mesure où l’un veut dominer l’autre, ou veut être meilleur que l’autre, où tous veulent être les décideurs et pas seulement des participants passifs. L’envie, la jalousie, le mensonge, les jugements hâtifs ou téméraires, tout cela apporte du sable dans les rouages des Mouvements.

Comment alors parvenir à surmonter ces conflits, ces divisions et – dans les cas extrêmes – ces schismes? Quelles sont les solutions chrétiennes que nous avons? Voici quelques chemins dans le long processus de conversion à la mentalité communautaire:

  • Faire de l’expérience du Dieu Trinitaire, un vécu.
  • Prière persévérante, personnelle et communautaire.
  • Fréquentation des sacrements, spécialement de l’Eucharistie.
  • Partage communautaire: réunions de groupe, Ultreyas, noyaux dans les milieux, les écoles de formation, etc.
  • Pratique constante de la solidarité.
  • Effort persévérant de concrétisation du charisme originel du MC, tel qu’exprimé dans les Statuts de l’OMCC.

Quatrième partie : La communion dans le MC.

L’École du MC est le lieu privilégié de la communion dans le Mouvement. Sans un climat d’école, c’est-à-dire sans une atmosphère de partage permanent – même en dehors des heures de l’école – on ne peut construire la communion et, par conséquent, il n’est pas possible de faire progresser le MC, car l’École, à ce moment-là, ne sera rien de plus qu’une obligation hebdomadaire, ou pire encore, une routine fastidieuse. Au sujet de cette École des responsables du MC, il y a de riches numéros dans les IFMC, du # 530 à 573, pour nous définir ce que doit être cette École, génératrice de communion.

Le MC, comme forme de vie. Toutes les formes de vie ne se concrétisent que dans des expériences personnelles. Pour les chrétiens, c’est une expérience de Dieu, une expérience mystique. Mais ceci me pose à la fois une inquiétude et une interrogation. Commençons par l’interrogation. Est-ce que le MC possède une spiritualité propre? Quelle serait la spiritualité (expérience de Dieu) que doit vivre le cursilliste? C’est cette question qui m’amène une inquiétude. La voici.

Nous avons l’habitude d’affirmer dans le Mouvement que le cursilliste doit vivre la spiritualité normale du chrétien. Pourtant, dans notre monde d’aujourd’hui (de subjectivité et d’identité), quelle image envoie à l’Église et au monde un Mouvement comme le nôtre qui déclare ne vivre que la spiritualité même de n’importe quel chrétien? Je dirais au contraire que le MC possède sa propre spiritualité et la propose à ses membres pour qu’ils puissent vivre une expérience mystique singulière, et pour qu’ils puissent s’identifier, comme cursillistes, au sein de l’Église. J’affirme donc, avec conviction, qu’il faut à tout prix racheter – s’il en est besoin – cette spiritualité. En effet, tous les Mouvements actuels trouvent leurs liens de communion dans le partage de leur spiritualité propre. La spiritualité entendue comme expérience mystique propre au MC sera un signe de la communion du Mouvement et les cursillistes trouveront en elle les éléments communs pour leur identification dans l’Église, Peuple de Dieu. En fait, ce serait un appauvrissement lamentable que de nous identifier seulement par les deux mots: De Colores!

Je termine donc en brossant un tableau de cette spiritualité.

  1. Elle est centrée sur Jésus Christ, révélation de l’amour du Père envers ses enfants (Rom 8,39b), à travers l’action du Saint Esprit (Lc 4,18).
  2. Elle est nourrie par la Grâce – vie divine consciente, croissante et partagée (Jn 6,34-40 et 4,13-14) –  qui conduit à une réelle expérience (mystique) de Dieu.
  3. Elle engage dans un processus de conversion intégrale et progressive (Mt 5,48 et 18,3; Lc 1,17) dans le but de conduire les membres à la sainteté.
  4. Elle s’incarne concrètement dans la fermentation évangélique des milieux (Lc 13,21; Mt 5,14; I Cor 5,6; Gal 5,9).

 

Nous pourrions définir le cursilliste de la façon suivante :
Le cursilliste est un chrétien qui, mu par l’Esprit saint, cherche à vivre cette spiritualité dans la totalité de sa vie

  • En pérégrinant, en pleine communion avec la communauté ecclésiale, inséré dans les réalités de ce monde à la recherche de la patrie future (Hb 13,14-16).
  • En suivant Jésus Christ (Mc 10-21 et Mt 16,24), se laissant imprégner de sa Grâce et en la partageant (Jn 10,10; 15,13; 20,31), et en faisant, de ce fait, une expérience personnelle et profonde du Dieu qui donne sens à la vie.
  • En vivant un processus de conversion permanente, nourri abondamment par la Parole de Dieu, la prière et les sacrements (Mt 4,4; Jn 8,51 et 6,35), qui le conduira, progressivement, à la sainteté de vie (Mt 5,48; Rom 1,7).
  • En témoignant la Bonne Nouvelle dans ses milieux (Lc 24,48; Ac 1,8; 2,32), engagé avec les frères et sœurs dans l’amour, la justice, la fraternité, la solidarité et le pardon; uni en petites communautés de foi et d’amitié (Mt 18,20; Mc 6,7); de façon à développer dans ces groupes les valeurs évangéliques (cf. Evangelii Nuntiandi, 18-20), comme ferment (I Cor13,21; Gal 5,9), comme sel (Mt 5,13; Mc 9,50; Col 4,6), et comme lumière (Mt 5,14; Lc 11, 35-36; Jn 8,12), de façon inculturée (Christifideles laici, 44; Evangelii Nuntiandi, 18-20), appuyé sur le trépied : prière, formation, action.