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Il est déjà midi, et le P. Antonio doit se rendre dans la chapelle d'un batey (le mot «chapelle» est un euphémisme, car si le Padre tient à ce que chaque batey ait sa chapelle, bien souvent il ne s'agit que d'un toit de palmes pour se protéger des ardeurs du soleil). Il s’y rend pour surveiller la répartition de la nourriture à un groupe d'écoliers. Tous les jours, à midi, ce sont des centaines de repas qui seront distribués sous la surveillance des parents eux-mêmes, à tour de rôle. Un repas substantiel, le seul de la journée pour la majorité de ces enfants. Un repas composé de riz, de fèves et de spaghetti, qui leur coûterait pas moins de 25 pesos à la maison mais que le Père leur distribue pour un peso par enfant, pour qu'ils ne soient pas humiliés de le recevoir comme une charité. Et ce sont les parents eux-mêmes qui s'assurent d'en faire la collecte. Le Padre en profite pour leur donner des leçons d'hygiène: il faut que la chapelle soit balayée avant que la nourriture arrive; si un enfant échappe son ustensile par terre, il doit aller le laver avant de s'en servir à nouveau, etc. Et dans la maison de retraites, c'est la même chose. Le Père se souvient que lors de l'inauguration de la maison, des pensionnaires n'avaient pu su utiliser le bol de toilettes mais s'étaient contenté de faire leur besoin dans la douche! Mais il faut aller dîner nous aussi, à la paroisse, car ensuite, il y aura une rencontre des cursillistes. Nous partons vers 16h, toujours en camion. Il s'agit d'une réunion préparatoire au Cursillo des hommes qui doit avoir lieu la semaine prochaine. L'équipe est réunie pour entendre deux animateurs donner leur rollo: d'abord Freddy, qui développe le thème «Groupe et Ultreya» et Franklin qui parle de «la prière». Le cas de Freddy est exceptionnel: il y a quelques mois à peine, il était... analphabète. Incroyable le chemin que le Cursillo lui a fait parcourir! Aussi le P. Antonio dans son évaluation n'hésite pas à affirmer que Freddy vient d'accomplir tout un exploit. Ce qui ne l'empêche pas de critiquer quand même son texte et de lui montrer patiemment comment il peut améliorer sa présentation. Les reproches paraissaient durs, mais on sent que le Padre veut les éperonner afin qu'ils se dépassent davantage. J'aurais aimé être là, la semaine suivante, pour voir les résultats. Mais il était déjà près de 21h et nous n'avions pas soupé encore. On avait seulement fait une pause pour prendre un jus et des biscuits. Et il fallait revenir jusqu'à la paroisse, par ces chemins infâmes traversés de rivières sans ponts et des nids de poules assez vastes pour engloutir une voiture! Pour me rassurer, ils ont eu la bonne pensée de réciter le chapelet... À l'arrivée, le jeune ingénieur espagnol, Juan de Dios, se mit à nous concocter un plat qu'il a appelé un revuelto, une espèce d'omelettes avec des oignons, des échalotes et des frites. J'ai bien dormi». Le tiroir des projetsNon satisfait de ces premières réalisations, le P. Antonio garde toujours ouvert ce qu’il appelle: son tiroir à projets. Voici ce qu’il veut entreprendre selon les ressources qui lui viennent uniquement d’Espagne (car pour le gouvernement de la République, son village n’existe même pas, à preuve, l’absence de routes et ces ponts inachevés!).
Il faut bien se mettre dans la tête que nous sommes en pleine brousse où n’existe absolument rien, que de la canne à sucre! Le P. Antonio a réussi, avec l’aide de sa paroisse natale en Espagne, a édifier lui-même tout ce qu’il y a en fait de construction dans le village: église, presbytère, école, infirmerie, boulangerie, etc. C’est lui-même qui a fait tous les plans, car il était ingénieur avant de devenir prêtre. Il ne pensait pas que ces diplômes allaient tant lui servir! Il ne néglige pas pour autant l’aspect catéchétique de ses ouailles. On a vu plus haut, comment il s’occupait de donner des Cursillos, dans une maison qu’il a dû construire lui-même, puisqu’il n’y avait pas d’endroit pour les accueillir. Il est l’animateur spirituel-adjoint du diocèse et il a trouvé le temps de travailler à la rédaction du «Guide du prêtre dans le Mouvement». C’est lui aussi qui a donné une causerie à l’assemblée internationale du GLCC (Groupe latino-américain du MC) sur «La Fidélité vs le Renouveau». Chaque année, il reclute des jeunes gens et jeunes filles d’Espagne qui viennent faire un stage de plusieurs mois, bénévolement, pour catéchiser adultes et enfants, préparer les groupes de première communion, animer les liturgies, etc. Parfois même, de jeunes ingénieurs viennent lui consacrer une année de leur vie, pour parfaire les constructions en marche. C’est grâce à tous ces aides que le P. Antonio peut réaliser tant de choses... Il a entendu un jour qu’on lui a dit: «Le Christ compte sur toi», alors il n’a pas su s’arrêter depuis. Il nous demande seulement de prier pour qu’il reste fidèle à la mission que le Seigneur lui a confiée et que la communauté qu’il est en train de relever de sa misère soit toujours fidèle au Seigneur. Loyola Gagné, s.s.s.
________________________________________________________________________________ N.D.L.R.: Né à San Fernando, (Cádiz) en Espagne, le Père Diufain habite aujourd'hui Moyobamba, au Pérou. Voir sa page facebook: https://www.facebook.com/adiufain |