C’est sur l’Île Majorque, qui l’avait vu naître, qu’est décédé notre cher ami Sebastián Gayá, l’un des premiers artisans du Mouvement des Cursillos. Avec lui vient de partir l’un de ces premiers témoins qui ont vu surgir, avec les Cursillos, de nouvelles formes et de nouveaux styles d’évangélisation dans l’Église du 20e siècle. Lui-même l’expliquait ainsi :
«Les modèles d’évangélisation dans les années 40 étaient dépassés, obsolètes, anachroniques. L’homme de cette époque, il ne fallait pas l’approcher avec des sermons, mais avec des convictions solides et fondamentales. Il fallait insister non pas sur les petits miracles, mais sur le fait grandiose, passionnant, de pouvoir appeler Dieu «Père». Il ne fallait pas utiliser de petites recettes préfabriquées mais bien la vérité pure, devenue vie, devenue flamme incandescente. Il ne fallait pas prendre le sentier dérobé de la bigoterie, mais aller par les chemins de la réalité, affrontant les problèmes, non pas pour les raconter mais pour les solutionner!»
Sebastián est né le 30 juillet 1913, à Felanitx, et fut ordonné prêtre en mai 1937. Il a rempli une liste impressionnante de charges diverses: professeur du Collège, recteur du séminaire, aumônier diocésain de l’Action Catholique des Jeunes, délégué épiscopal pour le Pèlerinage à Compostelle, en 1948, directeur de l’École des dirigeants pour les Cursillos de Chefs de Pèlerins, chancelier à l’évêché de Palma, chanoine de la cathédrale, membre de la commission nationale pour l’immigration, sous-directeur du secrétariat national des Cursillos, et enfin, prélat domestique de Sa Sainteté…
Mais encore plus que ces charges et ces titres, ce qui caractérise sa vie, c’est sa constante attitude de marche (ultreya), la persévérance de son cri «continuez!», son amour indéfectible au Mouvement des Cursillos. Dire «Sebastián Gayá», c’est dire «Cursillos»! Il a vécu dès les débuts, la joie débordante du grand don de l’Esprit à l’Église qu’a été le MC.
José Angel Saiz, dans son volume «Genèse et Théologie des Cursillos», écrit ceci: «… le Cursillo et le Mouvement qui en découle est le fruit du travail, de l’inquiétude et de l’effort apostolique d’un groupe de laïcs et de prêtres qui formaient alors le Conseil diocésain des jeunes de l’Action Catholique de Majorque. À la tête de ce Conseil, et partant à la source de cette inquiétude et de ce travail étaient l’aumônier, Sebastián Gayá, et le président, Eduardo Bonnín. C’est sur eux que reposait l’entière confiance de l’Évêque, Mgr Hervás». Ce qui a été confirmé à nouveau dans le Décret romain du 30 mai 2004, approuvant les Statuts de l’OMCC.
Il n’y a pas de doute que le nom de Sebastián Gayá est lié à la genèse du Mouvement comme étant l’un des noms les plus significatifs. Au Conseil diocésain de l’Action Catholique, presque toutes les activités se concentrèrent, durant plusieurs années, à la préparation du Pèlerinage à Santiago, qui aura lieu en 1948. Or, dans cette préparation, en plus des «petits cours de chefs de pèlerins», il y eut un élément clef, ce furent les articles parus dans la revue de l’AC, Proa (Proue), sous le titre «Étapes d’un pèlerinage», et tous signés par Sebastián… Après 16 ans de préparation (l’idée en effet avait surgi durant un Congrès de l’AC des Jeunes en 1932, mais à cause de la guerre, il était sans cesse remis!), le pèlerinage aura lieu: 70,000 jeunes garçons se réuniront à Compostelle.
En décembre 1945, Sebastián terminait son article en disant:
«Levez-vous, aspirants à la sainteté! Si la nuit du découragement vous surprend, levez les yeux vers le ciel constellé d’étoiles, et alors, même dans la noirceur, vous verrez luire une lueur d’espoir et l’aiguillon du marcheur sur le chemin de S. Jacques (NDT: «Compostelle» veut dire «champ des étoiles»)…Seigneur, donne-nous le bâton du pèlerin!»
Mais si Sebastián Gayá est uni à la genèse du MC, on doit dire aussi qu’il a vécu avec tous les autres initiateurs du Mouvement, les moments de souffrance alors que tout paraissait perdu, les moments de persécution de la part même des autorités ecclésiastiques. Il apprit à ses dépends que beaucoup de fleurs ont des épines et que les œuvres divines n’ont pas l’habitude de croître sans elles. Dans son volume de «Reflexiones para cursillistas», il écrira: «N’aie pas peur quand on te demandera beaucoup, car on t’invite alors à croître; ne sois pas effrayé quand une œuvre que tu croyais de Dieu paraît couler à pic: dans cette barque Jésus est peut-être là! Il suffit de regarder l’histoire du MC. Il y eut des moments où tout paraissait perdu. Quand soudain arrive Paul VI donnant au Mouvement sa carte de citoyenneté universelle».
Sebastián a vécu l’expansion du MC hors de Majorque. En 1956, il fut transféré par ses supérieurs à Madrid pour diriger la Commission Catholique des Immigrants, ce qui lui fournit une chance extraordinaire pour faire connaître le Mouvement: il invitera tous les chapelains espagnols destinés à l’étranger, à faire d’abord leur Cursillo avant de partir! Aujourd’hui, le MC est répandu sur les cinq continents.
Rien de tout cela ne serait possible sans générosité. Sebastián écrivait un jour:
«Que celui qui veut vivre tranquille dans son fauteuil et mourir de vieillesse, ne fasse pas un apôtre. Que celui qui ne veut pas aller en haute mer, ne fasse pas un pêcheur. Pauvre de lui celui qui est appelé, mais par amour de son confort, reste dans son fauteuil. Bien sûr, il ne risquera pas les tempêtes déchaînées mais il ne connaîtra pas non plus la splendeur de l’azur qu’on ne voit qu’en haute mer, ni la joie indicible d’un lever de soleil quand la barque glisse sur un chemin de silence».
Rendons grâce au Seigneur pour le don immense de sa vie. Son départ nous laisse une vie entièrement dévouée à Dieu par le Mouvement des Cursillos. Il nous laisse la preuve irréfutable qu’il est possible de cheminer en pèlerins et d’arriver à la Maison du Père avec le cœur et l’âme «de colores». Sebastián, prie pour nous!
José Pacheco
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Traduit de la revue KERYGMA, Madrid, # 137, par Loyola Gagné, s.s.s. |