par Roger Gauthier, o.m.i.
Les persécuteurs de Jésus avaient hâte que tout soit terminé. Le coup d’éclat que nous souhaitions secrètement de sa part, eux le redoutaient. Plus vite il serait mort, plus vite ils seraient assurés que Jésus ne s’en tirerait pas. Mais il y avait aussi que la Loi (Dt 21, 22-23) ne permettait pas de laisser un cadavre exposé en public le jour du sabbat. Ils demandèrent à Pilate de faire briser tout de suite les jambes aux trois crucifiés pour être sûrs qu’ils soient décédés et pour les faire disparaître. Des soldats furent donc envoyés au Golgotha. Ils brisèrent les jambes des deux compagnons crucifiés avec Jésus, mais puisque celui-ci était déjà mort, ils le laissèrent intact. Cependant l’un d’eux voulut prendre une dernière précaution : il le frappa dans le côté avec sa lance. Aussitôt il en sortit du sang et de l’eau. Ce fut une surprise incroyable pour nous tous qui l’avions accompagné. Pourtant j’ai vu de mes yeux et j’en témoigne; et je certifie que mon témoignage est strictement conforme à la vérité. Plus tard, j’ai compris que ces gestes étaient annoncés dans les Écritures: « Pas un de ses os ne sera brisé » (Ex 12,46) et « Ils verront celui qu’ils ont transpercé (Za 12, 10) ».
Pendant tout ce temps, quelqu’un d’autre était allé trouver Pilate au sujet de Jésus : c’était Joseph d’Arimathée, un homme à l’aise financièrement qui avait toujours fait confiance à Jésus. Jusque là, il ne l’avait pas manifeté par crainte des pharisiens qui menaçaient d’exclure de la synagogue les amis de Jésus. Curieusement, le Jésus mort lui donna le courage qu’il n’avait pas montré quand Jésus vivait. Il se rendit chez Pilate demander la permission de mettre le corps de Jésus dans le tombeau qu’il s’était réservé pour lui-même. Pilate acquiesça et Joseph d’Arimathée s’empressa de rejoindre le Golgotha où ne restaient plus maintenant que les personnes attachées à Jésus.
En même temps un autre ami secret était arrivé, c’était Nicodème, celui qui était venu rencontrer Jésus au cours d’une nuit. Plus tard, il avait essayé de le défendre quand les pharisiens avaient décidé de le faire mourir, mais on l’avait accusé de trahir la Loi. Cette fois, il arrivait pour l’embaumement de Jésus avec une grande quantité de myrrhe et d’aloès, plus de trente kilos. Pendant que nous préparions le corps pour le mettre au tombeau, chacun revivait dans un lourd silence nostalgique les souvenirs les plus intimes de ses rencontres avec Jésus. Au cœur de ce drame, Marie incarnait pour nous la force même de Jésus devant sa passion : elle nous soutenait sans faire attention à sa souffrance et s’occupait de tout pour la mise au tombeau de son fils. J’avais l’impression qu’elle continuait simplement d’aimer Jésus comme s’il vivait encore et de nous accompagner comme lui, l’avait toujours fait dans les moments difficiles. À moi, elle parlait avec tant de douceur comme si j’étais pour elle aussi le disciple bien-aimé. C’est Marie de Magdala qui semblait la plus dévastée : elle ne se décidait plus à quitter le tombeau pour la nuit.
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