Merci à tous ceux qui nous envoient un témoignage!
En témoignant de ce que le Seigneur
a fait dans notre vie,
nous contribuons à faire connaître
sa présence et son action
et c'est Lui que nous louons.
"Que votre lumière brille!
Qu'elle soit placée sur le boisseau!
Afin que tous ceux qui la voient
rendent gloire à votre Père
qui est dans les cieux."
(Mt 5, 15-16)
Jean-Paul ii, Ultreya d'Italie en 1990
Il faisait partie de ce premier groupe de "Third Grade" que j'ai eu, comme enseignante à l'école "Saint Mary". Tous mes 34 élèves m'étaient chers, mais Mark Eklund était tout à fait spécial entre mille.
Il était un peu comme tout le monde, au premier abord, mais il avait ce "bonheur de vivre" qui rendait agréable même son mauvais comportement occasionnel.
Mark parlait sans cesse. J'ai dû lui rappeler, je ne sais plus combien de fois, que parler sans permission était pour moi inacceptable. Ce qui m'impressionnait toujours, cependant, c'était sa réponse franche à chacun de mes avertissements: "Merci de me corriger, ma Soeur!" Sur le moment, je ne savais vraiment pas quoi faire de ses remerciements, mais assez rapidement je me suis habituée à les entendre, même plusieurs fois par jour.
Un bon matin, ma patience était à bout, d'entendre Mark parler. Alors j'ai fait une erreur d'enseignante novice. Je l'ai regardé et je lui ai dit: "Si tu dis un mot de plus, je vais te bâillonner. Dix secondes ne s'étaient pas passées que Chuck s'écria: "Mark parle encore!" Je n'avais jamais demandé à quelque élève de m'aider à surveiller Mark, mais comme j'avais précisé la punition devant toute la classe, je me suis sentie obligée de l'exécuter.
Je me souviens de la scène comme si c'était arrivé ce matin. Je suis allée à mon bureau, j'ai tiré mon tiroir et j'ai sorti un rouleau de "masking tape". Sans dire un mot, je me suis avancée au pupitre de Mark, j'ai déchiré deux bandes de "tape" et je les ai collées comme un gros "X" sur sa bouche. Puis je suis retournée en avant de la classe.
Comme je jetais un coup d'oeil sur Mark pour voir sa réaction, il me fit un beau clin d'oeil! Je n'ai pas pu résister. J'éclatai de rire. Toute la classe se mit à applaudir pendant que je retournais à Mark, lui retirer le "tape", en haussant les épaules. Ses premiers mot furent: "Merci de me corriger, ma Soeur!"
À la fin de l'année, on m'a demandé d'enseigner les mathématiques en "junior-high".
Les années passèrent et, à ma grande surprise, Mark se retrouva dans ma classe. Il était devenu plus joli que jamais et très poli. Et comme il avait à bien se concentrer sur les "nouvelles mathématiques", il ne parlait plus autant qu'avant.
Un certain vendredi, ça n'allait pas très bien. Nous avions trimé dur, toute la semaine, sur une notion nouvelle et je sentais les étudiants renfrognés, mal dans leur peau et à pic les uns envers les autres. Je me devais de faire quelque chose pour remédier à la situation. Alors j'ai demandé à chacun de dresser la liste de tous ses condisciples de classe, laissant un espace entre les noms. Puis je leur ai demandé de penser à la plus belle chose qu'ils pourraient dire de chaque compagnon ou compagne de classe et de l'écrire sous son nom. Ils ont eu besoin de tout le temps qui restait à la période pour le faire et, à la sortie, chacun me remit ses feuilles. Charlie avait le sourire et Mark dit: "Merci pour votre enseignement, ma Soeur. Bonne fin de semaine!"
Ce samedi-là, j'ai écrit le nom de chaque étudiant et étudiante sur une feuille séparée et je fis à chacun la liste de tout ce que les autres avaient dit de lui ou d'elle. Le lundi suivant, j'ai remis à chacun la liste qui le concernait. Rapidement, toute la classe avait le sourire. "Vraiment?", ai-je entendu murmurer. "Je ne pensais pas que je pouvais valoir autant!" "Je ne savais pas que les autres pouvaient m'aimer tant que ça!"
Et l'on ne fit plus mention de ces papiers en classe. Je n'ai jamais su si les étudiants en avaient parlé entre eux hors de l'école ou avec leurs parents, mais là n'était pas l'important. L'exercice avait atteint son but. Les étudiants me parurent mieux dans leur peau et plus heureux d'être ensemble.
Ce groupe se dispersa. Plusieurs années plus tard, j'étais de retour de vacances et mes parents vinrent me prendre à l'aéroport. En route vers la maison, maman me posa les questions habituelles sur le voyage, la température, mon vécu en général. Puis la conversation tomba. Ma mère lança un regard à mon père en disant simplement: "Dad?" Mon père se racla la gorge selon son habitude dans les situations importantes. "Les Eklunds ont téléphoné hier soir", commença-t-il à dire. "Vraiment?", dis-je. "Je n'ai pas eu de leurs nouvelles depuis des années. Je me demande comment va Mark." Papa répondit calmement. "Mark a été tué au Vietnam," dit-il. "Les funérailles sont aujourd'hui, et ses parents aimeraient que tu y assistes." Jusqu'à ce jour, je peux dire l'endroit exact de la route où papa m'a donné cette nouvelle de Mark.
Je n'avais jamais vu un soldat dans un cercueil militaire. Mark avait l'air si beau et si mature! Et tout ce qui me venait en tête à ce moment, c'était: "Mark, je donnerais tout le "masking tape" du monde pour que tu puisses me dire un seul mot!" L'église était bondée d'amis de Mark. La soeur de Chuck chanta "The Battle Hymn of the Republic".
Pourquoi fallait-il qu'il pleuve le jour des funérailles? Ce fut plutôt pénible au cimetière. Le pasteur a dit les prières usuelles et le clairon a sonné. Chacun à son tour, ceux et celles qui ont aimé Mark, se sont approchés de sa tombe et l'ont aspergée d'eau bénite. Je fus la dernière à bénir le cercueil. Pendant que j'étais là, un des soldats qui agissaient comme porteurs vint vers moi. "Êtes-vous le prof de mathématiques de Mark?", demanda-t-il. Je fis signe que oui de la tête tout en fixant le cercueil. "Mark a beaucoup parlé de vous", dit-il.
Après le service funèbre, la plupart des anciens compagnons et compagnes de classe de Mark se dirigèrent vers la maison de Chuck pour un goûter. La mère et le père de Mark y étaient et ils m'attendaient visiblement. "Nous voulons vous montrer quelque chose", dit le père, en sortant un portefeuille de sa poche. "Voici ce qu'ils ont trouvé sur Mark quand il a été tué. Nous avons pensé que vous pourriez reconnaître ce que c'est." Avec soin, il en retira deux vieilles feuilles dactylographiées et qui visiblement avaient été pliées et repliées maintes fois. Sans regarder, je compris que c'étaient les feuilles sur lesquelles j'avais mis en liste toutes les belles choses que les condisciples de Mark avaient dites de lui. "Merci beaucoup d'avoir fait ça", dit la mère de Mark. "Comme vous pouvez voir, Mark a conservé ces feuilles comme un trésor."
Tous les jeunes amis de Mark se rassemblèrent alors autour de nous. Charlie sourit timidement et dit: "J'ai toujours ma liste, moi aussi. Elle est dans le premier tiroir de mon bureau, à la maison." La femme de Chuck dit à son tour: "Chuck m'a demandé de mettre la sienne dans notre album de noces." J'ai la mienne aussi", dit Marilyn. "Je la garde dans mon agenda." Vicki, une autre condisciple, fouilla dans sa bourse, en sortit son "wallet" et montra au groupe sa liste à elle, écornée et défraîchie. "Je la porte toujours avec moi", dit-elle sans sourciller. "Je pense que nous avons tous gardé nos listes!" C'est alors que finalement je me suis assise et me suis mise à pleurer. J'ai pleuré pour Mark et pour tous ses amis, qui ne le reverraient plus jamais.
Nous côtoyons tellement de monde que nous oublions que la vie doit finir un jour. Et nous ne savons pas quand. Alors, s'il vous plaît, dites donc à ceux et celles que vous aimez et entourez pourquoi et comment ils sont "spéciaux" et importants pour vous. Dites-le-leur avant qu'il soit trop tard!