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Message aux cursillistes

Rencontre avec Mgr François Lapierre, évêque de St-Hyacinthe

Rencontre avec Mgr François Lapierre.
Rencontrer Mgr François Lapierre, évêque de St-Hyacinthe, c'est vivre un instant privilégié où l'on découvre une belle simplicité et une grande piété. C'est un homme plein d'espérance malgré certains problèmes que vit l'Église d'aujourd'hui; espoir appuyé sur la vocation des laïques dans le Cursillo, porteurs du message évangélique.

 


AEC: Monseigneur, connaissez-vous le mouvement Cursillo?

 

MGR: Oui, je connais le mouvement Cursillo depuis 1967 ou 1968 alors que j'étais au Pérou. L'évêque de mon diocèse m'a dit: "Cette fin de semaine-ci, il y a une retraite d'un style spécial, ça s'appelle le Cursillo, est-ce que tu pourrais y aller?" Et j'y suis allé. J'ai fait le Cursillo. Il y avait une cinquantaine de participants. Au Pérou, le cursillo était pour des gens qui étaient soit ministres ou le maire de Lima. Ça m'avait donné l'impression, au début, que le cursillo visait davantage l'élite, mais j'ai découvert que, pour beaucoup de personnes, cette fin de semaine avait été l'occasion de retrouver le sens de la foi et de commencer une vie nouvelle. Par la suite, j'ai eu l'occasion de voir le Cursillo dans d'autres endroits du Chili où là c'était plutôt relié avec la classe populaire des gens ordinaires et j'ai trouvé ça très bien. Depuis ce temps, j'ai eu l'occasion de me familiariser avec le mouvement et l'an dernier j'ai accompagné, ici à Montréal, un groupe de cursillistes latino-américains.

 

AEC: Quelle est votre vision de l'avenir du cursillo dans le diocèse et dans l'Église en général?

 

MGR: Je pense que chaque mouvement doit évoluer et s'adapter à la réalité dans laquelle il se trouve. La fin de semaine du Cursillo est un temps fort offert pour découvrir la foi. Alors comment faire pour rejoindre non seulement les gens qui sont proches de l'Église, mais aussi les brebis plus éloignées. Je vous avoue que pour moi, c'est un peu ma préoccupation. Je pense que le Cursillo peut évoluer dans un sens missionnaire et rejoindre des gens qui ne sont pas nécessairement dans l'Église aujourd'hui. Comment aider ces gens à redécouvrir la beauté de la foi? Comment les aider à redécouvrir que l'Église, finalement, est une service pour vivre, c'est-à-dire pour mieux vivre une vie plus heureuse, une vie de meilleure qualité. Beaucoup de gens actuellement, pour diverses raisons, se retrouvent parfois isolés. Alors, comment leur offrir une communauté? Moi, ce que j'ai beaucoup aimé dans le cursillo, c'est cette chaleur humaine, la chaleur de la communauté, la fraternité. Alors, comment leur montrer que l'Église c 'est d'abord cette fraternité avant d'être une institution? Comment montrer l'Église comme étant une communauté où l'on peut y trouver l'Évangile qui vous procure une lumière et qui vous donne cette espérance de vivre?

 

AEC: Le Cursillo a-t-il sa responsabilité dans le renouveau de l'Église?

 

MGR: Alors, moi, je serais porté à me dire: "Comment faire pour que le cursillo puisse aider au renouvellement de notre Église?" Et je crois que le Cursillo est une formule très, très bonne pour effectuer ce renouveau, parce que ce qui m'a frappé entre autres, dans le cursillo, c'est l'importance accordée aux laïques. C'est un mouvement de laïques et ce sont les laïques qui aident à annoncer la Bonne Nouvelle à d'autres laïques. C'est certain, ce n'est pas tous les jours facile d'aller rejoindre les gens, mais par les échos que j'ai eu du Cursillo de la dernière fin de semaine auquel un jeune prêtre haïtien a pris part, je vous assure qu'il m'a donné d'excellents échos de ce Cursillo. Jean-Paul II dit que pour renouveler l'Église, il faut une ardeur nouvelle. Il y a des gens qui n'ont pas cette ardeur, mais je constate que le Cursillo permet justement de retrouver cette ardeur de croire aujourd'hui. Alors comment apporter cela dans la grande communauté? ça, c'est une question de vie.

 

AEC: Avez-vous confiance que le mouvement va durer, va continuer malgré une certaine diminution de ses membres, un peu à l'image de l'Église actuellement?

 

MGR: Les mouvements dans l'Église, c'est un peu comme les personnes: chaque mouvement apporte quelque chose de spécial. Et si le mouvement cursilliste est inspiré par l'Esprit Saint, et je crois qu'il l'est, il va durer. Je pense qu'il ne faut pas se laisser décourager. Les moments de baisse nous invitent à nous centrer sur l'essentiel et offrir un produit de qualité, pour employer une image un peu commerciale. Je pense que le Cursillo est un produit de qualité; alors, il ne faut pas avoir peur de le propager. Je crois que parfois nous avons peur de le proposer. Ici, au Québec, nous avons été habitués à vivre dans une mentalité de chrétienté. Par la suite, nous nous sommes fait dire que l'Église avait pris beaucoup trop de place dans notre société. C'est pourquoi parfois nous avons peur de proposer le cursillo en pensant que les gens ne seront pas intéressés. Mais moi je dis qu'il ne faut pas craindre de le proposer comme étant une école de spiritualité, une école de fraternité et non pas un ghetto, simplement un groupe fermé, mais au contraire, un groupe vraiment ouvert.

 

Mais vient ensuite la question de la persévérance dans le mouvement après avoir fait une fin de semaine Cursillo. Même dans les Actes des Apôtres, la persévérance est toujours une question de fond. Mais moi, quand je vois des personnes comme vous, je me dis que c'est sûrement un mouvement dynamique qui a de l'avenir.

 

Je vous avoue que j'ai une préoccupation et c'est le recrutement des jeunes. comment aller chercher les jeunes générations? Pas seulement les jeunes jeunes, mais je dirais les gens dans la trentaine. Comment rejoindre ces personnes? Les mouvements ont à s'adapter pour répondre aux attentes des gens de ces générations-là. C'est peut-être à cause de ma vocation missionnaire que j'ai beaucoup entendu parlé de l'importance de l'inculturation, c'est-à-dire que ce n'est pas tout de proposer la foi, il faut aussi qu'elle soit présentée en lien avec la culture des personnes à qui on la propose. Alors comment rejoindre les gens d'aujourd'hui, tels qu'il sont? Et comment aussi rejoindre les plus jeunes générations? Ça, je crois que c'est notre défi actuellement.

 

AEC: un défi pas facile à relever non plus.

 

Mgr: Pas facile, mais possible. Je crois que si les gens sentent qu'il y a un renouveau dans l'Église, que l'Église est un endroit où il y a de la vie, ils vont y venir.

 

AEC: On a parlé de persévérance tantôt?

 

Mgr: Dans les Actes des Apôtres on mentionne les quatre axes de la communauté: la prière, la catéchèse, la célébration et l'action. Mais souvent on oublie que ce chapitre 2 commence par "Ils étaient fidèles dans la prière et l'écoute de la Parole de Dieu. Or la persévérance est toujours un grand défi, que ce soit pour un couple ou finalement à tout niveau.

 

AEC: D'un point de vue plus personnel: où êtes vous né, dans quel milieu avez-vous vécu?

 

MGR: Je suis né à Bromont et j'ai grandi à Granby. Je suis le plus vieux d'une famille de dix, une famille normale. Mon père était un travailleur de la construction, ma mère enseignait. Dans ma famille, quelques uns sont proches de l'Église, la plupart sont plutôt éloignés et j'ai même des neveux qui ne sont pas baptisés. Je vois dans ma propre famille cette réalité de la transformation de notre société. Mais ce que je vois, c'est que baptisé ou pas, il y a des valeurs que nos parents nous ont transmis. Ces valeurs là, valeur de la famille, valeur de l'ouverture aux plus pauvres sont des valeurs très importantes. Nos parents nous ont habitué à nous ouvrir aux autres, c'est probablement pour ça que j'ai pensé à la mission; mon père donnait beaucoup d'importance aux pauvres. Le sport et la musique étaient aussi des valeurs importantes et nous avons souvent fait de la musique ensemble, en famille. C'est une grande richesse d'avoir un famille ou l'on trouve sa place et son milieu. C'est dans ce contexte, que d'une façon mystérieuse, quand j'ait terminé mes études classiques que j'ai hésité entre la médecine et la musique pour finalement opter pour les missions étrangères. Influencé aux hasards de rencontres avec des missionnaires qui parlaient des grands problèmes qui existaient dans plusieurs pays. C'était fin des années 50 et l'un d'eux avait mentionné qu'ici il y avait un prêtre pour mille catholiques tandis qu'au Honduras il y avait un prêtre pour 50,000 catholiques. J'ai choisi d'aller là-bas et je ne l'ai jamais regretté, ça m'a conduit un peu partout à travers le monde.

 

AEC: Vous savez que la prière dans le mouvement Cursillo c'est un point fort. Je pense que pour vous aussi la prière est importante. Dites-nous quelques mots sur la prière.

 

MGR: C'est sur, comme le dit Jésus, qu'il faut prier sans cesse. Et là, Jésus insiste énormément sur la persévérance dans la prière. Je vous de dis, sans la prière, on va pas loin. La prière est la force qui nous maintient. L'important n'est pas d'avoir quelques moments de prière, l'important c'est de prier sans cesse. C'est ça qui est le secret. L'expérience chrétienne de prier sans cesse nous amène a avoir une vision spirituelle de la réalité, c'est-à-dire à voir les rencontres avec les personnes, avec les événements, avec tout ce qui nous arrive, en toute occasion à trouver un sens à la vie car rien n'arrive par hasard; la prière nous habitue à voir tout dans une perspective spirituelle. Je crois que beaucoup de gens sont malheureux parce qu'ils ne comprennent pas trop ce qui leur arrive; ils sont frustrés, ils sont mécontents et alors ils développent de l'agressivité et ne trouvent plus de bonheur dans la vie.

 

AEC: Monseigneur, vous qui avez travaillé longtemps à titre de missionnaire avec tous ces gens de l'Amérique Centrale, comment réagissez-vous à ce désastre qu'est l'ouragan Mitch?

 

MGR: Cet événement tragique me touche beaucoup, je suis en communication constante avec l'évêque de Cholutéka, monseigneur Réal Corriveau au Honduras qui me décrit la situation comme très difficile et dramatique. Une calamité en attend une autre, la liste des morts et des disparus s'alourdit de jour en jour. Ce pays ne pourra s'en sortir sans une aide internationale massive. Je vois aussi un autre aspect de notre foi : un danger de se centrer sur nos petits problèmes et comment ouvrir les gens sur le sens de la pauvreté où une grande partie de l'humanité vit une pauvreté qui n'a pas de nom. Je vous invite donc tous à collaborer à toutes les campagnes de solidarité lancées dans le diocèse. Merci de votre générosité.

 

MGR: Je vous souhaite beaucoup de joie dans votre travail. Je vous prie de saluer tous les gens du Cursillo. Merci pour ce travail que vous réalisez, c'est important.

Article paru dans le Journal Cursilliste du diocèse de St-Hyacinthe: L'arc-en-ciel , Volume 2, Numéro 3, Décembre 1998.