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Au pays de l'évangélisation

Réflexion sur la mission du MC et de tout chrétien : témoigner de sa foi... particulièrement auprès des "loin de Dieu et de l'Église"!

AU PAYS DE
L'ÉVANGÉLISATION

par GILLES BARIL, prêtre
Animateur spirituel
national du MCFC
  1. Comment bâtir l’Église?
  2. Qui doit évangéliser?
  3. Comment demeurer crédible?

Comment bâtir l’Église?


Paul à AthènesAprès la conversion de saint Paul, les apôtres hésitent à intégrer ce grand persécuteur des chrétiens au sein de leur communauté. Comme Paul est un homme instruit, on l’invite gentiment à aller évangéliser les Grecs et les Romains. Quelques années plus tard, comme le nombre des chrétiens non-juifs augmente rapidement, surgit le besoin de préciser si la foi chrétienne est la continuité de la foi juive ou si elle est une nouvelle religion. Au Concile de Jérusalem (en 49), on conclut que nous sommes une nouvelle religion, ce qui se traduit par le jour consacré au Seigneur qui passe du samedi (jour du sabbat) au dimanche (jour de la Résurrection du Christ).

Il est connu que les premiers chrétiens sont persécutés : ils deviennent les boucs émissaires des autorités juives et romaines pour élucider les crimes dont les auteurs ne sont pas identifiés comme par exemple l’incendie du centre-ville de Rome demandé par Néron en 64. Devenir martyr pour le Christ est perçu par les chrétiens comme une bénédiction : on est jugé digne par Dieu d’être directement associé à la passion du Christ. Il existe une solidarité exceptionnelle entre les chrétiens, à un point tel que beaucoup de soldats se convertissent au christianisme en les voyant vivre.

En 311, l’empereur Constantin devient chrétien : la religion cesse d’être celle des persécutés pour devenir la religion officielle de l’Empire romain. Mais le fait que l’empereur s’est converti ne veut pas dire pour autant que chaque membre de l’empire est évangélisé. Il faudra travailler fort pour adapter la foi chrétienne au vécu quotidien. Des maîtres de qualité ont su relever ce défi dont le plus connu est sans doute saint Augustin.

St Martin de ToursSaint Martin de Tours fera naître un mouvement d’évangélisation des campagnes, ce qui ira jusqu’à inciter les prêtres à aller vivre au milieu du peuple qui leur est confié. La vocation par excellence ce n’est plus le martyr, mais le célibat consacré pour Dieu : naissance des communautés contemplatives avec saint Antoine (vers †356) et saint Benoît (vers †520).

Les monastères deviennent des petites villes à côté des villes. La vie quotidienne est rythmée par la prière, mais aussi par le service des malades et des pauvres. On prône la libération des esclaves qu’on aide à se relancer dans la vie. On engage les pauvres de la région pour du travail quotidien ou à la semaine. Les moines développent aussi des ressources médicales.

On accueille dans les hôtelleries les malades (origine des hôpitaux qu’on nomme les "Hôtel-Dieu"), les itinérants, les pauvres puis les voyageurs de passage. On accueille aussi les gens en recherche spirituelle : les moines font beaucoup d’accompagnement spirituel.

Les moines occupent leurs journées à retranscrire à la main les différents textes sacrés et ils enseignent Dieu par la peinture, la littérature et la musique sacrée.

Un moine allemand, Luther, constate que l’Église de Rome ne vit pas toujours selon les enseignements de l’Évangile : il conteste le pape. En même temps, pour différentes raisons, Calvin remet en questions les enseignements de l’Église dans le sud de la France et Henri VIII fait de même en Angleterre. Ces "protestants" obligent la mise en œuvre du Concile de Trente (1536-1563).
Concile de TrenteDe ce concile naîtront différentes réformes pastorales pour encadrer la foi chrétienne :

  • fondation des Grands Séminaires pour former les futurs prêtres;
  • Paroisse à taille humaine avec curé résident (500 paroissiens en campagne, de 1000 à 1200 en ville où le curé est appuyé par un vicaire);
  • Le curé se doit de connaître personnellement chacune des familles de sa paroisse;
  • Insistance sur les sermons – catéchèse pour instruire les paroissiens;
  • Émergence de différents livres religieux pour l’ensemble de l’humanité : nouveau catéchisme universel, liturgie en latin, code de droit canonique, bréviaire latin pour le clergé et les  religieux (ses);
  • Obligation pour chaque évêque de se rendre à Rome tous les cinq ans pour présenter au pape et aux commissions romaines le vécu de son peuple (visite ad limina);

L’Église vit sous la pulsion du Concile de Trente jusque dans les années 1960. Toutes les œuvres sociales (hôpitaux, écoles, organisations caritatives) sont sous la responsabilité des communautés religieuses. L’Église est omniprésente et il est normal que chaque famille fournisse au moins une vocation religieuse.

Dans les années 1960, l’État prend sous sa responsabilité la gérance des œuvres sociales, l’Église perd son leadership communautaire. Arrivent aussi de nouvelles idéologies avec l’apparition de la télévision… ce qui entraîne l’éclatement des couples et des familles, l’accès au marché du travail des femmes, la diminution de la pratique dominicale et la raréfaction des vocations.lavement des pieds

D’une crédibilité de pouvoir, l’Église passe à une crédibilité de services en faisant appel à l’engagement des laïcs. Nait la mentalité des services spécialisés : pastorale du baptême, pastorale du mariage, pastorale de l’initiation aux sacrements, pastorale des funérailles, pastorale caritative…

Des valeurs nobles prennent racine chez les gens, mais ces valeurs ne construisent plus la vie communautaire : recherche de son épanouissement personnel, quête d’autonomie, désir d’expérimenter par soi-même. On vit la "religion à la carte", c’est-à-dire, que les gens font appel à l’Église pour un service précis puis ils se soucient moins des besoins collectifs. « J’ai un enfant, je demande le baptême sans pour autant m’investir dans des pratiques religieuses… » La foi devient de l’ordre du privé-personnel. Le curé n’est plus perçu comme un leader public.

Comme l’Église est essentiellement communautaire, il lui faut faire preuve de créativité pour continuer sa mission : « Allez vers… » (Mc 16, 15). Il lui faut proposer l’idéal de l’Évangile dans la simplicité et l’humilité avec un souci prononcé pour les malades et les pauvres. Paul VI écrit :

« L’Église n’a plus besoin de maîtres (qui regardent le monde de haut), mais de témoins qui font route au quotidien avec les gens et qui apprennent les uns des autres ».

Il faut bâtir des ponts avec des valeurs sociales plutôt que d’élever des murailles de protection. Il faut devenir des passionnés de la dignité humaine en demeurant au service des familles, en s’adaptant au vécu de chaque personne et parfois en acceptant de créer des espaces d’intimité (ou de gratuité) : juste être là au sein du monde sans avoir d’autres solutions que celle de notre présence et de notre prière… Pour demeurer une présence signifiante, il faut au préalable prendre le temps d’habiter notre cœur afin que notre agir laisse transparaître ce qui nous habite de l’intérieur. D’où la nécessité de la prière continuelle pour développer une spiritualité de communion où le prochain n’est pas un obstacle personnel, mais un chemin vers Dieu.

Saint Augustin disait : « En aimant le prochain et en en prenant soin, tu es en route vers Dieu. Porte celui avec qui tu marches pour arriver à Celui avec qui tu désires demeurer ».

À suivre >

Publié avec l'autorisation de l'auteur. Extrait de: Le quotidien de l'Évangile, Gilles Baril, prêtre, p. 23-27
Source des images: Prédication de Paul aux Athéniens; Saint Martin de Tours; Concile de Trente; Lavement des pieds.